Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°741 (2020-42)

mardi 3 novembre 2020

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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A Vivaldi - Juditha triumphans RV 644

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Fin de l'Eté

Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
juillet et août 2020



L'affût à 6h28 - la lumière arrive...
(je suis installé dans la tente depuis une bonne demi-heure !)

Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
samedi 25 juillet 2020



6h50


7h46

8h33, Christophe, le propriétaire des lieux (et ami)
passe afin de nourrir ses génisses.
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5

samedi 25 juillet 2020

10h35 : fin de l'affût
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5

samedi 25 juillet 2020

Un lièvre passe...
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5

samedi 25 juillet 2020

Ramier
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5

samedi 25 juillet 2020

<image recadrée>

Sylvaine - Ochlodes sylvanus
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5

samedi 25 juillet 2020

Nacré - Speyeria aglaja
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5

samedi 25 juillet 2020

Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
samedi 25 juillet 2020

Des "jeunes" ont mis le feu à un tas de branches,
sous l'arbre, le faisant sécher (!)
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5

samedi 8 août 2020

Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
samedi 8 août 2020



Pinson des arbres femelle
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5

samedi 8 août 2020


<image recadrée>

<image recadrée>

Sylvaine
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5

samedi 8 août 2020

<image recadrée>

Envol

Petite "guèpe"
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5

samedi 8 août 2020

Buse
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5

dimanche 9 août 2020
<image recadrée>

Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
dimanche 9 août 2020

Jeune Pinson des arbres
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5

dimanche 9 août 2020

<image recadrée>

<image recadrée>

<image recadrée>

<image recadrée>

Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
dimanche 9 août 2020

Buse variable
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5

samedi 15 août 2020

Jeune Rougequeue noir
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5

samedi 15 août 2020

Buse variable
Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5

dimanche 16 août 2020

<image floue !>

Courvières (Haut-Doubs), loge n° 5
dimanche 16 août 2020




Suggestion de lecture :

"

7


Il paraît que je garderai la cicatrice, mais ça va un peu mieux ; donc oui, je pense être suffisamment solide pour me lancer là-dedans maintenant. Tu m'as dit que tu aimerais que je te raconte comment je m'étais retrouvée embringuée dans toute cette histoire, alors je vais essayer ; mais c'est dur de savoir par quel bout la prendre.

Je vais remonter à juste avant mon anniversaire, du moins ce que je croyais être la date de mon anniversaire. Neil et Melanie m'avaient menti là-dessus, et ce pour les meilleures raisons qui soient, ils voulaient bien faire mais quand je l'ai appris, au début j'ai été très fâchée contre eux. J'ai quand même eu du mal à le rester, parce qu'à ce moment-là ils étaient déjà morts. Tu peux être fâchés contre les morts, mais tu ne peux jamais discuter de leurs actes – ou bien t'as qu'un point de vue. En plus, je me sentais aussi coupable que fâchée, parce qu'ils avaient été assassinés et que je pensais alors que c'était ma faute.

J'étais sensée fêter mes seize ans. Ce que j'attendais avec le plus d'impatience, c'était d'avoir mon permis de conduire. Je me jugeais trop vieille pour une fête d'anniversaire, même si Melanie m'offrait toujours un gâteau et une glace et me chantait « Daisy, Daisy, give me your answer true », « Daisy, Daisy, donne-moi ta réponse, vraiment », une veille chanson que j'avais adorée enfant, mais que je trouvais lourde maintenant. J'ai bien eu le gâteau, plus tard – gâteau au chocolat, glace à la vanille, ce que je préférais -, sauf que, là, j'ai pas pu le manger, Melanie n'étant plus de ce monde.

Cet anniversaire a marqué le jour où j'ai découvert que j'étais une imposteure. Enfin, pas une imposteure style mauvais magicien, mais plutôt un faux, comme une fausse antiquité. J'étais une contrefaçon bien pensée. J'étais tellement jeune à l'époque – ça me paraît remonter à juste une fraction de seconde -, mais je ne le suis plus. Qu'est-ce qu'un visage peut changer rapidement : il se sculpte comme du bois, il se durcit. Fini les grands yeux perdus dans les rêveries. Je suis devenue plus dure, plus focalisée. Je suis devenue plus étriquée.


Neil et Melanie étaient mes parents ; ils tenaient une boutique qui s'appelait Le Chien habillé. Ils vendaient essentiellement des vêtements usagés, mais Melanie parlait de « vêtements qu'on avait aimés », parce qu' « usagés » ou « usés » signifiait « exploités ». L'enseigne dehors montrait un caniche rose souriant en poodle skirt, une jupe des années cinquante frappée d'un caniche, avec un noeud rose sur la tête et un sac à commissions. Dessous, il y avait un slogan en italique entre guillemets : « Inimaginable ! » Façon de dire que ces vêtements d'occasion étaient tellement bien qu'on n'aurait jamais imaginé qu'ils étaient usagés, mais c'était pas vrai du tout car la plupart étaient dégueulasses.

Melanie disait qu'elle avait hérité Le Chien habillé de sa grand-mère. Elle disait aussi qu'elle savait que l'enseigne était démodée, mais que les gens la connaissaient bien et que ç'aurait été leur manquer de respect de la changer.

Notre boutique se situait sur Queen West, dans une zone où, avant, selon Melanie, c'était partout le même genre de corporations – textiles, boutons et passementerie, tissus à bas prix et bazars bon marché. Mais là, ça montait en gamme : des cafés solidaires et bio ouvraient, des magasins de grandes marques, des boutiques prestigieuses. En réaction, Melanie avait accroché une pancarte en vitrine : Art à porter. Sauf que le Chien habillé regorgeait d'une batterie de vêtements qu'on aurait jamais qualifiés d'art à porter. Il y avait un coin vaguement créateur, mais à la base aucun truc chérot ne se retrouvait à la boutique. Le reste, c'était juste du n'importe quoi. Et toutes sortes de gens allaient et venaient : des jeunes, des vieux en quête d'une bonne affaire, d'une trouvaille ou juste pour voir. Ou qui cherchaient à vendre : il arrivait même que des sans-abri essaient de gagner quelques dollars avec des T-shirts récupérés dans des vide-greniers.

Melanie travaillait au rez-de-chaussée. Elle portait des couleurs vives, de l'orange et du rose vif : d'après elle, ça créait une atmosphère positive et tonique, en plus elle était en partie bohémienne, au fond. Elle était toujours alerte et souriante, même si elle faisait gaffe à la fauche. Après la fermeture, elle triait et préparait des paquets : celui-ci pour telle association caritative, celui-là pour des chiffons, celui-là pour l'Art à porter. Tout en triant, elle fredonnait des extraits de comédies musicales – de vieilles mélodies. « Oh, What a Beautiful Morning » était l'une de ses préférées, ainsi que « When You Walk Through a Storm ». Cette manie m'irritait ; aujourd'hui, je le regrette.

A certains moments, elle était débordée, accablée : il y avait trop de tissu, c'était un océan, des vagues d'étoffes déferlaient et menaçaient de l'engloutir. Le cachemire ! Qui allait acheter des cachemires vieux de trente ans ? Ils ne s'arrangeaient pas en vieillisant, clamait-elle, contrairement à elle.

Neil avait une barbe grisonnante pas toujours taillée et peu de cheveux. Même s'il ne ressemblait pas à un homme d'affaires, c'est lui qui gérait ce qu'ils appelaient le côté financier : factures, comtabilité, impôts. Son bureau était au premier étage, et on y accédait par un escalier recouvert d'un tapis en caoutchouc. Il y avait un ordinateur, un meuble de rangement et un coffre-fort, mais sinon cette pièce n'avait pas grand rapport avec un bureau : elle était aussi encombrée que la boutique, parce que Neil était un collectionneur. De boîtes à musique mécaniques, il en avait un paquet. D'horloges, il avait des tas de modèles différents. De vieilles calculatrices à manivelle. De jouets en plastique qui marchaient ou sautillaient par terre, des ours, des grenouilles ou des dentiers par exemple. Il possédait un projecteur pour diapos en couleurs, lesquelles ne se faisaient plus. Des appareils photo – il adorait les vieux appareils photo. Certains, selon lui, prenaient de meilleurs photos que les appareils modernes. Il en avait une pleine étagère.

Un jour, il a laissé le coffre-fort ouvert et j'ai jeté un coup d'oeil dedans. Au lieu des liasses de billets que je croyais trouver, il n'y avait qu'un minuscule machin en verre et métal que j'ai pris pour un jouet, du genre des dentiers sauteurs. Mais je n'ai pas réussi à voir comment le rembobiner et j'ai eu peur de le toucher, parce qu'il était vieux.

« Je peux jouer avec ? ai-je demandé à Neil quand il est revenu dans son bureau.

  • Avec quoi ?

  • Le jouet du coffre.

  • Pas aujourd'hui, m'a-t-il répondu en souriant. Peut-être quand tu seras plus grande. »

Puis il a refermé la porte du coffre et j'ai oublié ce drôle de petit jouet jusqu'au moment où j'y ai repensé et où j'ai compris ce que c'était.

Neil essayait de réparer les différents objets, souvent sans succès car il ne trouvait pas les pièces détachées. Ils restaient donc là à ramasser la poussière, comme disait Melanie. Neil détestait jeter.

Sur les murs, il avait de vieilles affiches : LOOSE LIPS SINK SHIPS, ou « Langue trop bien pendue, navire perdu », slogan d'une lointaine guerre ; une femme en salopette jouant du biceps pour montrer que les femmes étaient capables de fabriquer des bombes – elle datait de la même période ; et une rouge et noir représentant un homme et un drapeau qui, d'après Neil, venait de Russis avant qu'elle ne soit la Russie. Toutes avaient appartenu à son arrière-grand-père, qui avait vécu à Winnipeg. Je ne savais rien de Winnipeg, sinon qu'il y faisait froid.

J'adorais Le Chien habillé quand j'étais petite : on aurait dit une caverne aux trésors. Je n'avais pas le droit de rester seule dans le bureau de Neil, parce que je risquais de « toucher des trucs », et après de les casser. En revanche, je pouvais jouer avec les jouets mécaniques, les boîtes à musique et les calculatrices, si quelqu'un m'avait à l'oeil. Mais pas avec les appareils photo, ils coûtaient trop cher, disait Neil, et de toute façon il n'y avait pas de pellicule dedans, alors à quoi bon ?

On n'habitait pas au-dessus de la boutique mais très loin, dans un quartier résidentiel où il y avait quelques vieux bungalows et des bâtisses, plus grandes et plus neuves, qui avaient remplacé les habitations détruites. Notre maison n'était pas un bungalow – elle avait un étage, celui des chambre -, mais elle n'était pas neuve non plus. Elle était en brique jaune et très banale. Elle n'avait rien qui t'aurait incité à te retourner dessus. En y repensant, je me dis que c'est ce qu'ils voulaient..."

Margaret ATWOOD - Les  Testaments

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La Servante écarlate,

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