Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°981 (2025-28)

mardi 15 juillet 2025

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Giuseppe TARTINI - Sonate en sol majeur

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Vie ! ô bonheur ! bois profonds,
Nous vivons.
L'essor sans fin nous réclame ;
Planons sur l'air et les eaux !
Les oiseaux
Sont de la poussière d'âme.

Accourez, planez ! volons
Aux vallons,
A l'antre, à l'ombre, à l'asile !
Perdons-nous dans cette mer
De l'éther
Où la nuée est une île !

Du fond des rocs et des joncs,
Des donjons,
Des monts que le jour embrase,
Volons, et, frémissants, fous,
Plongeons-nous
Dans l'inexprimable extase !

Oiseaux, volez aux clochers,
Aux rochers,
Au précipice, à la cime,
Aux glaciers, aux lacs, aux prés ;
Savourez
La liberté de l'abîme !

[…]

Toute la campagne rit ;
Un esprit
Palpite sous chaque feuille.
- Aimons ! murmure une voix
Dans les bois ;
Et la fleur veut qu'on la cueille.

[…]

Le nid que l'oiseau bâtit
Si petit
Est une chose profonde ;
L'oeuf ôté de la forêt
Manquerait
A l'équilibre du monde.

Victor HUGO - Chanson des oiseaux



 
Gökotta photographique autour
de la loge n°5


Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
mi-mai 2025



Au lever du jour
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
jeudi 8 mai 2025




L'attente...
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
jeudi 8 mai 2025



7h56
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
jeudi 8 mai 2025

Bergeronnette grise adulte
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
jeudi 8 mai 2025

Rougequeue noir femelle
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
jeudi 8 mai 2025

Flou-filé
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
jeudi 8 mai 2025

Corneille noire
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
jeudi 8 mai 2025

Pissenlit (en fruit)
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
jeudi 8 mai 2025

Pâquerette
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
jeudi 8 mai 2025

Rosée sur une feuille d'Alchémille
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
jeudi 8 mai 2025





Charançon de l'Ortie femelle - Phyllobius pomaceus
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
jeudi 8 mai 2025


Au lever du jour
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 mai 2025

7h08
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 mai 2025



Merle noir mâle
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 mai 2025



Grive draine
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 mai 2025



Lièvres en réunion
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 mai 2025

Pinson des arbres mâle
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 mai 2025



Rougequeue noir femelle
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 mai 2025



Avant l'envol...
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 mai 2025



Rosée sur un Pissenlit en fruit
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 mai 2025



Myosotis sp.
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 mai 2025



Véronique sp.
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 mai 2025



Charançon de l'ortie mâle
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 mai 2025



Charançon de l'ortie femelle
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 mai 2025

Charançon de l'ortie mâle, sur une feuille d'Ortie
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 mai 2025



Entre ombre et lumière
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 mai 2025



Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
samedi 10 mai 2025



Au lever du jour
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
dimanche 11 mai 2025



7h25
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
dimanche 11 mai 2025



Géranium des Pyrénées
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
dimanche 11 mai 2025



La Bergeronnette me nargue...
(image prise au 100 mm !)

Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
dimanche 11 mai 2025



Pissenlits en fruit
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
dimanche 11 mai 2025



Rosée sur une feuille d'Alchémille
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
dimanche 11 mai 2025



Accouplement de Charançon de l'ortie
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
dimanche 11 mai 2025



Le village
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
dimanche 11 mai 2025



Fleurs d'Alchémille
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
dimanche 11 mai 2025



Pisaura à l'affût
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
dimanche 11 mai 2025




Feuille d'Alchémille
Courvières (Haut-Doubs), loge n°5
dimanche 11 mai 2025




Suggestion de lecture :

"2

Le 2 décembre 2009

La nuit descendait. On entendait par moments le bruit de la pluie intense et les hurlements hystériques du vent du nord.

Elle était fatiguée, affaiblie. C’était bientôt l’heure du repas, mais elle n’avait pas faim. Déjà ce matin-là, elle n’avait rien mangé. Elle n’avait pas soif non plus. Elle avait ses pattes de devant grosses comme des bûches. Sa langue et ses babines étaient toutes blanches, comme vidées de sang. Elle n’avait plus de force. Elle était essoufflée sans avoir fait le moindre effort physique. Elle pouvait marcher ? Non. Elle pourrait se lever ? Peut-être pas. Elle souffrait trop. Elle était épuisée. Elle allait bientôt se perdre, disparaître dans le vaste et ténébreux silence de l’oubli. Quelle heure pouvait-il être ? À quelle heure rentrerait-il ? C’était mercredi. C’était le jour où il rentrait tard, parfois bien tard, après vingt-deux heures. Qu’est-ce qu’il faisait ? Elle tiendrait le coup jusque-là ?

Elle était couchée juste à côté du grand lit conjugal, le museau posé sur le bord, sans énergie. Tout à coup, elle essaya de se relever de toutes ses forces. Sans doute voulait-elle s’approcher du vestibule pour être à l’affût du moindre bruit des pas qui approchaient. Mais elle n’y parvint pas. Elle attendit quelques minutes. Puis, elle se mit d’un bond sur son séant comme si elle se réveillait d’un horrible cauchemar. Ses pattes de devant enflées soutenaient tout le poids de son corps. Elle poussa un profond soupir.

Une douleur aiguë montait. Elle lui déchirait la poitrine. Sa vue s’obscurcissait. Les lumières s’éteignaient une à une. Son oreille entendit alors le faible bruit d’un battant qui couinait, celui du placard qui se refermait. Quoi ? Elle allait partir ? Ce n’était pas possible… De grâce, de grâce… Elle se souleva avec un effort inouï et commença à marcher, péniblement… Arrivée dans la salle de séjour, elle vit Michèle qui venait de mettre son manteau.

Qu’est-ce que tu fais ? Pourquoi t’es-tu levée ? Tu aurais dû m’appeler ! Tu as soif ? Tu veux boire de l’eau ?… Ah ! Tu as mal ! Oui, je sais… Ne te force pas. Allez, couche-toi ici. Et repose-toi… Oui, c’est ça. Voilà… Ça va mieux ? Tu vois, c’est mieux comme ça… Alors qu’est-ce qui se passe ? Tu as l’air si triste !… Tu ne veux pas que je parte, c’est ça ? Mais, tu sais, j’ai mis mon manteau juste pour aller faire quelques petites courses. Tu ne veux pas que je m’absente ? C’est pour ça que tu t’es levée ? Pour me dire de ne pas m’en aller… C’est ça ? Ah, oui, c’est ça…

Dans un mouvement un peu hésitant comme si elle soulevait quelque chose de lourd, la chienne donna à Michèle sa patte droite enflée que celle-ci serra et secoua à son tour en signe de tendre affection.

  • Oui, j’ai compris… J’ai compris… Ne t’inquiète pas. Je ne pars pas. Je reste avec toi…

Il était exactement dix-sept heures trente-sept. Il pleuvait. Comme soulagée, elle se relâcha et s’allongea de tout son long. Puis, elle soupira. Et au long soupir succédèrent de faibles râles d’agonie.

On entendait plus distinctement les hurlements du vent du nord.

  • Oh non, tu ne vas pas partir comme ça ! C’est pas possible ! Non, allez, du courage ! Je vais appeler Monsieur D. Il va venir tout de suite. Et ça ira mieux… Mais tu as mal, très mal, je vois. C’est la première fois que tu pousses des cris de douleur comme ça. C’est insupportable… Je ne veux pas te voir dans cet état ! Qu’est-ce que je peux faire pour toi, dis-moi, qu’est-ce que je peux faire pour toi ?

Tout en composant le numéro du vétérinaire, elle continuait à parler à sa chienne sans interruption… pour se donner du courage.

Une douleur atroce écrasait la chienne. Elle n’en pouvait plus. Le monde s’assombrissait. Tout doucement un rideau gris descendait du haut de son champ visuel. Elle lançait à la femme assise auprès d’elle un dernier regard attendri, porteur d’une parole muette dont la signification lui semblait évidente. Ses yeux étaient plus mouillés qu’à l’ordinaire. Une peur indicible s’installait dans le silence noir du premier mois d’hiver, zébré de râles étranglés. Une voix de femme à peine audible, sortant du téléphone cellulaire abandonné sur le plancher, disait de laisser un message…

Mon Dieu ! Non !… Non…, non…, NON !…

Le téléphone sonna.

Allô ?

Allô, c’est moi, la réunion vient de se terminer, je rentre tout de suite. Ça va ?…

Un silence se creusa, de deux secondes à peine.

— … Non, ça…, ça ne va pas fort. Elle s’affaiblit, tu peux imaginer. Rentre vite. Mais sois prudent en vélo. Je ne sais pas s’il pleut toujours, mais il y a beaucoup de vent ce soir…

Oui, je vais partir dans quelques minutes. À tout à l’heure.

Je me trouvais dans une foule grouillante qui se dirigeait vers la gare de Y. Il ne pleuvait pas beaucoup. C’était une accalmie qui incitait les gens à refermer leur parapluie. Je fermai le mien. Je me hâtais. Ma pensée était réduite à une seule idée, celle de retrouver Mélodie le plus vite possible. Je ne voyais rien, je n’entendais rien, je ne réfléchissais à rien, je marchais, je marchais. Je marchais si mécaniquement qu’en plein milieu d’un passage clouté, j’écrasai le talon d’une jeune femme qui était juste devant moi. Elle tomba sur les genoux.

Oh, pardon, excusez-moi.

Elle se releva tout de suite, tandis que je ramassais sa chaussure rouge retournée pour la lui rendre. Gênée, elle me rendit un joli sourire qui me fit sourire à mon tour.

Excusez-moi, j’étais dans la lune. Vous n’avez pas mal, ça va ? Vous pouvez marcher ? Vous allez à la gare ?

Oui.

Moi aussi.

Nous prîmes le même train, bondé. Il y avait entre nous deux ou trois personnes qui nous séparaient : nous n’osions pas amorcer une conversation. En un quart d’heure, on arriva à Nakano. Je brisai le silence.

Je descends ici.

Moi aussi, répondit-elle à voix basse.

Ah, vous habitez à Nakano vous aussi !

Nous descendîmes l’escalier ensemble. Dès que j’eus passé le contrôle mécanique, je lui dis :

Au revoir, excusez-moi encore une fois.

Non, ne vous excusez pas. Je n’ai plus mal.

Elle souriait. Elle me fit savoir qu’elle allait prendre l’autobus. Je lui répondis que j’allais reprendre mon vélo. Nous nous séparâmes. Elle me Je me dirigeai vers le parking réservé aux deux-roues. Il se remit à pleuvoir. Je n’ouvris pas mon parapluie : c’était trop dangereux de circuler avec un parapluie ouvert. Le vent du nord faisait siffler le ciel noir pris entre les immeubles les plus élevés du quartier central de l’arrondissement. Il faisait froid. Je m’engageai dans la rue de la mairie. Là il n’y avait jamais beaucoup de circulation. Je longeai la zone commerciale. Je m’y arrête souvent pour acheter des livres dans la grande librairie qu’elle héberge. Mais ce jour-là, je voulais arriver à la maison le plus vite possible ; j’étais poussé par une angoisse croissante, un indéfinissable sentiment d’urgence. J’arrivai. Je grimpai l’escalier quatre à quatre. Je glissai la clé dans la serrure. J’ouvris la porte. J’étais trempé comme une soupe. Michèle accourut vers moi.

La maison était sombre. On entendait de la musique baroque. La polyphonie des instruments à cordes se propageait. Michèle m’embrassa en pleurs.

 Mélodie est partie… Elle t’a attendu… Mais à la fin elle n’en pouvait plus…

Je traverse la salle de séjour, faiblement éclairée. Les deux portes coulissantes de la salle à manger sont entrouvertes. Le corps de Mélodie repose sur un futon placé contre le mur au fond. Un grand bouquet de fleurs dans un vase marron arrondi cache la tête. Une petite bougie dans le porte-bougie en forme de lampe ancienne crée une espèce d’aura jaune autour de la dépouille mortelle recouverte d’une serviette orange un peu défraîchie, étendue dans un paisible relâchement de nerfs et de muscles.

Je m’approche. Je m’accroupis. Je touche sa tête. Elle est tiède. Il y a quinze ans, quand j’ai touché la tête de mon père décédé six heures auparavant, elle était glaciale. Je soulève la serviette. Une odeur inconnue monte. Je caresse le corps inanimé de Mélodie qui ressemble toujours à celui que j’ai pris dans mes bras ce matin. Je suis frappé par une vague sensation de chaleur. C’est un corps moitié vivant, déjà dans le royaume de l’ombre, mais toujours tremblotant de restes de vie, d’une vie qui se retire comme la marée basse. Il résiste à l’envahissement implacable du froid.

La pluie s’intensifie de nouveau. Le vent se déchaîne de plus belle.

La musique baroque, celle d’Albinoni ou de Tartini, résonne toujours. Ses yeux ne sont plus comme avant. Ils étaient noirs, grands, tendres, débordants de chaleur et d’affection. Maintenant ils sont gris, petits. Ils ne me regardent plus. Ils sont perdus dans le vide. Brusquement, un abîme s’est creusé entre nous. Ma voix ne parvient plus à ses oreilles. Elle se perd dans le gris froid et saillant de ses prunelles.

Je m’allonge sur le parquet à côté du futon pour être le plus près possible d’elle. Maintenant, ma tête contre sa tête, mon nez contre son nez, je regarde ses yeux éteints marqués par la fatigue et l’épuisement. Je pose ma main droite sur son cou, sur sa truffe, puis sur ses babines, en respirant les derniers vestiges de son souffle. Mon champ de vision est maintenant entièrement occupé par sa tête. Alors, je m’enfonce progressivement dans le puits de ses yeux. Il y a un immense cercle gris éclairé par la bougie. Je suis dans une forêt de cyprès à la nuit tombante. Ou bien suis-je à l’entrée d’un tunnel au coucher du soleil, un tunnel de temps, un corridor qui s’ouvre pour m’emmener loin dans le temps et dans l’espace ?..."


Akira MIZUBAYASHI - Mélodie


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