Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°976 (2025-23)
mardi
10 juin 2025
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
explications sur le nom de cette lettre :
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Pour regarder et écouter,
Ach wie flüchtig, ach wie nichtig
So schnell ein rauschend Wasser schießt,
Die Freude wird zur
Traurigkeit, [...] Hélas, combien éphémère, combien vaine Est la vie humaine !Naissant comme le brouillard Qui bientôt se dissipe, Voyez, ainsi va notre vie ! Aussi hâtivement que les eaux mugissantes S'écoulent les jours de notre vie.Le temps passe, les heures s'enfuient Semblables aux gouttes qui soudain se fractionnent Lorsque tout descend à l'abîme.
La joie se transforme
en tristesse, C'en est bientôt fait de l'honneur et de la renommée, La science et toutes les créations de l'esprit humain Sont finalement anéanties par la tombe. [...] Pour lire l'intégralité du texte de cette cantate, cliquez [ici] |
![]() Ours noir (forme brune) Parc de Sainte-Croix (Moselle) jeudi 29 mai 2025 ![]() Ours noir (forme noire) Parc de Sainte-Croix (Moselle) jeudi 29 mai 2025 ![]()
Parc de Sainte-Croix (Moselle) jeudi 29 mai 2025 Raton-laveur
Parc de Sainte-Croix (Moselle) jeudi 29 mai 2025 Parc de Sainte-Croix (Moselle) jeudi 29 mai 2025 Parc de Sainte-Croix (Moselle) jeudi 29 mai 2025 Parc de Sainte-Croix (Moselle) jeudi 29 mai 2025 ![]()
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Parc de Sainte-Croix (Moselle) jeudi 29 mai 2025 Parc de Sainte-Croix (Moselle) jeudi 29 mai 2025
Parc de Sainte-Croix (Moselle) jeudi 29 mai 2025
... et son petit
Parc de Sainte-Croix (Moselle) jeudi 29 mai 2025
![]() ![]() ![]() Portrait de Loup gris d'Europe (au 300 mm, le matin) Parc de Sainte-Croix (Moselle) vendredi 30 mai 2025 ![]() ![]() ![]() Loup gris d'Europe,
dans l'intimité
(au 300 mm, le matin) Parc de Sainte-Croix (Moselle) vendredi 30 mai 2025 ![]() ![]() "Il se pourrait que le
caractère du loup soit assez complexe, car j'en eus encore
un aperçu tout différent. Le 5 mars, j'avais guetté le
matin au premier poste, puis on m'avait conduit au second.
Il était assez éloigné et on m'y conduisit en voiture,
j'aurais préféré un vélo, tant pour causer moins de
dérangement que pour être plus indépendant. J'arrivai donc
vers 11 heures, et demandais qu'on vienne m'attendre à
l'entrée du ravin à 18 heures 15. Des paysans puis un
forestier qui passèrent me dirent que le loup avait été vu
vers 9 heures. A 17 heures 45, je vois non sans
contrariété, la voiture s'avançant vers moi. Je fourre mon
matériel à dessin dans mon sac lorsque, jetant un coup
d'oeil vers l'appât, j'aperçois avec stupéfaction le loup
au milieu du petit pré.
Splendide, gris assez clair, d'extraordinaires yeux d'or obliques, il considérait la voiture, arrivée au pied de mon poste. Le cocher avait avec lui son petit garçon, de cinq ans peut-être, et l'oeil émerveillé de l'enfant, son père, mi-penché vers lui, mi-tourné vers le loup qu'il lui montrait, ce spectacle saisi d'un coup d'oeil, me consola un peu du gâchage d'une des plus belles chances de ma vie. A regret, le loup s'éloigna encore deux fois. Je priai le cocher de retourner m'attendre plus loin, mais vingt minutes après, il faisait nuit et le loup n'était pas revenu..." Robert HAINARD -
Choeurs de Loups et autres histoires d'Ours
![]() ![]() ![]() Loup gris d'Europe (au 300 mm, le matin) Parc de Sainte-Croix (Moselle) vendredi 30 mai 2025 ![]() ![]() ![]() ![]() Loup gris d'Europe : la meute se repose (au téléphone portable, le matin, en prenant le petit-déjeuner) Parc de Sainte-Croix (Moselle) vendredi 30 mai 2025 ![]() ![]() Ecureuil roux Parc de Sainte-Croix (Moselle) vendredi 30 mai 2025 ![]() ![]() Iris faux-acore Parc de Sainte-Croix (Moselle) vendredi 30 mai 2025 ![]()
Parc de Sainte-Croix (Moselle) vendredi 30 mai 2025 ![]() ![]() ![]() Canard colvert femelle Parc de Sainte-Croix (Moselle) vendredi 30 mai 2025 ![]() ![]() ![]() Libellule sp. Parc de Sainte-Croix (Moselle) vendredi 30 mai 2025 ![]()
![]() ![]() ![]() ![]() Iris faux-acore Parc de Sainte-Croix (Moselle) vendredi 30 mai 2025 ![]() Agrion
Parc de Sainte-Croix (Moselle) vendredi 30 mai 2025 |
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mardi 06
juin 2023 |
"1 La première fois que j’ai entendu parler de Clara Manan alias Calypso Montant, c’était en septembre 2018. Jean venait de repartir en mission. Cinq ans que nous nous connaissions et autant de séparations et de retrouvailles. Il était marin timonier. Jean avait tenté de m’expliquer son métier, les paquebots de commerce, son rôle d’adjoint de l’officier, chef de quart pour la navigation, les relevés météo, les transmissions radio, les documents de navigation… Je n’ai jamais vraiment retenu grand-chose. Seulement l’essentiel : il n’était heureux qu’en mer. Alors j’ai supporté ses absences. Chaque année, à la mi-septembre, c’était pour nous l’heure des adieux dans les ruelles du quartier du Vieux-Port à Marseille, je l’accompagnais jusqu’au taxi qui l’emmenait au port de commerce. Nos reflets sinistres dans les vitrines sales. Ma fine silhouette un peu voûtée, mes longs cheveux bruns et mon teint plus livide que d’habitude, et Jean pressé, juste pressé. Il marchait toujours quelques pas devant moi, les mains dans les poches, la tête rentrée dans les épaules. Il portait son éternel manteau rapiécé, ni tout à fait noir ni tout à fait kaki. Un manteau usé par le temps et l’air iodé mais dont il ne pouvait se séparer. Ils se ressemblaient, tous ces matins d’adieux. Nos soirs de retrouvailles aussi. Nos mains qui n’en pouvaient plus de s’attraper, mes yeux qui n’arrivaient pas à croire qu’il était là, vraiment là, pour trois mois. L’amour que nous faisions dans sa chambre d’adolescent, chez sa mère, Irène, ou dans mon studio. Mais Jean n’aimait pas ma garçonnière. Il la trouvait triste, il préférait l’appartement d’Irène, encastré dans une ruelle étroite. L’hiver, il était humide et pas très lumineux. Irène ne s’en plaignait jamais. Elle était toujours d’une humeur égale. Elle travaillait sur les marchés. Elle y vendait des légumes de maraîchers locaux, à un prix honnête lui permettant de se dégager un salaire correct. Le père de Jean, personne n’en parlait jamais. Il avait fichu le camp avant même sa naissance. Ils semblaient s’en moquer tous les deux. En cinq étés, j’ai appris à connaître cet appartement par cœur. La cuisine et sa table en Formica jaune. Le salon aux fauteuils gris et aux lourds rideaux blancs. La salle de bain moite et ses odeurs de pivoine – l’eau de toilette d’Irène. La chambre d’Irène, la plus petite, la plus sombre, donnant sur la rue et la circulation. Irène a toujours prétendu que le bruit des voitures ne la dérangeait pas. En réalité, elle voulait laisser la meilleure des deux chambres à son fils, même si celui-ci n’était présent que quelques mois dans l’année. La chambre de Jean avait une large fenêtre ouvrant sur la cour intérieure. Elle était sombre, évidemment, mais calme et plus spacieuse. Nous y faisions l’amour la fenêtre ouverte, les volets blancs laissant passer la brise de la nuit. Le matin, Irène nous préparait un café et achetait des pains au chocolat. Elle se faisait discrète, s’arrangeait pour nous laisser notre intimité. Dans le salon d’Irène, il n’y a que Jean sur les photos encadrées. Elle l’a élevé en enfant roi et en a fait l’adulte égocentrique qu’il est aujourd’hui, celui qui m’a annoncé : « Je veux m’installer au Brésil. J’en ai ma claque de Marseille, des allers-retours en mer. Un copain peut me trouver une place à São Paulo. » Je n’ai d’abord rien trouvé à dire. Comment aurais-je dû réagir ? Rire ? Pleurer ? Bégayer ? C’était déconcertant car il tenait mes mains entre les siennes comme s’il m’invitait à le suivre, comme si je faisais partie de son projet. « São Paulo… ? » Voilà tout ce que j’ai pu bredouiller ce matin-là. Jean a acquiescé avec un sourire de gamin surexcité. « C’est la chance de ma vie, Ev’ ! » Il m’appelait Ev’, un diminutif d’Evie. Moi, je préférais amplement Evie. J’ai regardé mes mains dans les siennes et son visage ravi, et je me suis demandé si j’avais loupé quelque chose, une invitation à le suivre, un clin d’œil m’indiquant qu’il plaisantait, car ce qu’il venait de me dire n’avait aucun sens pour moi. « Mais… » Mon « mais » a semblé le contrarier. Il a froncé les sourcils. « Je ne sais pas encore. J’imagine que tu pourras me rejoindre quand le projet aura abouti… – Le projet ? – On compte retaper d’anciens paquebots de commerce. On a des contacts là-bas. J’ai dû investir un bon pactole pour m’associer. Dix mille euros. Mais ça vaut le coup ! » Il souriait avec une excitation non contenue, et j’ai compris plusieurs choses, à peu près dans cet ordre : il avait préparé ce projet depuis plusieurs mois, probablement bien avant son retour à Marseille ; il avait attendu nos adieux pour m’en parler, pour être certain de ne pas gâcher nos ultimes retrouvailles. Je dis bien « ultimes », car j’ai réalisé qu’il n’avait aucunement l’intention que je le rejoigne, c’était écrit sur son visage. Et puis, après cela, j’ai également compris que je venais de gâcher les cinq dernières années de ma vie à l’attendre les trois quarts de l’année. J’avais fui mon Alsace natale, le peu de racines que j’avais là-bas, et dégoté un studio à Marseille pour être à deux pas du port quand il rentrerait de mission. Pire encore, j’avais choisi les petits boulots les plus précaires, les moins intéressants, car c’étaient ceux-là que je pouvais quitter au début du mois de juin et reprendre au mois de septembre sans que personne y trouve à redire. J’avais mis ma vie entre parenthèses pendant cinq interminables années pour les beaux yeux d’un marin qui n’avait jamais envisagé de se fixer. Ce matin-là, sous les regards badins de ses collègues, je l’ai laissé m’embrasser, car j’étais en état de sidération et qu’aucune réaction réfléchie ne me venait. Puis je suis rentrée. Nous étions le 12 septembre. Dès le lendemain, je devais reprendre mon poste de vendeuse dans la boutique d’une station-service d’autoroute. La caisse, les rayons, les magazines, les sandwichs sous vide, les cafés et les paquets de chewing-gums, voilà de quoi était constituée ma vie. Ce jour-là, j’ai réalisé d’autres choses qui jusqu’alors ne m’avaient pas sauté aux yeux. D’abord, mon studio était vraiment affreux, Jean avait raison : les escaliers puaient la pisse, le Velux se bloquait une fois sur deux, l’aération de la cuisine était défectueuse, si bien qu’une odeur de friture y flottait en permanence. Ensuite, mes collègues de travail, Jessica et Perrine, n’étaient pas mes amies et ne le seraient jamais. Elles rapportaient probablement des commérages sur moi comme elles le faisaient sur la terre entière. Cela rendait mon travail infernal, surtout quand aucun retour de Jean ne venait l’égayer. Et puis, je ne pourrais plus jamais retourner en Alsace, dans la maison familiale tant haïe que j’avais fuie à la première occasion, à dix-huit ans tout juste. Enfin, la dernière et la plus affligeante… Irène était une femme adorable mais je ne supporterais plus jamais ses discours pleins d’admiration pour son fils qui venait de me laisser tomber pour de vieux paquebots de commerce à l’autre bout du monde. Ainsi les choses étaient claires, comme je l’ai écrit ce soir-là dans mon carnet bleu à spirale : Plus rien ne me retient à Marseille. J’ai envie de prendre le large, moi aussi…Pensée du jour. 12 septembre 2018. Forte de ces constatations, je me suis mise à déambuler dans le Vieux-Port de Marseille avec une idée précise : me faire embaucher comme hôtesse sur un yacht. J’avais les compétences nécessaires : ménage, service, restauration, je connaissais. Jean m’avait toujours dit que les salaires étaient mirobolants à bord des yachts. Deux mille euros net par mois, à quoi il fallait ajouter le gîte, le couvert et les bonus : primes et pourboires qui étaient une institution dans la profession. L’argent, j’en avais grandement besoin. Mes comptes étaient à sec. Je travaillais neuf mois sur douze pour profiter des retours de Jean. Je n’ai jamais gagné plus du Smic. Et puis mon studio me coûtait une fortune pour ce qu’il était : un cagibi minable. Mais plus que d’argent, c’est d’un bol d’air dont j’avais besoin. Partir. Quitter Marseille et le souvenir de ces cinq années pour rien…"
Mélissa DA COSTA - La
doublure
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