Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°974 (2025-21)

mardi 27 mai 2025

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Têtes raides - Je voudrais pas crever

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D'après le poème
"Je voudrais pas crever"
de Boris VIAN


 
Gökotta* photographique autour
de la loge n°5

Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
mi-avril 2025

*En Suède, le Gökotta désigne l'art de se lever aux premières lueurs du jour, à l'aube du printemps, pour écouter le chant des oiseaux et célébrer le renouveau du vivant.



Au lever du jour...
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
dimanche 13 avril 2025


Pigeon ramier
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
dimanche 13 avril 2025


Bergeronnette grise
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
dimanche 13 avril 2025

A la chasse...
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
dimanche 13 avril 2025

Chardonneret élégant
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
dimanche 13 avril 2025



Flou ! - 7h55
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
dimanche 13 avril 2025

Essais en "flou-filé"
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
dimanche 13 avril 2025



La loge

Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
dimanche 13 avril 2025

Au lever du jour...
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
vendredi 18 avril 2025





Rougequeue noir femelle
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
vendredi 18 avril 2025



8h10
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
vendredi 18 avril 2025



8h20
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
vendredi 18 avril 2025

Bergeronnette grise
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
vendredi 18 avril 2025

Rougequeue noir femelle
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
vendredi 18 avril 2025



Toilette
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
vendredi 18 avril 2025



La loge
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
vendredi 18 avril 2025



Au lever du jour...
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
samedi 19 avril 2025



Coucher de lune
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
samedi 19 avril 2025



8h00
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
samedi 19 avril 2025

Floraison de Pissenlit
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
samedi 19 avril 2025

Pigeon ramier
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
samedi 19 avril 2025



Tout près !
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
samedi 19 avril 2025



Pissenlit
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
samedi 19 avril 2025



Véronique sp.

Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
samedi 19 avril 2025



Barbarée vulgaire
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
samedi 19 avril 2025



La loge
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
samedi 19 avril 2025



Au lever du jour...
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
dimanche 20 avril 2025



8h40
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
dimanche 20 avril 2025



La loge
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
dimanche 20 avril 2025



Nuages

Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
dimanche 20 avril 2025



Au lever du jour...
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
lundi 21 avril 2025



8h20
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
lundi 21 avril 2025







Pigeon ramier
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
lundi 21 avril 2025









Bergeronnette grise
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
lundi 21 avril 2025













Au lever du jour...
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
lundi 21 avril 2025

[à suivre...]




Suggestion de lecture :

"

1
North Fork, Sun River
Bob Marshall Wilderness, Montana
Mai 2004

PENDANT un moment, l’orage semble s’apaiser – bourrasques monotones, pluie qui ne tombe plus vraiment comme si le ciel même n’était fait que d’eau. Je me baisse pour regarder par la fenêtre de la cabane, examiner la couverture nuageuse, la colonne rouge du thermomètre qui atteint péniblement les 5 °C, les rafales qui parcourent en vagues la prairie. Les accalmies instaurent presque le silence, on entend juste parfois crépiter les branches de sapin dans le poêle, puis le souffle accru du vent fouette les rondins de la cabane, la pluie tambourine sur les bardeaux de cèdre. Déjà 9 heures passées et, malgré le mauvais temps, je dois faire ma ronde de seize kilomètres pour vérifier où en sont les œufs des ombres, ma tâche quotidienne. Je me tortille pour enfiler les vêtements de pluie fatigués, le haut et le bas, j’ajuste les fermetures Éclair situées en bas de la veste pour dégager le spray anti-ours et le revolver.

Dehors en plein vent, la pluie s’engouffre sous le bord du toit, me pique les joues, ruisselle dans le haut de ma barbe tandis que je contourne la cabane, soulève chacun des volets conçus pour résister aux ours, malmène les hayons. La routine. Je m’engage ensuite sur le chemin boueux, par-dessus le monticule et parmi les arbres, vers l’ouverture du brûlis, le virage qui descend vers la North Fork, le bras nord de la Sun River. Marchant d’un pas laborieux, je me réchauffe un peu et je regarde les gouttes d’eau glisser sur mes bottes que j’ai graissées hier soir, je regarde ma canne piqueter la boue, la cloche de vache que j’ai attachée à son sommet quasi silencieuse tant j’avance lentement. C’est le genre de temps qui vous oblige à rester tête baissée sous votre capuche, et je ne vois pas beaucoup plus loin que le chemin sous mes pieds, jusqu’au moment où je me mets à suivre les traces des ours qui se sont promenés cette nuit : cela me rappelle que je dois garder les yeux en l’air, rabattre derrière mes oreilles la capuche qui me rend sourd et commencer à faire du bruit. Je chante, c’est le seul moyen qui me vient à l’esprit pour signaler constamment ma présence, et j’entre dans les bois plus sombres en braillant Le noble duc d’York avait dix mille soldats…

Il s’avère que la pluie était en train non pas de se calmer, mais de prendre son élan : quand je traverse l’étroit pont de pierre par-dessus l’eau brune et tourbillonnante de la North Fork, elle tombe en biais avec une force étonnamment stupide, faisant mousser la surface de la rivière. Je gravis la pente vers les œufs de Spruce Creek, et je ris face à la sauvagerie du paysage. Déjà trempé jusqu’aux os, les pieds vers l’extérieur dans la boue comme si je remontais en canard une piste de ski, j’atteins la crête et je traverse un kilomètre et demi de brûlis récent. J’oublie de chanter pour les ours, car on voit sans problème à travers le fer de lance noirci de la cime des arbres.

Jusqu’au moment où j’arrive au passage digne de Hansel et Gretel. Ici, le sentier passe par un terrain incendié il y a plus longtemps, hérissé de pins lodgepole de quinze ans. Hauts de trois mètres cinquante et séparés par seulement quelques centimètres, ils forment une fourrure si dense de part et d’autre, une foule si oppressante, avec leurs branches aiguilleuses entrelacées, murmurant et chuintant dans le vent, qu’on dirait moins un chemin qu’un tunnel aux parois vertes. Malgré tout, incapable de voir à plus d’un mètre, incapable d’entendre autre chose que les soupirs et les gémissements des arbres, je n’émets guère plus qu’un murmure, car la pluie qui pisse dru est trop abondante, trop sonore. Quelle créature aurait l’idée de sortir par un temps pareil ?

Je n’ai qu’à tendre les bras pour toucher de chaque côté un mur de pins trempé, impénétrable. Je frappe ma canne aux rochers quand j’en rencontre un, la cloche de vache sonne, au rythme de la chanson de Burl Ives, The Big Rock Candy Mountain. Je marmonne Oh, les abeilles qui bourdonnent dans les arbres à cigarettes, la source d’eau gazeuse… Voilà que j’explore, une fois de plus, le répertoire d’airs que je chantais autrefois aux garçons pour qu’ils s’endorment, et dont les paroles me sont gravées dans le crâne à force de les avoir répétées.

Je négocie le virage en épingle près de la pente qui descend à la rivière, où jaillit la citronnade et où chante le merlebleu, puis, à deux pas devant moi, je découvre un jeune wapiti à demi dévoré. À demi seulement.

Je trébuche en arrachant ma capuche. Membres déployés, le wapiti gît sur le dos, éventré, une partie des cuisses déchiquetée de l’intérieur, des lambeaux de chair pendent mollement contre la ligne ivoire de l’os. Titubant en arrière, je sors mon spray anti-ours dont j’enlève la sécurité. De l’autre main, j’ouvre l’étui de mon revolver et je glisse mes doigts autour de la poignée.

Encore un pas en arrière, puis un autre, la pluie coule dans mon cou. Pour un grizzly, un wapiti né la veille ne saurait être qu’un casse-croûte. Pas quelque chose qu’il mange en partie et finit plus tard. Et de toute façon, si l’ours avait eu l’intention de revenir pour terminer son repas, il aurait entassé des choses sur le cadavre pour le dissimuler.

Je l’ai dérangé. Avec ma chanson. Reculant toujours, j’examine les arbres, leur muraille nue et humide, et je n’y vois pas au-delà d’un mètre cinquante.

Je prends le virage à reculons, spray brandi devant moi, alors que le wapiti disparaît derrière les branches, je me retourne et je reviens très vite sur mes pas. Je martèle le sol avec ma canne, j’essaye de crier, “On arrive, dégagez, dégagez”, ce que d’après mon père, ils criaient tout le temps dans la Navy quand ils couraient dans les couloirs étroits du bateau. Au début, ma voix est à peine plus audible qu’un couinement de souris. Je réessaye.

Les œufs de Spruce Creek seront tout seuls aujourd’hui. Et demain.

Je bondis hors des arbres, je cherche des traces sur le sol et n’y trouve que les miennes. Avançant à grands pas, comme j’y vois à nouveau clair, je regarde partout, au-delà de l’herbe rase, des rochers noircis, jusque dans les arbres calcinés, couleur de suie, de l’autre côté de la gorge abrupte de la rivière, vers la paroi brûlée de la falaise. Je me laisse glisser comme en ski sur la pente de boue jusqu’au petit pont, que je franchis en courant, et je ralentis quand je m’approche des bois sombres de cette autoroute pour ours. En criant Embrasse-moi pour me souhaiter bonne nuit et aide-moi à dire mes prières ! – paroles d’une chanson que je n’ai jamais chantée aux garçons –, je marche avec précaution dans les traces où j’ai cheminé ce matin, sous la pluie qui tambourine.

Je fais le tour de la cabane, j’ouvre les volets, je laisse la brume grisâtre s’infiltrer par les fenêtres. Le rouge-gorge qui niche sous le toit du porche s’envole sous mon nez et je lâche un rapide Putain ! comme si un grizzly ailé m’avait foncé dessus. En reprenant mon souffle, j’ouvre la fermeture de mes vêtements de pluie et je me débarrasse d’autant de boue que possible. Puis je tourne la clef dans la serrure et j’entre comme si mon retour n’avait jamais été tout à fait certain, je m’adosse à la porte et j’inspire profondément. Je crie dans l’unique pièce vide :

Les garçons ! Je suis rentré !

Pas de doute : l’ours m’a fait une faveur en retournant en catimini dans les pins, d’où il m’observe peut-être, au lieu de me défier pour récupérer sa proie. Ou de m’ajouter à son butin. Il est seul maître à bord. Je secoue la tête, la chaleur du feu couvert dans le poêle me réchauffe, mais n’élimine pas le frisson qui me parcourt.

Je prends une bûche dans la caisse à bois, j’ouvre le poêle et je la place au-dessus des braises. Puis une autre. Je referme le poêle, je recule et je détache de ma chemise de laine un éclat de bois blanc et net.

Il y a un mois, je m’étais battu pour amener les garçons ici avec moi. Un mois en pleine nature. Une expérience de la vie sauvage qu’ils conserveraient toute leur vie.

Nolan, neuf ans, Aidan, six ans. Mes fils. Ni l’un ni l’autre n’est beaucoup plus gros que ce petit wapiti.

Neuf et six ans. Avec un sentiment proche de la surprise, je me rends compte que je suis père depuis neuf ans seulement. Mais qu’étais-je auparavant ? Un gosse moi-même, pendant quoi ? Dix-sept années ? Puis je suis parti pour l’université, les étendues sauvages du Montana, et ensuite ?

Plein de choses ont suivi, je le sais, des décennies entières, mais tout cela, tout ce que j’ai fait, ou du moins les raisons pour lesquelles j’ai agi, quand il y en avait, tout semble avoir simplement disparu. Avant de devenir père ? Il s’est juste écoulé ces trente-six premières années. Puis Nolan. Et Aidan.

Avant – Après.

Mais au bout de neuf ans à peine, j’ai failli les offrir en pâture aux grizzlys. Et pourtant, je ne pourrais souhaiter davantage leur présence ici..."


Pete FROMM - Le nom des étoiles


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