Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°748 (2020-49)

Mardi 22 décembre 2020

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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  Michel-Richard de Lalande -
Grand Motet

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Rétrospective photographique de

2020

Vous pouvez revoir tous les numéros du Trochiscanthe nodiflore [TN] de 2020,

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Je vous ai fait un petit "résumé" de l'année 2020 en images :


Mésanges : charbonnière et bleue
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 16 novembre 2019

Pour revoir le [TN] n° 699, cliquez [ici]
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Chamois
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
lundi 30 décembre 2019

Pour revoir le [TN] n° 700, cliquez [ici]
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Envol d'un Héron
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

 dimanche 5 janvier 2020

Pour revoir le [TN] n° 701, cliquez [ici]
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Rougegorge familier
  Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
  jeudi 2 janvier 2020

Pour revoir le [TN] n° 702, cliquez [ici]
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Etang
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
  samedi 25 janvier 2020
<samsung A50 - 16/9>

Pour revoir le [TN] n° 703, cliquez [ici]
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Perle 
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

  samedi 11 janvier 2020

Pour revoir le [TN] n° 704, cliquez [ici]
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Cygne tuberculé
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 19 janvier 2020

Pour revoir le [TN] n° 705, cliquez [ici]
(ou sur l'image)


Moineau domestique femelle
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 12 janvier 2020

Pour revoir le [TN] n° 706, cliquez [ici]
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Pie
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 22 février 2020

Pour revoir le [TN] n° 707, cliquez [ici]
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Grand Cormoran, séchant ses ailes
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 22 février 2020

Pour revoir le [TN] n° 708, cliquez [ici]
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Fleur femelle de Noisetier
Bouverans (Haut-Doubs)

samedi 15 février 2020

Pour revoir le [TN] n° 709, cliquez [ici] (ou sur l'image)

Moineau domestique (2 mâles)
 
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 8 mars 2020

Pour revoir le [TN] n° 710, cliquez [ici]
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Pinson des arbres mâle
Courvières (Haut-Doubs)

  samedi 23 mars 2020

Pour revoir le [TN] n° 711, cliquez [ici]
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Verdier d'Europe
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 28 mars 2020

Pour revoir le [TN] n° 712, cliquez [ici]
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Pies
 
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 28 mars 2020

Pour revoir le [TN] n° 713, cliquez [ici]
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Mots fléchés...
  Courvières (Haut-Doubs)

En refaire sur les [TN] n° 713, 714, 715, 716, 717 et 718

Jonquille (cultivée)
  Courvières (Haut-Doubs)
  mardi 31 mars 2020

Pour revoir le [TN] n° 714, cliquez [ici]
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Mésange noire
 
Courvières(Haut-Doubs)
dimanche 5 avril 2020

Pour revoir le [TN] n° 715, cliquez [ici]
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Pinson du nord mâle
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 5 avril 2020

Pour revoir le [TN] n° 716, cliquez [ici]
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Moineau domestique mâle
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 12 avril 2020

Pour revoir le [TN] n° 717, cliquez [ici]
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Crocus
Courvières
(Haut-Doubs)
  dimanche 5 avril 2020

Pour revoir le [TN] n° 718, cliquez [ici]
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Verdier d'Europe
  Courvières (Haut-Doubs)
vendredi 12 avril 2020

Pour revoir le [TN] n° 719, cliquez [ici]
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Araignée "crabe"
Courvières (Haut-Doubs)
vendredi 8 mai 2020

Pour revoir le [TN] n° 720, cliquez [ici]
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Rougequeue noir femelle
 
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 19 avril 2020

Pour revoir le [TN] n° 721, cliquez [ici]
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Alchemille commune
La Rivière-Drugeon
(Haut-Doubs)
samedi 16 mai 2020

Pour revoir le [TN] n° 722, cliquez [ici]
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Mésange charbonnière
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
jeudi 21 mai 2020

Pour revoir le [TN] n° 723, cliquez [ici] (ou sur l'image)

Iris
  La Rivière-Drugon (Haut-Doubs)
  dimanche 24 mai 2020

Pour revoir le [TN] n° 724, cliquez [ici] (ou sur l'image)

Bergeronnette grise, à sa toilette
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
mardi 23 juin 2020

Pour revoir le [TN] n° 725, cliquez [ici] (ou sur l'image)

Chardonneret élégant
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
  samedi 20 juin 2020

Pour revoir le [TN] n° 726, cliquez [ici]
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Balanin
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
  vendredi 19 juin 2020

Pour revoir le [TN] n° 727, cliquez [ici]
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Cardère
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 28 juin 2020

Pour revoir le [TN] n° 728, cliquez [ici]
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Pigeon ramier (couple)
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
dimanche 28 juin 2020

Pour revoir le [TN] n° 729, cliquez [ici]
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Grive litorne au nourrissage
Courvières (Haut-Doubs)

  mardi 14 juillet 2020

Pour revoir le [TN] n° 730, cliquez [ici]
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Perce-oreille
  Courvières (Haut-Doubs)
  vendredi 21 juin 2020

Pour revoir le [TN] n° 731, cliquez [ici]
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Pinson des arbres mâle
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 19 juillet 2020

Pour revoir le [TN] n° 732, cliquez [ici]
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Mésange charbonnière
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 9 août 2020

Pour revoir le [TN] n° 733, cliquez [ici]
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Rougequeue noir
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 23 août 2020

Pour revoir le [TN] n° 734, cliquez [ici]
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Rougegorge familier
  Astugue (Hautes-Pyrénées)
  vendredi 11 septembre 2020

Pour revoir le [TN] n° 735, cliquez [ici]
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Hirondelle rustique (nourrissage)
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 29 août 2020

Pour revoir le [TN] n° 736, cliquez [ici]
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Benoite des villes
Astugue
(Hautes-Pyrénées)
samedi 6 septembre 2020

Pour revoir le [TN] n° 737, cliquez [ici]
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Argiope rayée : couple
 
Astugue (Hautes-Pyrénées)
samedi 6 septembre 2020

Pour revoir le [TN] n° 738, cliquez [ici]
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Pholcus phalangioïde mâle
  Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 20 septembre 2020

Pour revoir le [TN] n° 739, cliquez [ici]
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Bergeronnette grise
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 15 août 2020

Pour revoir le [TN] n° 740, cliquez [ici]
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Rougequeue noir (jeune)
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 16 août 2020

Pour revoir le [TN] n° 741, cliquez [ici]
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Cardère en fleur
  Courvières (Haut-Doubs)
  juillet 2020

Pour revoir le [TN] n° 742, cliquez [ici]
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Arantèle 
Courvières (Haut-Doubs)
lundi 31 août 2020

Pour revoir le [TN] n° 743, cliquez [ici]
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Lever du soleil sur le champ Margot
Courvières (Haut-Doubs)
mardi 20 octobre 2020

<samsung A50 - 16/9>

Pour revoir le [TN] n° 744, cliquez [ici]
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Moineau domestique (femelles)
  Courvières (Haut-Doubs)
  samedi 21 novembre 2020

Pour revoir le [TN] n° 745, cliquez [ici]
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Rosée
  Courvières (Haut-Doubs)
mercredi 11 novembre 2020

Pour revoir le [TN] n° 746, cliquez [ici]
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Pissenlit
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 29 novembre 2020

Pour revoir le [TN] n° 747, cliquez [ici]
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Pour voir l'intégralité des numéros du Trochiscanthe Nodiflore [TN] (les 747 depuis 2006 !),

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Pour voir les rétrospectives
des années précédentes
cliquez sur chaque [numéro]

[numéro 300]

Rétrospective photographique de 2011

Texte : Entre Ciel et Terre - Jon Kalman Stefansson

Musique : Te Deum - Lully

Mardi 10
janvier 2012

[numéro 349]

Rétrospective photographique de 2012

Texte : Voyage dans les Lowlands - Nicolas Bouvier

Musique : Symphonie n°1 - Sibelius

Mardi 25
décembre 2012
[numéro 399]

Rétrospective photographique de 2013

Texte : Prélude à l'Aventure - Henri Vincenot

Musique :  Silbo - Féloche

mardi 31
décembre 2013


[numéro 449]

Rétrospective photographique de l'année 2014

Texte :  La Disparition - Georges Perec

Musique : Sareri Hovin Mernem - Lena Chamamyan



mardi 30
décembre 2014
[numéro 500]

Rétrospective photographique de l'année 2015

Texte : Michel Bühler, Pierre Bichet - JURA

Musique : Frédéric Fromet, Renaud - Les Bobos

mardi 29
décembre
2015
[numéro 549]
(2016 - 49)

Rétrospective photographique de l'année 2016

Texte : Katarina Mazetti - Ma vie de pingouin

Musique : Handel - Eternal source of light divine

mardi 27
décembre
2016
[numéro 599]
(2017 - 50)

Rétrospective photographique de l'année 2017

Texte : Moebius - L'incal

Musique : Rachid Taha - Ya Rayah

mardi 19
décembre
2017
[numéro 649]
(2018 - 49)

Rétrospective photographique de l'année 2018

Texte : Arnaldur Jonasson - Snjor

Musique : Giacomo Puccini - Messa di gloria

mardi 18
décembre
2018
[numéro 697]
(2019 - 48)

Rétrospective photographique de l'année 2019

Texte : Yamina Benahmed Daho - Poule D

Musique : Leonard de Vinci - Ifigenia in Tauride

mardi 17
décembre
2019



Suggestion de lecture :

"21


J'ai une petite coupure de presse tout abîmée que je porte quelquefois sur moi et qu'il m'arrive de sortir afin de me distraire. C'est un bulletin météorologique du Western Daily Mail qui dit – je le cite dans son intégralité : « Prévisions : Temps sec et chaud, mais fraîchissant avec de la pluie. »

On a là, en une seule phrase lapidaire, le temps anglais résumé à la perfection : sec mais pluvieux avec des périodes chaudes ou fraîches. Le Western Daily Mail pourrait publier ce bulletin tous les jours – et d'ailleurs il le fait peut-être – sans pratiquement jamais se tromper.

Pour un étranger, ce qui caractérise surtout les intempéries anglaises, c'est qu'il y en a très peu. Tous les phénomènes qui, ailleurs, donnent à la nature un côté excitant, imprévisible et dangereux – les tornades, la mousson, les blizzards déchaînés, les averses de grêle synonyme de sauve-qui-peut – sont quasimment inconnus dans les îles Britanniques, et cela me convient parfaitement. J'aime bien porter le même genre de vêtements tous les jours de l'année. J'apprécie de ne pas avoir besoin de climatisation ni de moustiquaires pour me protéger des insectes et autres bestioles volantes qui vous sucent le sang ou vous dévorent le visage pendant votre sommeil. J'aime bien savoir que, tant que je n'essaierai pas de gravir le Ben Nevis, le plus haut sommet de Grande-Bretagne, en pantoufles au mois de février, je ne serai sans doute jamais victime des éléments dans ce pays doux et tempéré.

Si je dis cela c'est que, deux jours après avoir quitté Morecambe, alors que je prenais mon petit déjeuner dans la salle à manger de l'hôtel Old England, à Bowness-on-Windermer, je lus dans le Times qu'une tempête de neige exceptionnelle pour la saison – un « blizzard », disait le journal – avait « paralysé » une partie de l'East Anglia. Selon l'article, cette tempête avait couvert certaines zone de « 5 bons centimètres de neige » et formé « des congères de 15 centimètres de haut ».

En réaction à cette lecture, je fis une chose que je n'avais encore jamais faite : je sortis mon carnet et griffonnai une lettre destinée au rédacteur en chef où je soulignais avec la plus grande obligeance que 5 centimètres de neige ne pouvaient en aucun cas constituer un blizzard et que 15 centimètres de neige ne formaient pas une congère. Un blizzard, lui expliquais-je, c'est quand on ne peut pas ouvrir la porte de sa maison. Les congères sont des choses qui font disparaître votre voiture jusqu'au printemps. Le froid, c'est quand on laisse des lambeaux de chair sur les boutons de portes, les poignées de boîtes aux lettres et autres objets métalliques.

Et puis je froissai la lettre, car je m'aperçus que je courais le grave danger de me transformer en vieille baderne, à l'instar de tous ces colonels qui, autour de moi, mangeaient leurs cornflakes ou leur porridge avec leurs épouses vieillebadernesques, et sans qui des hôtels comme le Old England n'auraient plus qu'à mettre la clef sous la porte.

Je me trouvais à Bowness parce que je devais tuer le temps pendant deux jours avant que deux amis londoniens me rejoignent pour un week-end de marche. Je me réjouissais fort à cette idée, mais un peu moins à la perspective de passer une seconde journée dans cette ville, à fouiner sans but dans les magasins pour m'occuper jusqu'à l'heure du thé. Au-delà d'une certaine dose de napperons, de pull-overs à motifs et de vaisselle à la gloire de Pierre Lapin, le fameux personnage de Beatrix Potter, je trouve que le shopping perd de son charme, aussi n'étais-je pas du tout sûr de supporter un deuxième jour de furetage dans cette station balnéaire particulièrement peu attrayante.

J'étais venu à Bowness plus ou moins par défaut, puisque c'était la seule ville du parc national du Lake District qui possède une gare. En outre, vu de Morecambe, l'idée de passer deux jours calmes au bord du Windermere, un lac à la beauté tranquille, et de savourer le confort moelleux d'un vieil hôtel élégant (quoique dispendieux) m'avait semblé fort séduisante. Néanmoins, je commençais à me sentir coincé et à ne plus tenir en place, comme à la fin d'une longue convalescence.

Au moins, me disais-je avec philosophie, les 5 centimètres de neige exceptionnels qui s'étaient brutalement abattus sur l'East Anglia, provoquant le chaos sur les routes et forçant les gens à se battre contre de dangereuses congères, dont certaines leur arrivaient à la cheville, avait misécordieusement épargné ce coin d'Angleterre. Ici les éléments étaient bienveillants et, de l'autre côté de la fenêtre de la salle à manger, le monde miroitait doucement sous un pâle soleil hivernal.

Je décidai de prendre le vapeur du lac pour Ableside. Non seulement cela occuperait une heure et me permettrait d'admirer le plan d'eau, mais cela m'emmènerait dans une ville ressemblant un peu plus à une vraie que Bowness, et moins à une station placée là par erreur. A Bowness, avais-je remarqué la veille, il n'y avait pas moins de 18 boutiques de pulls et au moins 12 de trucs estampillés Pierre Lapin, mais une seule boucherie. Ambleside, en revanche, sans méconnaître les multiples possibilités d'enrichissement que représentent les hordes de touristes de passage, avait au moins une excellente librairie et une kyrielle de magasins d'articles de plein air – commerces que, je ne sais pas pourquoi, je trouve éminemment divertissants : je peux passer des heures à regarder des sacs à dos, des chaussettes montantes, des boussoles et des rations de survie, puis changer de boutiques et me remettre illico à regarder exactement les mêmes choses.

C'est donc avec une certaine impatience que je gagnai l'embarcadère peu après le petit déjeuner. Hélas, j'appris que ces bateaux ne circulaient que l'été, ce qui ne semblait pas très avisé en cette matinée clémente où les touristes commençaient déjà à affluer. Je fus donc obligé, à défaut, de me frayer un passage à travers la foule afin de prendre le petit bac qui fait la navette entre Bowness et l'ancien bâtiment des ferries situé sur l'autre rive. Il ne navigue que sur quelques centaines de mètres, mais au moins il circule toute l'année.

Une petite file de voiture patientait aux abords du bac, ainsi que 8 ou 10 randonneurs, tous équipés de vêtement ad hoc, de sacs à dos et de grosses chaussures. L'un d'eux était même en short, ce qui est toujours un signe de démence avancée chez un marcheur anglais. La marche – je veux dire la marche au sens britannique du terme – était une activité que je pratiquais depuis relativement peu de temps. Je n'en étais pas encore au point de porter un short plein de poches, mais j'avais pris l'habitude de rentrer mon pantalon dans mes chaussettes (bien que je n'aie encore trouvé personne pour m'expliquer quel avantage cela présente réellement, en dehors de donner l'air sérieux et motivé).

La première fois que je suis venu en Grande-Bretagne, je me rappelle avoir été surpris, en entrant dans une librairie, de découvrir toute une section consacrée aux « Guides de marche ». Cela me parut un tantinet bizarre et ridicule – là d'où je venais, en général les gens n'avaient pas besoin d'instructions écrites pour savoir comment se déplacer -, mais progressivement j'appris qu'il y a en réalité deux sortes de marche en Grande-Bretagne : celle de tous les jours, qui vous permet d'aller au pub et, si tout se passe bien, de revenir à la maison, et la plus sérieuse, qui suppose de grosses chaussures, des cartes d'état-major sous platique, un sac à dos contenant des sandwichs plus une Thermos de thé et, en phase terminale, le port d'un short kaki même quand il fait un temps de chien.

Pendant des années, j'ai regardé ces marcheurs escalader péniblement des collines noyées dans les nuages sous une pluie battante en me disant qu'ils étaient complétement cinglés. Et puis un jour mon vieil ami John Price, qui avait passé son enfance à Liverpool et sa jeunesse à jouer les casse-cou sur des rochers escarpés dans la région des Lacs, me proposa de me joindre à lui et à deux de ses amis, le temps d'un week-end, pour faire une balade – c'est le mot qu'il employa – jusqu'au sommet de Haystacks (autrement dit « Meules de foin »). Je crois que la combinaison de ces deux mots n'évoquant rien de difficile, « balade » et « Haystacks », et la promesse de ce que nous allions boire après, qui endormit ma prudence naturelle.

« Tu es sûr que ce n'est pas trop dur ? Lui demandai-je.

  • Mais non, c'est juste une balade. » répéta John.

Bien entendu, ce fut tout sauf une balade. Pendant des heures nous gravîmes d'immenses pentes à pic en marchant sur des éboulis et des touffes d'herbes inégales, en contournant d'imposantes citadelles de roc, et arrivâmes finalement dans un enfer haut perché, froid, isolé, si loin du monde et si inhospitalier que même les moutons étaient ahuris de nous voir. Au-delà se dressaient des sommets encore plus élevés et plus lointains qui avaient complétement échappé à ma vue depuis le ruban de route noir serpentant des centaines de mètres plus bas.

John et ses potes jouaient avec mon envie de vivre de manière passablement cruelle : quand ils voyaient que j'étais à la traîne, ils s'installaient sur des pierres sondes pour fumer, bavarder et se reposer, mais à la seconde où je les rejoignais avec l'intention de m'écrouler à leurs pieds, ils se relevaient d'un bond, frais et dispos, me lançaient quelques mots d'encouragement et repartaient à grandes enjambées viriles, de sorte que je devais continuer à les suivre en titubant et n'avais jamais une minute de repos. Je passai mon temps à suffoquer, à avoir mal, à cracher mes poumons, à me dire que, de ma vie, je n'avais rien fait d'aussi contraire à la nature, et me jurai que jamais plus je ne m'embarquerais dans une entreprise aussi folle.

Et puis, juste au moment où j'allais me coucher par terre et réclamer une civière, nous franchîmes une dernière crête et nous retrouvâmes soudain par magie sur le toit du monde – une plate-forme qui s'élevait au milieu du ciel parmi un océan de cimes arrondies. Je n'avais jamais rien vu d'aussi beau.

« Putain ! » m'exclamai-je dans un accès de rare éloquence.

Puis je me rendis compte que j'étais accro.

Depuis ce jour, j'étais revenu chaque fois qu'ils voulaient bien de moi, je ne m'étais jamais plaint, et j'avais même commencé à mettre mon pantalon dans mes chaussettes. J'avais rudement hâte d'être au lendemain..."


Bill BRYSON - Des Cornflakes dans le porridge
Un A méricain chez les Anglais



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