Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°994 (2025-41)
mardi
14 octobre 2025
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
explications sur le nom de cette lettre :
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Pour regarder et écouter,
Et
le soleil, après ce nouvel orage violent entre à
flots dans ma
chambre, si abondamment que l'on pourrait
vraiment imaginer y voir
dans chaque recoin un bonheur en or massif. Je
suis riche et libre,
et, respirant profondément, je revis en rêve
chaque seconde de
l'après-midi. le n'ai plus aucune envie de
sortir aujourd'hui. Je
veux m'abandonner à de doux rêves et, de leur
éclat, comme de
guirlandes pour t'accueillir, parer ma chambre.
Je veux emporter dans
ma nuit la bénédiction de tes mains sur mes
mains et mes cheveux.
Je ne veux parler à personne pour ne pas
gaspiller l'écho de tes
paroles qui tremble tel un émail sur les miennes
et enrichit leurs
harmonies, et une fois le soleil couché, je ne
veux voir brûler
aucune lumière pour allumer au feu de tes yeux
mille douces
offrandes... |
![]() Au bord de l'étang La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 31 juillet 2025 ![]() ![]() (aux taches blanches sur la tête) La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 31 juillet 2025
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 31 juillet 2025 jeudi 31 juillet 2025 La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs) jeudi 31 juillet 2025
Boujailles (Haut-Doubs) mercredi 6 août 2025
Boujailles (Haut-Doubs) mercredi 6 août 2025 ![]()
![]()
![]() Oeillet superbe
(blanc !) Frasne (Haut-Doubs) vendredi 8 août 2025
Frasne (Haut-Doubs) vendredi 8 août 2025 Frasne (Haut-Doubs) vendredi 8 août 2025
Faucheux
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot samedi 16 août 2025
![]() Lézard vivipare Frasne (Haut-Doubs) dimanche 24 août 2025 ![]() ![]() ![]() Bourdon et Paon de
jour sur une fleur de Succise
Frasne (Haut-Doubs) dimanche 24 août 2025 ![]() ![]() Citron sur une fleur
de Succise
Frasne (Haut-Doubs) dimanche 24 août 2025 ![]() Véronique Courvières (Haut-Doubs) dimanche 31 août 2025 ![]() ![]() Géranium Herbe-à-Robert Bouverans (Haut-Doubs) dimanche 31 août 2025 ![]() ![]() Vipère péliade mélanique Bonnevaux (Haut-Doubs) dimanche 31 août 2025 ![]() ![]() Vipère péliade mélanique Bonnevaux (Haut-Doubs) dimanche 31 août 2025 <image recadrée> ![]() Epilobe hirsute Frasne (Haut-Doubs) dimanche 31 août 2025 ![]() Cirse vulgaire Bonnevaux (Haut-Doubs) dimanche 31 août 2025 ![]() ![]() Feuille de Massette Bonnevaux (Haut-Doubs) dimanche 31 août 2025 ![]() ![]() Tabac d'Espagne sur une fleur de Succise Frasne (Haut-Doubs) dimanche 31 août 2025 ![]()
![]() ![]() Citron sur une fleur de Succise Frasne (Haut-Doubs) dimanche 31 août 2025 ![]() ![]() Frasne (Haut-Doubs) dimanche 31 août 2025 |
"DES FORETS ANIMALES ET DES MONTAGNES MARINES
Combien d'arbres faut-il pour faire une forêt ? Pour mériter ce nom, selon les Nations Unies, une forêt doit faire au moins un demi-hectare, avec un couvert d'au moins 10% de sa superficie, être large de 20 mètres minimum et abriter des arbres hauts de cinq mètres. Naturellement cette définition, comme toutes les entreprises technocrates, échoue à lui donner sa pleine dimension. Car quand on pense forêt, on pense arbres, buissons et fougères, certes. Mais aussi insectes, bêtes sauvages, peur et mystère ; on pense au vent agitant les branches, on pense ouverture lumineuse des clairières ; on pense subsistance, cabanes en bois, feu, pièges et gibier, cueillette de baies dans un panier en osier. On pense période de reproduction, brame du cerf, meutes de loups, jappement des chevreuils et flûte plaintive du petit-duc. La forêt, c'est aussi tout ce qu'on devine sans jamais l'apercevoir, des bruissements dans les fourrés et la brusque conscience d'être inadaptée, de laisser des traces grossières, de dévaster les délicates sentes tracées par les cheminements d'êtres infiniment plus discrets (à part peut-être les sangliers), bref, de se révéler d'un étonnant manque de subtilité. Hélas, nous ne voyons pas la nuit et notre odorat est trop faible pour venir compenser ce défaut visuel, nos poils ne remplissent plus depuis longtemps leur fonction d'isolant. Atrophiées, nos dents désormais mastiquent à peine, et si les signaux d'alerte, de peur et de fuite, fonctionnent encore, nos muscles, dégénérés par le confort moderne, peinent à y répondre. Nous donner ce sentiment de ne pas être équipé, de ne pas être à sa place, de plus en plus rare au fur et à mesure que l'être humain étend son emprise sur le monde et se munit de béquilles technologiques, nous donner ce sentiment est probablement ce qui rend aujourd'hui un lieu vraiment singulier. L'espace sauvage n'occupe plus qu'un petit quart de la superficie de la Terre. Il y a un siècle, c'était 85%. Le monde rétrécit. Et dans ce resserrement, la forêt est un des derniers confins, une des dernières frontières modernes de l'inexploré. La construction de routes asphaltées au milieu des selves tropicales, l'appétit féroce des hommes pour le profit, la république du soja et les puissants lobbies de l'élevage, du béton et de l'énergie font de la déforestation une des plaies majeures de notre siècle ; et la forêt, petit à petit, se voit à son tour anthropisée, soumise aux intérêts destructeurs de ces drôles de bestioles à deux pattes et à la sensibilité réduite, qui s'imaginent conquérir le monde en oubliant qu'ils en font partie. Mais saviez-vous qu'il existe d'autres forêts, intouchables et intouchées ? Des lieux à la beauté époustouflante et ignorée, à l'instar de ces forêts vierges créant leur propre climat dans des gouffres vertigineux, à 200 mètres de profondeur, au sud de la Chine ? J'en parlais dans un précédent livre, y voyant déjà « une invitation à plonger sous la surface des choses, à rendre palpable l'invisible en décadrant nos perspectives et à explorer, par une attention renouvelée, ces espaces où subsiste une part de beauté ». Là, au sol, des plantes d'ombres grimpent jusqu'à hauteur d'épaules. Les arbres, tendus vers le puits de lumière, culminent à 40 mètres. Comme dans le Voyage au centre de la Terre de Jules Verne, avec sa mer souterraine peuplée de poissons inconnus, les scientifiques imaginent déjà y découvrir de nouvelles espèces. Alors le cœur bondit de joie et se serre dans le même mouvement, tant on connaît le caractère saccageur de la modernité. Et l'on songe qu'il vaudrait parfois mieux ne rien dire de ces découvertes miraculeuses dont on peut gager qu'elles signent leur propre mort en dévoilant leurs charmes et leur intérêt. Je pense toujours avec émotion à Elam Harnish, surnommé Radieuse Aurore dans le roman éponyme de Jack London, découvrant un filon d'or dans son ranch paradisiaque et se hâtant de l'oublier, choisissant de le laisser là où il est sans un souffler mot à personne. Nombre de pays ont payé de la vie de leurs populations et de leurs cultures l'exploitation des « richesses » de l'or jaune, de l'or noir, de l'or vert, de l'or blanc. La malédiction du pétrole, de l'hévéa ou du diamant. Hélas on est incapable, quand il le faudrait, de s'abstenir, de se taire, de s'empêcher, de ne rien faire. Mais je m'égare déjà, tirant tous les fils avant même d'avoir dévoilé mon sujet. Montaigne écrivait ainsi que son style, fait de fantaisies et de bigarrures, possédait « une merveilleuse grâce à se laisser ainsi rouler au vent, ou à le sembler ». Passant d'une idée à une autre, déroulant la pelote de ses réflexions et progressant par associations d'idées, laissant le soin au lecteur de le suivre dans les méandres de sa pensée, il revendiquait le droit à la digression et précisait : « Je m'égare, mais plutôt par licence que par mégarde. » Comme lui, « j'aime l'allure poétique, à sauts et à gambades », qui, après quelques circonvolutions, nous ramène à ces autres forêts, intouchables et intouchées, que je mentionnais. Dont, précisément, on voudrait ne rien dire pour que personne n'ait l'idée d'aller les exploiter, mais dont il faut plus que jamais parler pour les protéger. Ce ne sont pas des forêts végétales, comme on a coutume de les imaginer et comme les définissent les Nations Unies, mais des forêts animales, composées par des organismes vivants dotés d'un pied et de tentacules : le corail. Ces forêts existent partout sur Terre. Ou plutôt partout où il y a des mers et des océans, soit plus des deux tiers du globe, sous la surface. Des forêts animales marines. Et je vous prie sincèrement de ne pas croire qu'on les appelle forêt uniquement pour le plaisir de l'analogie, ou pour faire tinter la corde sensible des « nouveaux récits ». Non, en réalité, ces forêts-là n'usurpent pas leur nom. Elles ne sont pas si différentes de celles qu'on connaît, elles en partagent nombre de similarités. Voyez plutôt. Détendez-vous, prenez une longue inspiration. Vous vous apprêtez à faire un voyage de toute beauté : Under the Pole* vous emmène plonger..." * Under the Pole (UTP) est le programme d'exploration sous-marine qui m'a invitée à bord du Why, leur voilier.
Corinne MOREL DARLEUX - Du
fond des océans les montagnes sont plus grandes
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