Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°989 (2025-36)
mardi
9 septembre 2025
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Paroares, rolliers,
calandres, ramphocèles, Fringilles,
est-ce
vous, euphones, est-ce vous, Libre,
je
veux enfin dépasser l'heure étale, S'il
le
faut, pour briser des tristesses durcies, Jules
SUPERVIELLE |
![]() Au lever du jour... Courvières (Haut-Doubs), Loge n° 5 dimanche 13 juillet 2025 ![]() Courvières (Haut-Doubs), Loge n° 5 dimanche 13 juillet 2025 ![]() 6h30 Courvières (Haut-Doubs), Loge n° 5 dimanche 13 juillet 2025
Courvières (Haut-Doubs), Loge n° 5 dimanche 13 juillet 2025 Courvières (Haut-Doubs), Loge n° 5 dimanche 13 juillet 2025
Courvières (Haut-Doubs), Loge n° 5 dimanche 13 juillet 2025 Courvières (Haut-Doubs), Loge n° 5 dimanche 13 juillet 2025 ![]()
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Courvières (Haut-Doubs), Loge n° 5 dimanche 13 juillet 2025 Courvières (Haut-Doubs), Loge n° 5 dimanche 13 juillet 2025
Escargot
![]() ![]() ![]() Toilette Courvières (Haut-Doubs), Loge n° 5 samedi 19 juillet 2025 ![]() ![]() Jeune Bergeronnette grise Courvières (Haut-Doubs), Loge n° 5 samedi 19 juillet 2025 ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Bergeronnette grise
adulte (et jeune)
Courvières (Haut-Doubs), Loge n° 5 samedi 19 juillet 2025 ![]() ![]() ![]() Jeune Bergeronnette grise Courvières (Haut-Doubs), Loge n° 5 samedi 19 juillet 2025 ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Tout près !! Courvières (Haut-Doubs), Loge n° 5 samedi 19 juillet 2025 ![]() ![]()
![]() Rougequeue noir mâle Courvières (Haut-Doubs), Loge n° 5 samedi 19 juillet 2025 ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Jeune Rougequeue vs jeune Bergeronnette Courvières (Haut-Doubs), Loge n° 5 samedi 19 juillet 2025 ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Courvières (Haut-Doubs), Loge n° 5 samedi 19 juillet 2025 ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Etirement Courvières (Haut-Doubs), Loge n° 5 samedi 19 juillet 2025 ![]()
Courvières (Haut-Doubs), Loge n° 5 samedi 19 juillet 2025 ![]() La loge Courvières (Haut-Doubs), Loge n° 5 samedi 19 juillet 2025 |
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Depuis l’incident de Mukden en 1931, le Japon mène une guerre d’agression coloniale en Chine. En février 1945, six mois avant l’effondrement de l’Empire nippon, les opérations militaires de l’armée impériale ne faiblissent pas en Mandchourie, semant toujours la terreur dans la population.
Debout à côté d’un tonneau rempli d’eau à ras bord placé tout près d’une énorme fosse fraîchement creusée, le sergent-major Ashibé sort de la poche de sa veste un grand carré de tissu blanc et essuie, de la garde à la pointe, le sabre qui brille de tout son éclat. Le tissu s’imbibe immédiatement de sang, d’un sang fumant, rouge sombre.
Ashibé tend son arme à Jun Mizukami, jeune soldat de troisième classe. Le soleil d’hiver est à son zénith. Le sabre dénudé, fier de son irisation argentée, enorgueilli de sa puissance meurtrière, éblouit le soldat de mille feux. Il est aveuglé par la clarté; mais, subitement, il bascule dans l’épaisseur ténébreuse d’une encre noire comme si, dans une salle des fêtes parfaitement éclairée à la tombée de la nuit, une panne d’électricité vous plongeait brusquement dans l’obscurité la plus totale. Des gouttes de sueur coulent le long de ses tempes. Quelque chose comme un énorme insecte à pattes poilues ou une couleuvre visqueuse glisse silencieusement sur son dos moite le long de sa colonne vertébrale, sous son maillot de corps trempé qui imbibe déjà sa veste de gros drap. Il ne voit rien. Il n’entend rien. Tout est noir, tout est calme. Mais, soudain, émerge une tête d’homme ensanglantée aux cheveux noirs mouillés de sueur. Elle tombe dans la fosse. On dirait que sa bouche tordue est sur le point de vociférer des imprécations. La tête dessine un mouvement descendant sans cesse recommencé et d’une extrême lenteur. Lorsqu’elle échoue au fond de la fosse pour la énième fois, quelque chose de massif se lève en lui violemment, comme si un mammifère marin manquant d’air au fond des eaux cherchait à refaire surface. Il ne tient plus debout. Il se prend le ventre à deux mains pour stopper l’avancée irrésistible d’un raz de marée qui lui secoue les tripes. Brusquement, des vomissures jaunes lui sortent par la bouche et par le nez.
En prononçant « Sa Majesté impériale », le sergent-major se met instantanément au gardeà vous, et il conserve cette position pendant de longues secondes. Un rictus moqueur se dessine de nouveau sur ses lèvres épaisses, tandis que, les yeux mi-clos, à peine visibles dans l’ombre projetée de son képi jaune kaki, le militaire jette un regard de mépris sur le jeune soldat.
L’éclat insoutenable du sabre empoigné par la grosse main poilue du militaire lui coupe le souffle. Six Chinois rebelles aux yeux bandés, ravalant leurs sanglots de peur, font l’impossible pour garder leur dignité. Leurs camarades massivement présents, assis par terre comme écrasés par le soleil froid et ses rayons tranchants, rassemblés en groupes d’une dizaine étroitement surveillés par des soldats à la baïonnette, n’osent pas lever le regard. Personne ne parle. Les ouvriers chinois, abandonnés à eux-mêmes, sont accablés par le poids de ce monde rempli de terreur, d’une terreur à faire taire les divinités suprêmes. — Bigre ! crie le sergent-major d’une voix rocailleuse. Qu’est-ce que tu attends, espèce de poule mouillée? Vas-y ! Dépêche-toi ! Montre-moi que tu es un vrai Japonais, un vrai soldat nippon! J’espère que tu n’as pas perdu ton âme à cause de ta chère musique efféminée ! Un mépris satanique gagne tout le visage du militaire. Esseulé, poussé dans ses derniers retranchements, le pauvre troisième classe n’a d’autre choix que de se saisir du long sabre de samouraï sorti de son fourreau. La main droite, imperceptiblement tremblante, du soldat terrorisé avance timidement, avec une lourde hésitation, palpable.
De nouveau, Ashibé, proférant « Sa Majesté impériale» sur un ton d’absolue soumission, se tient obséquieusement au garde-à vous.
Un silence lourd s’installe quelques dizaines de secondes… Sans dire un seul mot, Ashibé agrippe la main droite du soldat Mizukami et l’oblige à prendre le long sabre, tandis que deux de ses subalternes forcent un jeune insurgé chinois à se mettre à genoux sur le bord de la fosse béante au fond de laquelle gisent deux têtes tranchées à côté de leurs corps sans doute encore chauds, balancés quelques instants auparavant par un simple coup de pied du sergent-major. Le soldat, dans le rejet de tout et de lui-même, tremble de tout son corps. Soudain, un rideau blanc tombe et lui voile les yeux. Il ne voit plus rien. S’ouvre alors en lui et au-dessus de lui une caverne où résonnent des sons multiples et graves venant de nulle part ou d’un ailleurs infiniment lointain : sur un fond de notes glissant en sourdine s’élèvent bientôt des cris d’oiseaux étouffés s’intensifiant pour céder à la fin à une succession de trois grondements sinistres. Puis, après un silence de quatre ou cinq secondes, se mettent à frémir des sons martelés. Mais ce martèlement obsédant fait place bientôt à une avalanche de sons sauvages ressemblant à des râles d’agonie émanant de la gueule ouverte d’un fauve mourant, une avalanche diluvienne de sons suraigus sur laquelle se détachent clairement d’innombrables et furieux coups de marteau en bois comme des battements de cœur qui ne cessent de s’accélérer jusqu’à la crise cardiaque fatale… — …! Un cri strident débagoulant son nom déchire le fond sonore et fait jaillir du sang rouge vif sur le tissu d’une blancheur éclatante qui occupe tout son champ visuel. Broyé sous le poids d’une hiérarchie militaire au sommet de laquelle est assis un prince divinisé, le petit soldat ne peut pas faire autrement que de se résigner à prendre enfin l’arme blanche d’une parfaite courbure géométrique. Il la tient maintenant avec ses deux mains. Une jubilation perverse affleure sur le visage du militaire qui observe le moindre geste du fantassin novice. Celui-ci se rapproche du condamné à mort agenouillé au seuil du gouffre, qui étouffe ses gémissements de peur dans l’imminence de son exécution. Le bidasse, effrayé, brandit le sabre, ferme ses yeux perlés de gouttes de sueur ; il tressaille. L’officier, triomphant, scrute son visage. — Vas-y…! Montre-moi que tu es un vrai Japonais, digne de l’armée de Sa Majesté impériale ! ..."
Akira MIZUBAYASHI - Reine
de coeur
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