Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°977 (2025-24)
mardi
17 juin 2025
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Plutôt le vol de
l’oiseau qui passe sans laisser de trace, Le souvenir est une trahison envers la
Nature, Passe, oiseau, passe, et apprends-moi à
passer ! |
![]() Canard colvert femelle La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 1er mai 2025 ![]() Canard colvert femelle à sa toilette - essai en "flou-filé" La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 1er mai 2025 ![]() La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 1er mai 2025
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 1er mai 2025 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 1er mai 2025 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 1er mai 2025 ![]()
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La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 1er mai 2025
Le canard mâle
s'ébroue...
![]() Canard colvert femelle, Bergeronnette grise et moucherons La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 10 mai 2025 ![]() ![]() ![]() ![]() Le mâle (?) La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 10 mai 2025 ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Canard colvert femelle se nourrissant des moucherons à la surface de l'eau La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 10 mai 2025 ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]()
![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Foulque et grue La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 10 mai 2025 ![]() ![]() ![]()
![]() ![]() Femelle
[à suivre ...]La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 10 mai 2025 |
"Prologue Massif central, février 2003 Dominique glissa les deux piquets sous son bras et remonta jusqu’au menton la fermeture éclair de sa parka réglementaire avant d’attaquer la piste qui grimpait entre les arbres. Le froid hivernal s’était chargé d’humidité. Au loin les sommets des volcans disparaissaient encore sous la neige. De l’épaisse couche d’aiguilles de pin dont la boue était tapissée montait une puissante odeur de décomposition – aussi forte et amère que celle de la mort qui l’attendait là-haut. À cette pensée, elle frissonna. Au-delà de la ligne des arbres, la pente s’accentuait. Bordé par un mur de pierres sèches à moitié écroulé, le sentier suivait un tracé irrégulier puis changeait brusquement de direction pour contourner un bouquet d’arbres sombres. Il recommençait ensuite à s’élever vers le sommet de la colline et, à partir de là, se perdait dans le lointain brumeux du plateau. Dominique s’arrêta au tournant, jeta un coup d’œil pardessus son épaule et s’étonna d’avoir déjà atteint une telle hauteur. Essoufflée, elle resta un moment immobile, à regarder en bas l’éclat bleu du gyrophare de son fourgon et le serpent des véhicules garés sur l’étroite route menant à l’auberge. Elle voyait un groupe de silhouettes minuscules et une antenne parabolique en train d’émettre, sans doute, ses signaux vers les dieux de quelque rédaction parisienne où des images accompagnées de déclarations soigneusement choisies seraient disséquées afin d’être plus faciles à digérer. Une histoire sensationnelle ! Une tragédie ! Un apéritif de choc pour les consommateurs voyeurs des infos du soir. La jeune gendarme observa avec lassitude les dernières centaines de mètres qu’il lui restait à parcourir. À l’approche du sommet elle vit enfin les ruines du vieux buron barrer l’horizon. Il était difficile, maintenant, d’imaginer cet endroit habité – il l’avait été autrefois, en été seulement, lorsqu’on menait les animaux paître au milieu des immenses étendues de fleurs sauvages et d’herbes savoureuses du plateau. Peut être était-ce agréable, après tout, sous un vent tiède, avec cette vue imprenable sur le toit de la France. Idéal pour s’évader du monde. Se sentir au-dessus de tout. Proche des dieux. Mais, aujourd’hui, les nuages raclaient les sommets et crachaient leur misère sur la terre qu’ils noyaient dans un brouillard gris. Dominique aperçut deux silhouettes en imperméables luisants devant le mur de pierre mouillé – une femme assise sur un rocher, penchée en avant, la tête dans les mains, un homme debout près de l’ouverture sombre du buron. Le toit en pierre paraissait presque intact – sur ses lauzes abîmées qui laissaient passer la pluie mais pas la lumière, la cheminée toujours dressée n’avait pas senti la chaleur d’un feu depuis des années. Un second toit, beaucoup plus délabré – celui de l’abri pour les animaux – s’élevait un peu au-dessus du premier. L’homme s’avança vers Dominique et lui serra la main. Elle le connaissait de vue. C’était un individu très grand et large d’épaules, mais le chagrin semblait le rapetisser. Sous son front ridé, presque entièrement caché par un béret bleu marine, ses yeux la fixaient tristement. La femme leva un visage hagard puis retomba très vite dans son désespoir après avoir gratifié la gendarme d’un simple signe de tête, sans plus.
Celui-ci courba le dos et passa le premier sous le linteau. Leurs ombres se projetèrent sur un sol boueux couvert de traces de pas et de flaques d’eau où se reflétait la lumière de l’extérieur. Dominique décrocha la lampe torche fixée à sa ceinture, l’alluma et balaya l’obscurité jusqu’à ce que le faisceau lumineux éclaire le corps tordu d’un homme en survêtement, gisant dans une flaque rouge de sang. Une brève inspiration involontaire gonfla sa poitrine. En dix ans passés dans la gendarmerie, c’était son premier meurtre. Si elle avait déjà extrait des corps horriblement mutilés d’épaves de voitures, rien ne l’avait réellement préparée à plonger les yeux dans ceux d’un homme dont toute la France connaissait le visage. Un visage à présent marqué en plein front par une balle qui avait traversé la tête. Il y avait de la cervelle grise et blanche sur ses cheveux ensanglantés, par terre, dans la boue. Elle sentit son estomac se soulever, mais s’efforça de suivre malgré tout le faisceau de la lampe qu’elle promenait autour du cadavre.
Dominique lui jeta un coup d’œil perplexe :
L’homme haussa imperceptiblement les épaules. Du menton, la jeune gendarme indiqua la porte. L’endroit était une scène de crime ; rien ne devait être touché avant l’arrivée des experts. Elle sortit derrière l’homme, empoigna les piquets toujours coincés sous son bras et les planta dans la terre meuble à l’aide du maillet qu’elle avait pris soin d’emporter. Un de chaque côté de la porte. Puis elle tendit entre les deux un ruban bleu et blanc que le vent fit aussitôt frétiller.
L’homme tourna vers elle un regard bleu chargé de douleur.
Il soupira avant d’ajouter :
Il pinça les lèvres pour contenir son émotion et souffla :
Dominique hocha la tête. Elle pouvait difficilement se mettre à sa place.
Les yeux de Dominique se posèrent sur la silhouette prostrée de la femme assise sur le rocher. Sans attendre qu’elle lui pose la question, l’homme expliqua :
Dominique s’approcha de l’endroit où la piste plongeait dans la pénombre vers la ligne floue des arbres. La tombée de la nuit ne faciliterait pas la montée de la police scientifique. Il faudrait attendre le matin avant qu’une fouille méthodique des lieux puisse être entreprise. En bas, sur la route, les véhicules avaient allumé leurs lumières.
Tout en sachant qu’elle devait lui paraître sotte et balourde, elle insista :
Peter MAY - Trois
étoiles et un meurtre
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