Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°975 (2025-22)

mardi 3 juin 2025

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Antonio CALDARA - Airs pour castra

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Tu vis donc se fermer, plein d’adorables choses,
Ce livre, ta jeunesse, et se mourir les roses
Du jardin, d’où l’oiseau d’hier s’est envolé...
Où, pourquoi, qui le sait? Où s’en est-il allé?

Omar KHAYYAM


 
Le retour des Rougequeues noirs

Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
avril 2025



Rougequeue noir femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mercredi 9 avril 2025


Rougequeue noir mâle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mercredi 9 avril 2025




Rougequeue noir mâle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mercredi 9 avril 2025

Pie
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
vendredi 11 avril 2025

Etourneau sansonnet
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 13 avril 2025



Rougequeue noir femelle chantant
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 20 avril 2025

Rougequeue noir femelle chantant
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 20 avril 2025

Rougequeue noir femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 20 avril 2025





Rougequeue noir femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 20 avril 2025


Rougequeue noir femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 20 avril 2025



Rougequeue noir femelle chantant
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 20 avril 2025



Rougequeue noir femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
lundi 21 avril 2025



Rougequeue noir femelle s'ébrouant
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
lundi 21 avril 2025

Rougequeue noir femelle chantant
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
lundi 21 avril 2025

Rougequeue noir femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
lundi 21 avril 2025

 


Suggestion de lecture :

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1


Dès qu’elle approcha de l’encadrement de la porte qui, du bureau de sa secrétaire, également chargée de l’accueil des visiteurs, permettait d’accéder au sien, Catherine Morris Perry remarqua la boîte posée sur sa table de travail. Elle était volumineuse : peut-être un mètre de long et presque aussi haute. Les lettres imprimées sur la boîte indiquaient qu’elle avait à l’origine contenu un four à micro-ondes fabriqué par la General Electric. Elle était entourée de bandes de papier adhésif marron qui avaient été posées à la va-vite. C’était une boîte grossière, incongrue parmi les objets d’art d’un goût irréprochable et les pastels délicats du bureau élégant de Catherine Perry.

  • Comment s’est passé le week-end ? demanda Markie.

Catherine Morris Perry accrocha son manteau à la patère, posa son chapeau de pluie par-dessus, ôta le plastique transparent qui protégeait ses chaussures et dit :

  • Bonjour, Markie.

  • C’était bien, le Vermont ? Humide, là-haut aussi ?

  • D’où ça vient, ça ? demanda Catherine en montrant la boîte.

  • C’est arrivé par Federal Express, répondit Markie. J’ai signé le reçu.

  • J’attends quelque chose ?

  • Si c’est le cas, vous ne m’en avez pas parlé. C’était comment le Vermont ?

  • Humide, dit Catherine.

Elle n’avait aucune envie de parler du Vermont avec Markie Bailey, pas plus que de ce qui concernait toute vie extérieure à ce bureau. Ce dont elle avait envie de parler avec elle c’était de goût. Ou plutôt de manque de goût. L’idée de poser, comme elle l’avait fait, cette grande boîte marron, hideuse, sur sa table de travail de style ancien était typique de ce problème : elle était hideuse, répugnante, déplacée en cet endroit. Aussi déplacée que l’était madame Bailey dans ce bureau. Mais se débarrasser de sa personne serait pratiquement impossible. Cela, à n’en pas douter, entraînerait une quantité phénoménale de problèmes par suite de la loi fédérale qui régissait le statut des fonctionnaires. La spécialisation de madame Perry dans le domaine légal ne concernait pas les personnels, mais ses efforts pour se débarrasser de Henry Highhawk, ce conservateur du Muséum d’Histoire naturelle, un casse-pied fini, lui avaient servi de leçon. Quel interminable fiasco elle avait rencontré là !

  • Il y a eu un appel pour vous, lui dit Markie. Le bureau de l’attaché culturel de l’ambassade du Chili. Il voulait un rendez-vous.

  • Plus tard, répondit Catherine Morris Perry. Je le rappellerai plus tard.

Elle savait de quel problème il allait s’agir. Encore un problème de dons concernant les Indiens. Le Général Machin-Chose qui voulait qu’on lui rende des objets d’art. Qui prétendait que son arrière-grand-père n’avait fait que les prêter à un des gros bonnets de la United Fruit Company, que celui-ci n’avait aucun droit de les donner à la Smithsonian Institution, qu’il s’agissait de trésors nationaux qui devaient être restitués. Des objets incas, si elle se souvenait bien. En or, bien sûr. Des masques en or incrustés de pierres précieuses et le général déciderait probablement qu’ils faisaient partie de son trésor personnel s’il pouvait mettre la main dessus. Et veiller à ce qu’il ne le puisse pas signifiait pour elle un énorme travail de recherche dans des documents et dans les lois internationales auquel elle devait s’atteler immédiatement. Mais il y avait cette boîte, là, qui prenait de la place sur son bureau. Elle lui était adressée au titre de « porte-parole du musée ». Catherine Morris Perry n’aimait pas que l’on s’adresse à elle au titre de « porte-parole du musée ». Cette appellation découlait probablement de la déclaration qu’elle avait faite au Washington Post sur la politique suivie par le musée. Tout cela avait plus ou moins été une question de hasard. On lui avait transmis l’appel du journaliste uniquement parce que quelqu’un du service des relations publiques était malade, que quelqu’un d’autre n’était pas à son bureau au moment de l’appel et que la personne qui avait transmis l’appel avait décidé que c’était à un membre des services juridiques de s’en occuper. Cela concernait à nouveau Henry Highhawk, au moins de manière indirecte. C’était lié aux vagues qu’il faisait pour obtenir la restitution des fragments de squelettes primitifs. Et, de manière erronée, le Post s’était adressé à elle, l’avait présentée comme étant le porte-parole, et ils l’avaient citée alors qu’ils auraient dû citer le conseil d’administration du musée. La politique concernant les squelettes était, après tout, la politique officielle du conseil d’administration. Et une politique judicieuse.

Le talon d’expédition Federal Express attaché à la boîte était correct à l’exception de cette appellation erronée. Elle était « conseiller juridique adjoint temporaire aux affaires publiques », détachée par le ministère de l’Intérieur. Elle s’assit et jeta un coup d’œil hâtif au reste de son courrier. Pas grandchose. Ce qui devait être une invitation de la Guilde des Ballets nationaux pour un prochain spectacle de bienfaisance. Quelque chose qui lui était envoyé par l’Union américaine pour les Libertés civiles. Une note de service du directeur du département de la maintenance du musée lui expliquant pourquoi il lui était impossible de statuer sur les doléances du personnel ainsi que la loi le lui imposait. Une autre lettre pour l’assurance concernant des pièces empruntées qui allaient figurer dans une exposition ouvrant le mois suivant, et trois lettres qui semblaient provenir de sources privées extérieures, dont aucune n’était connue d’elle. Catherine Morris Perry les mit toutes de côté sans les ouvrir, regarda la boîte et fit la grimace. Elle ouvrit le tiroir de son bureau et en sortit son coupepapier. Puis elle appela madame Bailey.

  • Ouiiii.

  • Madame Bailey. Lorsque des colis comme celui-ci arrivent, ne les amenez pas comme ça pour les poser sur mon bureau. Ouvrez-les et sortez-en le contenu.

  • O.K., fit madame Bailey. Je vais vous l’ouvrir maintenant. C’est lourd ce truc. (Elle marqua une pause.) Madame Paterson voulait toujours qu’on lui dépose son courrier sur son bureau.

  • Je vais l’ouvrir moi-même, dit Catherine. Je voulais dire à partir de maintenant. Et madame Paterson est en congé. Ce n’est pas elle qui commande pour l’instant.

  • O.K. Vous avez vu les messages téléphoniques ? Les deux ? Sur votre bureau, là ?

  • Non. Ils étaient sans doute sous la boîte.

  • Le docteur Hebert a appelé et a juste dit qu’il voulait vous féliciter pour la façon dont vous avez réglé cette affaire de squelette. Pour ce que vous avez déclaré dans le Post.

De sa main libre, Catherine Perry se débarrassait de l’adhésif en le tailladant à coups de coupe-papier. Elle se disait que cette boîte devait être le résultat de cette histoire du Washington Post. Chaque fois que le musée faisait l’actualité, cela rappelait à un millier de vieilles dames qu’elles avaient dans leur grenier des choses qui devraient être préservées pour la postérité. Et puisqu’il y était question d’elle, l’une de ces vieilles dames lui avait envoyé ces cochonneries à son nom à elle. Qu’est-ce que ça allait être ? Une vieille baratte toute poussiéreuse ? Une collection d’albums de photos de famille ?

  • L’autre venait d’une personne du service d’anthropologie. J’ai mis son nom sur le papier. Elle veut que vous l’appeliez. Elle a dit que c’était pour les Indiens qui veulent récupérer leurs squelettes.

  • Bon, fit Catherine.

Elle ouvrit les rabats supérieurs. Dessous se trouvait un exemplaire du Washington Post, plié de façon à rendre visible l’article qui avait parlé d’elle. Une partie était entourée en noir.


offre de compromis du musée dans la controverse sur les ossements anciens


Ce titre irrita Catherine. Il n’y avait pas eu d’offre de compromis. Elle s’était contentée d’énoncer la politique du musée. Si une tribu indienne voulait récupérer des ossements anciens, elle n’avait qu’à en faire la demande et fournir une preuve acceptable que les ossements en question avaient effectivement été prélevés dans un lieu de sépulture de la tribu. La controverse était totalement ridicule et dégradante. En vérité, le simple fait d’avoir affaire à ce nommé Highhawk était dégradant. Lui et sa Société du Paho*. Un sous-fifre de musée et une organisation qui, pour tout un chacun, n’existait que dans son imagination. Et seulement pour causer des ennuis. Elle posa un œil sur les paragraphes entourés. « Madame Catherine Perry, qui occupe les fonctions de conseiller juridique pour le compte du musée et était en l’occurrence son porte-parole, a déclaré que la demande formulée par la Société du Paho exigeant la remise en terre de toute la collection de squelettes d’Amérindiens, soit plus de dix-huit mille, était simplement irréalisable au regard des buts du musée. » « Elle a expliqué que le musée était une institution vouée à la recherche au même titre qu’un lieu d’exposition public et que la collection d’os humains en sa possession est une importante source potentielle de renseignements dans le domaine de l’anthropologie. Elle a dit que la suggestion de monsieur Highhawk selon laquelle le musée pourrait effectuer des moulages en plâtre des squelettes puis remettre les originaux en terre n’était pas praticable “aussi bien en vertu des besoins de la recherche que du droit du public à bénéficier de l’authenticité et non à ce qu’on ne lui présente que de malheureuses reproductions”. »


Le membre de phrase « le droit du public à bénéficier de l’authenticité » était souligné. Sentant une critique, Catherine Morris Perry fronça les sourcils en le regardant. Elle souleva le journal. En dessous, placée sur une feuille de papier d’emballage marron, reposait une enveloppe. Son nom y avait été inscrit d’une écriture soignée. Elle ouvrit l’enveloppe et en sortit une feuille de papier machine simple. Tout en lisant, sa main restée libre arrachait la couche de papier d’emballage qui avait séparé l’enveloppe du contenu de la boîte. Chère madame Perry, Vous refusez d’enterrer les ossements de nos ancêtres parce que vous en appelez au droit du public à bénéficier de l’authenticité dans le musée quand il vient regarder des squelettes. En conséquence, je vous envoie deux squelettes d’ancêtres authentiques. Je me suis rendu dans le cimetière qui est situé au milieu des bois derrière l’église épiscopale de Saint Luke. J’ai fait appel à des méthodes anthropologiques authentiques pour déterminer l’emplacement des tombes de deux spécimens d’Anglo-Américains blancs authentiques… Les doigts de madame Morris Perry étaient maintenant sous le papier ; ils rencontraient de la terre ; ils rencontraient des surfaces lisses et froides.

  • Madame Bailey ! appela-t-elle. Madame Bailey ! Mais ses yeux allèrent jusqu’à la fin de la lettre. Elle était signée « Henry Highhawk du Peuple* de l’Eau Amère ».

  • Quoi ? répondit madame Bailey. Qu’est-ce qu’il y a ?

et pour m’assurer qu’ils seraient parfaitement authentiques, j’en ai choisi deux dont vous pouvez vous-même confirmer personnellement l’identité. Je vous demande d’accepter ces deux squelettes en tant que spécimens d’exposition authentiques destinés à vos clients en remplacement des ossements de deux de mes ancêtres afin qu’ils puissent être remis à leur emplacement légitime dans la Terre Mère. Le nom de ces deux… Madame Bailey était maintenant à côté d’elle.

  • Qu’est-ce qui ne va pas, mon chou ?

Elle se tut, reprit :

  • Mais c’est des os qu’il y a dans cette boîte. Et sales en plus.

Madame Morris Perry posa la lettre sur son bureau et regarda dans la boîte. Sous un fouillis composé de ce qui semblait être des os de bras et de jambes, une seule orbite creuse lui rendit son regard. Elle remarqua que madame Bailey s’était emparée de la lettre. Elle remarqua la terre. Des petites mottes de terre hideuses et humides s’étaient répandues sur le plateau encaustiqué de sa table de travail.

Mon Dieu, fit madame Bailey. John Neldine Burgoyne. Jane Burgoyne. C’était pas… c’est pas vos grands-parents ?..."


Tony HILLERMAN - Dieu qui parle


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