Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°973 (2025-20)
mardi
20 mai 2025
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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![]() Canard colvert mâle s'étirant La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 19 avril 2025 ![]() La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 19 avril 2025 ![]() La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 19 avril 2025
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 19 avril 2025 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 19 avril 2025 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 19 avril 2025
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 19 avril 2025 ![]()
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![]() La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 19 avril 2025
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 19 avril 2025
Foulque macroule :
accouplement (un peu caché !)
C'est le deuxième couple (celui de l'autre côté du barrage... qui se chamaille avec celui que j'observe) La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 26 avril 2025
![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Foulque macroule (la
femelle)
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 26 avril 2025 ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Foulque macroule en équilibre La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 26 avril 2025 ![]() ![]() ![]()
![]() ![]() ![]() Foulque macroule (le
mâle)
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) samedi 26 avril 2025 [à suivre...]
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"Chapitre 1 Lot-et-Garonne, 2003 La fraîcheur de la nuit se dissipait en même temps que la brume matinale. Il sentait la chaleur monter de la terre ; bientôt, le ciel deviendrait d’un blanc poussiéreux. Comme hier, avant-hier et le jour d’avant. Il avait lu dans La Dépêche que le taux de mortalité grimpait, les gens âgés étant les plus affectés par ces températures qui s’envolaient au-dessus des 40 °C. Déjà onze mille décès et ce n’était pas fini. La canicule brûlait la terre, tuait les arbres, les arbustes, grillait les feuilles, aussi sèches et brunes qu’en automne. Cela faisait plusieurs mois qu’il n’était pas descendu au lac pour assouvir son besoin viscéral de s’asseoir seul, en silence, devant une ligne plongée dans l’eau, sans se soucier le moins du monde que les poissons mordent à l’hameçon – ce qu’ils faisaient pourtant en général. Son petit garçon, tout juste âgé de deux jours, était encore à l’hôpital avec sa mère après une naissance difficile. Il contempla vers l’ouest le paysage chatoyant, les ondulations des champs brûlés, les squelettes des arbres, les collines calcaires dont les grottes avaient servi de refuge aux résistants traqués par les Allemands. La descente était très raide entre les arbres, les feuilles craquaient sous ses pieds. Lorsqu’il le vit, il eut un choc et s’arrêta. D’un vert chimique sous la lumière saturée de chaleur, le lac avait rétréci de moitié. Il traversa les fourrés desséchés jusqu’à son endroit préféré et vit que le niveau de l’eau avait baissé de quatre mètres, peut-être davantage. Il s’avança sur la pente de boue craquelée, là où, d’habitude, son hameçon accrochait les poissons, et il observa l’eau. Tous les ruisseaux qui alimentaient le lac étaient depuis longtemps réduits à un simple goutte-à-goutte mais, ayant plus que jamais besoin d’eau, les fermiers continuaient à en pomper. Si la canicule ne prenait pas vite fin, il n’en resterait rien. Il se demanda si les poissons survivraient à cet été. Il entreprit de le contourner par l’ouest, longeant le fond exposé à l’air, asséché, marron, comme une vilaine cicatrice. Toutes sortes de détritus apparaissaient, naturels ou artificiels. Carcasses d’arbres morts depuis longtemps. Squelette de poussette. Au milieu de la boue calcinée et de la vase desséchée, un éclat bleu capta son regard. Pâle, décoloré, juste au-dessus du nouveau niveau de l’eau. Attiré par cette couleur incongrue dans ce paysage flétri, il se risqua à pas incertains sur le sol inégal et se rendit compte qu’il s’agissait d’un sac en plastique bleu – une moitié visible, l’autre enfouie dans la boue. Entouré de stries blanches. Curieux, il posa ses affaires par terre et s’accroupit. Il y avait quelque chose dans le sac. Fragilisé par le temps, le plastique se déchira facilement entre ses doigts et révéla les orbites noires d’un crâne, où étaient autrefois logés des yeux. Une horrible grimace dévoilant de longues dents jaunies semblait se moquer de son effroi. Il recula d’un bond, s’assit lourdement, et comprit alors qu’autour de lui, les stries blanches enchâssées dans le fond du lac étaient des os humains.
Chapitre 2 Paris, octobre 2011 Chaque fois qu’il venait chez Roger Raffin, rue de Tournon, quelqu’un, quelque part, jouait du piano. Gammes, exercices, interprétations bégayantes de Chopin et Beethoven – morceaux peu mélodieux souvent infligés par les professeurs de musique à leurs malheureux élèves. Et depuis toutes ces années, le ou la pianiste n’avait pas fait de progrès. Enzo jeta un regard distrait au gros marronnier dont les feuilles mortes tombaient sur les pavés mouillés de la cour. Son regard fut aussitôt attiré par une femme élégante vêtue de noir dont les hauts talons, sous des chevilles fines, cliquetaient sur ces mêmes pavés, et il se demanda si, un jour, la vue d’une jolie femme cesserait d’éveiller son intérêt. Il commençait malgré tout à voir la soixantaine se profiler à l’horizon.
Enzo se concentra de nouveau sur la table où s’étalaient des papiers, des photos, et l’ouvrage de Raffin, Assassins sans visages, ouvert à la sixième et avant-dernière affaire non élucidée. Ce dernier avait glissé son poing fermé entre les pages et cassé le dos afin de le maintenir ouvert à l’endroit choisi, ce qui avait choqué Enzo – il détestait abîmer un livre, pour lui c’était du vandalisme.
Même s’il avait déjà lu l’histoire plusieurs fois, Enzo appréciait cette mise au point qui lui permettait d’apprendre des choses n’apparaissant pas forcément dans le texte. D’ailleurs, il préférait de loin qu’on lui raconte les faits. Cela les rendait d’une certaine manière plus réels. Raffin attrapa la bouteille de puligny-montrachet, à présent couverte de condensation, et remplit leurs verres. – Mais c’était quatorze ans avant qu’on ne découvre son corps. On n’a jamais pu expliquer sa disparition en 1989. Elle ne s’est pas enfuie. Ou alors elle aurait décidé de laisser derrière elle sa vie entière, toutes ses affaires ? Pourquoi se seraitelle enfuie, d’ailleurs ? Elle aimait ses parents, qui l’adoraient. Son père, Guillaume, était juge à la cour d’appel, sa mère une ancienne infirmière. On n’a trouvé aucune preuve d’homicide et, apparemment, personne n’avait de raison de lui vouloir du mal. Enzo sirota son vin d’un air songeur.
L’air sceptique, Raffin haussa un sourcil avant de préciser avec une pointe de sarcasme dans la voix :
Il parut de nouveau irrité par cette interruption. Enzo se demanda – pour la énième fois – ce que sa fille pouvait lui trouver. Roger Raffin était un bel homme. Plus vraiment de la première jeunesse. Un peu plus de quarante ans, peut-être. Comme lui, il avait pris de la bouteille au fil de leurs six années de collaboration, mais il avait surtout radicalement changé depuis qu’il avait reçu en pleine poitrine cette balle destinée à Enzo. On devinait sa vanité au soin qu’il apportait à ses cheveux et à ses vêtements de marque, si bien coupés. Enzo ne l’avait jamais beaucoup aimé.
Enzo prit la photocopie de la lettre au milieu des papiers étalés sur la table. Il l’avait déjà lue plusieurs fois. Gribouillage d’un homme sans éducation s’efforçant d’exprimer des sentiments qu’il avait manifestement beaucoup de mal à traduire en mots. Elle était tout simplement signée, Je t’embrasse, R. Sous-entendant une intimité improbable. Cela l’avait toujours troublé.
Raffin passa une main dans ses cheveux bruns qui grisonnaient sur les tempes et se clairsemaient peut-être un peu au sommet du crâne.
Peter MAY - Un alibi
en béton
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