Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°978 (2025-25)
mardi
24 juin 2025
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
explications sur le nom de cette lettre :
[ici]
ou [ici]
Si cette page ne s'affiche pas correctement,
cliquez [ici]
Pour regarder et écouter,
Blanc à remplir sur la carte voyageuse du pollen N'y
eût-il
dans le désert
|
![]() Au lever du jour Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 26 avril 2025 ![]() Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 26 avril 2025 ![]() Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 26 avril 2025
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 26 avril 2025
Véronique
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 26 avril 2025
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 26 avril 2025 Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 26 avril 2025
samedi 26 avril 2025 ![]()
![]()
![]() Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 26 avril 2025
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 26 avril 2025
6h51
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 jeudi 1er mai 2025 Bergeronnette grise
dans l'ombre
![]() ![]() Géranium des
Pyrénées
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 vendredi 2 mai 2025 ![]() ![]() Myosotis sp.
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 vendredi 2 mai 2025 ![]() ![]() ![]() Barbarée Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 vendredi 2 mai 2025 ![]() Feuille de Rumex
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 vendredi 2 mai 2025 ![]() Pissenlit Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 vendredi 2 mai 2025 ![]() Fin de la floraison Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 vendredi 2 mai 2025 ![]() ![]() ![]() Feuille d'Alchémille Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 vendredi 2 mai 2025 ![]() Fleurs d'Alchémille Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 vendredi 2 mai 2025 ![]() ![]() Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 vendredi 2 mai 2025 ![]() Au lever du jour Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 3 mai 2025 ![]() ![]() 6h55 Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 3 mai 2025 ![]()
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 3 mai 2025 ![]() ![]() Construction du nid Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 3 mai 2025 ![]() ![]() Bergeronnette grise se grattant Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 3 mai 2025 ![]() ![]() ![]() Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 3 mai 2025 ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Toilette Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 3 mai 2025 ![]() Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 samedi 3 mai 2025 Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 dimanche 4 mai 2025 ![]() ![]() 6h58 Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 dimanche 4 mai 2025 ![]() ![]() Bergeronnette grise Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 dimanche 4 mai 2025 ![]() ![]() Après l'orage... Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 dimanche 4 mai 2025 ![]()
![]() Une chevrette traverse... (au 100 mm) Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 dimanche 4 mai 2025 ![]() ![]() Feuille d'Alchémille après l'orage Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 dimanche 4 mai 2025 ![]() Chenille de la Petite Tortue, sur une feuille d'ortie... dont elle se nourrit. Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 dimanche 4 mai 2025 ![]() Géranium des Pyrénées Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5 dimanche 4 mai 2025 ![]() Bugle rampante - Ajuga
reptans Courvières
(Haut-Doubs), loge n° 5
dimanche 4 mai 2025 [à suivre...] |
"La plupart des hommes veulent durer. Je l’ai vu mille fois. Ils s’accrochent, sont prêts à supplier pour obtenir quelques jours de plus, quelques heures même, et pleurent lorsqu’ils finissent par comprendre qu’ils ne les auront pas. Moi, pas. Au moment de tout quitter, je n’ai supplié personne. Je croyais que c’était la fin. Je l’avais appelée de mes vœux. Et pourtant, je suis encore là. Je n’arrive pas à mourir. La plupart des hommes pensent que c’est une chance. Moi, je dis que c’est une malédiction. Les voix tournent. Je les entends. Elles se relaient. “Monsieur Sparak ?” Des voix inconnues mais prévenantes. “Monsieur Sparak ? Vous m’entendez ?” Pourquoi ces gens se soucient-ils tant de me faire revenir au monde ? “Zem ? Zem ?” La voix de Salia vient s’ajouter à celles des autres et m’enlève au cours de mes pensées. Je ne sais pas où je suis. “Zem ?” Est-ce qu’elle me gifle ? Est-ce qu’elle tente de me faire cracher toutes les pilules d’Okios que j’ai ingérées ? Pourquoi fait-elle cela ? Je veux juste rester dans mes visions, entouré des rues d’Athènes que j’ai quittées il y a trente ans parce qu’on avait vendu mon pays, les rues d’Athènes en noir et blanc qui défilent sous mes yeux, lentement, grâce à la drogue. Je veux qu’on me laisse. “Zem ?” Je suis dans les limbes et tout se mélange. Mes enquêtes, les meurtres, l’air triste et étonné qu’ont les cadavres. Je revois tout. Est-ce que je suis encore au troisième étage de chez Miki, allongé au milieu d’autres corps qui, comme moi, ont pris des pilules et ne savent plus distinguer le monde qui les entoure ? Il me semble sentir Salia, penchée sur moi. Elle me secoue, me gifle, veut que je me réveille. “Zem ?” Elle est têtue. C’est ce qui fait sa qualité d’inspectrice. Je ne pensais pas qu’elle se battrait tant pour que je revienne à moi. Je m’imaginais qu’elle avait compris. Je veux tout quitter, que le monde s’efface. Je sens qu’on me gifle. Mais l’instant d’après, je me prends à douter. Est-ce moi qui reçois les coups ou suis-je celui qui les donne ? Est-ce que je suis en Grèce, dans une cave, à la merci de mes bourreaux ? Ou est-ce moi qui tape ? Je l’ai fait. Ailleurs. Plus tard. Souvent. Les interrogatoires musclés. Je l’ai fait. Briser les résistances. Voir la peur fissurer un être humain. Je l’ai vu. “Zem ?” Qui m’appelle ? Je reconnais cette voix. Ce n’est plus celle de Salia, c’est celle de Léna. On dirait que le temps est aboli. La voix n’a pas changé. Elle est en moi depuis si longtemps, dans un recoin de ma mémoire, intacte, sauvée du désastre. Léna. Est-ce que tu m’as trahi ? J’essaie de te voir telle que tu étais, vive comme un couteau, lorsque nous nous battions contre le rachat de notre pays, portés par notre jeunesse. “La vie plus forte que la politique”, disais-tu. Je me souviens de tout. Et tout ressurgit. C’est le point fixe qui balaie tout le reste. Il m’en suffit d’un. Avec lui, je peux faire tourner le monde. Léna de ma jeunesse. Nous nous sommes perdus parce qu’ils ont acheté la Grèce et l’ont vendue par bouts. Ils en ont fait une poubelle. Et nous sommes tous devenus des apatrides. Ou plutôt des “cilariés”, comme ils disent. Citoyens salariés de GoldTex qui s’occupe de nous, s’occupe de tout. Chacun a vécu une vie loin de l’autre. Mais ils ne peuvent pas décider de ce qui a le plus d’importance. Si je dis que ce fut toi, Léna, alors je peux accrocher le monde à ton nom et le faire se balancer comme à un clou. C’est toi, l’horloge de tout. “Zem ?” J’entends des bruits d’hôpital. Je sais que ce sont les appareils qui mesurent mes constantes. Je suis fatigué. Laissezmoi mourir avec mes souvenirs. C’est ce qui fait une vie : un cortège de scènes, de visages, de sourires, dans un recoin de mon âme que personne ne peut atteindre. Je ne suis plus dans la salle de chez Miki. Il y a eu des secours, des gestes d’urgence pour tenter de me sauver de l’overdose. Je n’ai rien senti mais je sais très bien comment cela s’est passé. La descente dans la rue sur un brancard. Le trajet à toute vitesse dans le quartier de RedQ. Et Salia qui exige que je sois transféré dans un hôpital de la zone 2, le meilleur même, et devant la tête étonnée des ambulanciers, elle montre sa carte de police, les injurie, les menace, les prévient qu’ils auront des soucis… Salia, comme une enragée. Je peux la voir. Les mains s’agitent sur moi. Les machines font de drôles de bruits. Tout le monde s’inquiète. Je flanche de nouveau. Massage cardiaque, défibrillateur, laissez-moi mourir, mais non, j’entends les constantes avec leur bip régulier, c’est ailleurs maintenant, il y a un silence épais autour de moi, ce doit être une clinique, alors je sais, je ne peux plus en douter, que je vais vivre, et la colère monte, je hurle contre Salia. Elle est là, devant moi, livide. Elle ne comprend pas. Je lui demande pourquoi elle m’a trahi. Je lui dis d’aller au diable, que c’est sa faute si je retourne à ma misérable vie parce qu’elle, plus que tout autre, aurait dû savoir qu’il fallait me laisser mourir. J’avais confiance. Je lui avais confié ce secret : que j’allais partir, que c’était bien, que c’était ce que je voulais, mais non, il a fallu qu’elle aille me chercher jusque dans la mort. Je crie. J’arrache mes perfusions. Je sais que c’est injuste… Salia, devant moi, s’est décomposée, fautive comme une enfant. C’est injuste, je le sais. Elle n’y est pour rien. C’est simplement la mort qui ne veut pas de moi. Je dois errer. Encore. Parce que je suis celui qui ne meurt pas. C’est mon châtiment. J’écoute les machines autour de moi. Elles font un bruit régulier. C’est leur façon à elles de me dire qu’il faut se résoudre. Alors, je capitule, je reprends ma vie, triste vie et j’ouvre les yeux. 1 ADDICTION “Chienne… la pute… souillure… ça coule et glisse de merde…” Salia Malberg sort de la clinique Boltarex avec empressement, comme si elle allait vomir sur le trottoir. Les mots qu’elle vient de lâcher lui font du bien. Ils sont sortis d’elle comme un geyser de boue trop longtemps contenu. Elle connaît ça par cœur. Cela fait trois ans qu’elle vit avec ce volcan intérieur. Depuis la bastonnade qu’elle a subie trois heures de suite, ligotée à une chaise en étant bombardée d’images d’horreur, viols, meurtres, salissure. Rien n’est parti. Ça s’est logé en elle. Elle le contient de mieux en mieux, parvient à retarder le moment où tout va jaillir, mais elle ne peut pas faire taire totalement le magma. Parfois, il faut tout laisser sortir. “Truie qui se bâfre… merde… merde… gueule de trou, pluie de sang…” Elle se sent mieux maintenant et respire avec un profond soulagement. Le psychologue qui la suit lui a dit qu’il faudrait des années pour faire disparaître les symptômes. Elle l’a écouté poliment, avec un air concentré, mais au fond, elle s’en fout. Ce n’est pas elle qui a choisi de se faire suivre. C’était la condition sine qua non pour qu’elle puisse reprendre les enquêtes. “Te faire accompagner”, a dit son supérieur. Accompagner où ? Dans le torrent de boue qu’elle a en elle ? Qu’est-ce qu’ils y connaissent, les psychologues ? Ont-ils seulement été bastonnés ? Est-ce qu’elle peut leur parler de cette envie irrépressible, de ces mots qui lui montent aux lèvres et qu’elle ne peut réfréner ? Est-ce qu’ils peuvent comprendre que les visions viennent d’un coup, toujours à des moments parfaitement imprévisibles et qu’alors il y a une sorte d’étrange jouissance à tout déverser hors d’elle ? Elle sait que cela ne la quittera plus jamais. Elle le sent. Malgré ce que disent les médecins qui prennent une voix douce et parlent de progrès, de trajectoire très encourageante et de perspectives d’avenir, comme si elle était un plan de développement d’entreprise… Aujourd’hui, il lui a demandé de parler de ce qu’elle avait enregistré sur son Aldilà. C’est lui qui a voulu qu’elle s’inscrive à ce programme de stèle funéraire numérique. Réfléchir à ce qu’elle veut laisser derrière elle peut avoir une vertu thérapeutique, lui a-t-il dit. Elle a menti. Elle a expliqué qu’elle avait commencé, que cela lui faisait du bien. La vérité, c’est qu’elle déteste ce qu’on l’oblige à faire. Elle voudrait ne partager son mal avec personne. Mais elle essaie de se calmer en se répétant que c’est fini. Elle vient de sortir. Cette fois encore, elle a fait bonne figure. Il l’a trouvée bien, il le lui a dit. “Vous êtes en progrès. C’est très encourageant.” C’est tout ce qui compte. Parce que cela signifie qu’elle est tranquille pour un mois. Jusqu’au prochain rendez-vous. C’est ce qu’elle se dit : un mois où elle est rendue à elle-même. Alors, elle respire, se dirige vers sa voiture et démarre. Zem Sparak arrive sur l’avenue des Bosquets au niveau du petit supermarché tenu par la vieille Miranda à qui il prend toujours au passage un café à emporter. Elle le salue comme tous les matins d’un retentissant : “Bonjour, capitaine”, sans qu’il ait jamais compris ce qui avait pu lui faire penser qu’il était doté d’un quelconque grade militaire. Une fois son café payé, il entre dans la rue des Sept-Filtres. Un peu plus loin, devant le siège officiel des Grands Travaux, il aperçoit deux voitures qui attendent, portières ouvertes, au pied du grand escalier. “Pourquoi y a deux voitures ?” demande-t-il en s’approchant d’un des chauffeurs. “Ordre de la Sécurité, lui répond le gars. Ça va être comme ça pendant toute la période des cérémonies officielles.” Et il explique qu’avec la fête des Cinq Cents Jours qui arrive, le degré de sécurité a été monté. Les tensions avec MolochFirst se multiplient. “T’imagine si ces salauds s’en prenaient à Barsok en pleine cérémonie…” Zem répond d’une moue dont il est difficile de comprendre si elle est dubitative ou si elle est un signe d’acquiescement. C’est à cet instant que Barsok sort du bâtiment. Il marche d’un bon pas, regarde devant lui. On dirait qu’il a envie de croquer le jour naissant. Un appétit d’ogre se dégage de son corps, de son visage. Comme si tout autour de lui devait être humé, goûté. Il descend l’escalier du parvis avec célérité, fait un petit signe de la tête à Zem pour le saluer et lorsqu’il s’engouffre dans la voiture de tête, il lui lance : “On va sentir l’air du large, Zem ?” puis sans rien ajouter, il s’assoit, laissant son interlocuteur un peu surpris. Zem ferme la portière, fait le tour du véhicule, et ce n’est que lorsqu’il s’assoit à son tour qu’il entend Barsok dire au chauffeur, avec un sourire de conspirateur : “Au port.”..."
Laurent GAUDE - Zem
|
|