Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°990 (2025-37)
mardi
16 septembre 2025
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Pour regarder et écouter,
Automne
Comme un monde qui meurt écrasé sous son
Or,
Parmi la langueur des sous-bois, on sent
flotter
Mais nous savons que de l’amas de ce fumier
Notre Société ressemble à la Forêt, |
![]() Papillon exotique Papiliorama (Suisse) mardi 29 juillet 2025 ![]() mardi 29 juillet 2025 ![]() Papiliorama (Suisse) mardi 29 juillet 2025
Lézard des murailles
femelle
Papiliorama (Suisse) mardi 29 juillet 2025
Labergement Sainte-Marie (Haut-Doubs) vendredi 1er août 2025 ![]()
![]() Epilobe hirsute Labergement Sainte-Marie (Haut-Doubs) vendredi 1er août 2025
![]() Labergement Sainte-Marie (Haut-Doubs) vendredi 1er août 2025
Labergement Sainte-Marie (Haut-Doubs) vendredi 1er août 2025
Labergement Sainte-Marie (Haut-Doubs) vendredi 1er août 2025
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot dimanche 3 août 2025
Criquet
Jeunes Marmottes
Marchairuz (Suisse) mardi 5 août 2025 |
"1 Les chiens n’aboient pas à moitié. Les chiens ne se trompent pas, ne prennent pas un orignal pour un ours. Encore moins un ours pour un Homme. On les entend dans la forêt à l’aube. À celui qui gueulera le plus fort. Ils vont et viennent, tracent des sentes nerveuses dans l’herbe. Tirent sur leurs cordes jusqu’à s’arracher le poil. Dans les canots, les pagaies prennent de la vitesse. Vingt-huit mains de bois se font plus fermes sur l’eau, et le calme de la rivière n’arrive plus à couvrir le bruit des rameurs et des corps qui chauffent. Entre les arbres, on aperçoit les premières tentes. Les embarcations accostent les unes après les autres. Les guerriers sautent dès qu’ils ont pied, font bouillonner la rive. Certains courent vers le camp, d’autres grimpent dans les arbres, peau contre écorce, l’arc enfilé autour du cou. Les chiens sont lâchés. Les premières flèches sifflent, d’un côté comme de l’autre. Les bêtes sont criblées avant d’avoir pu mordre. Le soleil éclaire à peine les cimes, et déjà on meurt. Les cris de guerre se mêlent aux cris d’horreur quand les Yeux-Rouges déferlent comme une nuée de mouches. Le Chef est le premier à mettre le pied dans le village, visage peint, pupilles dilatées, la masse levée. Il ne laisse personne le précéder. Un Longues-Tresses jaillit de sa tente et tend son arc pour le viser. Trop vite. La flèche à pointe de pierre glisse sur le bras du Chef, lui entaille la peau. À peine une piqûre de guerre, une eau-de-vie pour mieux donner la mort. Il s’élance, arme son bras et lâche sa masse. Deux tours sur elle-même et elle défonce la poitrine de l’homme. Il tombe, la main toujours sur la corde. Le Chef désencastre son arme et l’abat sur le crâne. On n’est jamais trop sûr. Puis il entre dans la tente. La pénombre contraste avec le soleil vif du matin boréal. Il plisse les yeux. Une silhouette se jette sur lui, un cri clair de femme qui n’a plus rien à perdre. Il évite le couteau, mais l’élan du corps le renverse. Ils tombent ensemble. Le Chef lui maintient les bras pour l’empêcher de frapper à nouveau. D’un coup de reins, il la fait rouler sur le dos, et s’assoit sur elle pour lui couper le souffle. Il lui serre le poignet jusqu’à lui faire lâcher son arme. Elle se débat, cherche des prises. Il serre les cuisses plus fort. Il a le ventre chaud, le souffle court. Cette femme sans peur attise ses envies de viol. Il y pense depuis qu’il a décidé de l’attaque. Il y pense la nuit, le sexe gros sous les peaux de bêtes. Il y pense à l’aube, quand la peinture sèche sur son visage et fige ses expressions. Il veut en violer plusieurs. Il est le Chef, il en a le droit. Tous ses guerriers en ont le droit. Mais lui plus que les autres. Il frappe la femme au visage pour l’étourdir, comme il l’aurait fait d’un poisson hors de l’eau. Il prend de sa ceinture un mètre de corde et lui attache les mains et les pieds jusqu’au sang, jusqu’à lui faire perdre l’envie de s’enfuir. Il entend un frottement dans le fond de la tente et aperçoit une jeune fille. La mère crie quand il brutalise l’enfant. Quand il lie ses poignets pour la violer plus tard. Elle aussi sera offerte à l’Île-Esprit. Il se relève et repart à l’assaut des hommes. Dans le village, le combat est inégal. Les Yeux-Rouges sont deux fois plus nombreux que les Longues-Tresses. Le Chef aide un de ses guerriers en difficulté. Il s’élance sur l’ennemi pour le renverser, lui brise la colonne, avant de l’achever. Les flèches se chargent de ralentir ceux qui cherchent à s’échapper. Ce sont souvent des femmes. Elles n’ont pas le devoir de guerre, juste celui d’engendrer et de nourrir. Alors elles courent. Les archers visent les jambes : les fesses, les cuisses, les mollets. Ne pas toucher les zones vitales. Malheur à celui qui fera perdre un corps pour l’offrande. Les derniers Longues-Tresses crèvent dans la douleur. Quelques guerriers ressortent de la forêt, tirant une femme par les cheveux. Le Chef regrette que ce soit déjà la fin. Il coupe une gorge. La sensation de la lame qui mord la peau lui avait manqué. La carotide palpite sous ses doigts, de moins en moins fort à mesure que le sang s’écoule et se perd dans la terre. Les cris de victoire succèdent aux cris de guerre. Les Yeux-Rouges regroupent leurs morts devant eux, les traînant par un bras, par une jambe. Les couteaux tranchent les oreilles, pour le souvenir, pour la gloire. Puis les têtes des morts retournent à la terre, et ne tressailliront plus que sous les crocs des loups. Le pillage commence. On retourne les tentes, tape dans les réserves de viande. Les habits des femmes sont déchirés. Les filles sont pelotées. Dans le viol comme dans l’amour, chacun a sa technique. Certains préfèrent l’intimité d’un abri. D’autres aiment ça à plusieurs, pour ce côté convivial qu’il y a à passer chacun son tour. Le Chef ne partage plus ses femmes. Chaque corps qu’il prend ne sera pas pris par un autre. Dans le passé, il a prouvé sa valeur en violant au milieu de ses hommes. Maintenant, être vu ne l’intéresse plus. Il préfère laisser la place aux jeunes, pour qu’ils se fassent la main. Il retourne dans la première tente qu’il a visitée et pénètre la mère, puis l’enfant. Les femmes sont regroupées au centre. Les plus jeunes pleurent. Les plus vieilles endurent les insultes et le ventre qui cisaille. Quelques tentes brûlent, épaississent l’air de leur fumée d’écorce. On récupère ce qu’on peut. Fourrures, berceaux, canots. Les morts amis sont alignés : de longues plaintes les honorent, avant qu’ils soient chargés sur des traîneaux de branches. Ils seront pleurés et veillés. Le Chef prend sur son canot la femme et la fille qu’il a violées. Il est attaché à ses exploits de sexe comme à ses exploits de lame. Pas une larme sur le visage de la mère pendant le voyage. Elle regarde l’eau, le trouble des rapides et les truites qui filent entre les rochers. Comme si elle partait cueillir les baies, un matin comme un autre. Quand ils arrivent à leur camp, les hommes jappent. Heureux. Leurs familles les attendent avec une marmite sur le feu. Et des enfants qui courent..."
Guillaume AUBIN - L'arbre
de colère
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