Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°701 (2020-02)

mardi 14 janvier 2020

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Mano Solo - Je suis venu vous voir

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Au bord de l'étang

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
décembre 2019 et janvier 2020



Canard colvert femelle
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 29 décembre 2019


Bain
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 29 décembre 2019


Femelle
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 29 décembre 2019

Grande Aigrette
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 5 janvier 2020

Héron cendré
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 5 janvier 2020

Au lever du soleil...
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 5 janvier 2020

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La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 5 janvier 2020
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La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 5 janvier 2020
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Harle bièvre mâle
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 5 janvier 2020


Harle bièvre femelle
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 5 janvier 2020

Héron adulte
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 5 janvier 2020

Troupe de Grandes Aigrettes
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 5 janvier 2020

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Couple de Cygne tuberculé, à sa toilette
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 5 janvier 2020

Toilette mutuelle
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 5 janvier 2020

Dans la brume
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 11 janvier 2020

Bain
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 11 janvier 2020

Etirement
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 11 janvier 2020

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 11 janvier 2020

Goéland et Cormoran
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 11 janvier 2020
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Cormoran, séchant ses ailes et Grande Aigrette
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 11 janvier 2020

Au lever de la brume...
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 11 janvier 2020



Suggestion de lecture :

"Avant l'Irlande, je ne savais rien des codes et des mystères. Avant l'Irlande, je ne connaissais rien à l'ombre. A Mirecourt, chaque apprenti de la rue Basse avait un sobriquet. Dans mon atelier, j'ai connu « Le peu », un jeune homme trop simple pour la lutherie. « Dix grammes », un gamin si maigre que sa tête était comme le crâne d'un mort. Il y avait « Pied-de-roi », qui calculait précisément à l'oeil et au millimètre. Et puis aussi « Crémone », qui disait que tout était mieux en Italie. Après quelques semaines, mon maître d'apprentissage m'a appelé « Doute-de-rien ». Il était tellement content de la formule qu'il l'a répétée trois ou quatre fois en riant.

Nous apprenions à faire un fond de violon en bois blanc. Le peu et Pied-de-roi était penchés sur l'établi. J'ai entendu passer notre maître. Il portait une marmitte cabossée. Je me souviens d'une odeur caramel et aussi d'autre chose, un bouquet de peinture chaude et d'encaustique dorée. Je me suis retourné. J'ai demandé ce qu'il transportait. Il ne m'a pas répondu.

  • Du vernis, a répondu Crémone sans lever la tête.

Quand le maître d'apprentissage est revenu, je lui ai demandé comment il faisait son vernis. Je l'ai regardé comme ça, bien droit, une lime en main. Il a eu l'air stupéfait. Je me souviens. J'étais fier de sa surprise. Alors il a appelé « Pays », un vieux vernisseur qui avait demandé que sur sa tombe soit inscrit : « Né et mort à Mirecourt ». Il lui a dit de m'expliquer le vernis, de ne rien me cacher. Le vieil ouvrier a eu le même regard surpris que mon maître. Et puis il a hoché la tête en souriant. Le soir même, en compagnie du Premier Ouvrier, Pays m'a demandé de noter sur un papier, d'apprendre par coeur puis de jeter la formule. Je me souviens. J'avais gardé ma venotte, le tablier bleu nuit que je porte encore aujourd'hui. J'étais assis sur une caisse posée sur le trottoir, devant notre atelier. Le premier Ouvrier et le vernisseur étaient debout, une cigarette à la main. C'était le printemps. Je me souviens d'une lumière de soir. Pays a parlé. Il a dit que la recette devait être établie dans cet ordre-là. Deux cent grammes de terre vosgienne d'après pluie, creusée en un petit volcan. Ni caillou, ni herbe, juste la glaise et l'eau du ciel. Deux jaunes d'oeufs, cassés au-dessus de la motte. Cinq grammes de brique recueillis avec l'ongle contre le mur de l'atelier Bourlier, dans le haut de la ville. Un godet d'urine tiède, pissée à minuit, debout, un jour où l'on a mangé du poisson. L'urine, c'était le secret, la différence entre la coloration des ondes de l'érable de chez nous et chez Bourlier, par exemple. Ensuite, il fait cuire, quatre heures et sans cesser de tourner.

Un vendredi midi, il y a eu du poisson à l'atelier. Il pleuvait. Pays s'est penché au-dessus de moi en disant que c'était le bon jour. Le soir, j'ai ramassé une belle motte de terre. J'ai tourné longtemps autour du luthier Bourlier avant de gratter son mur avec l'ongle. Et puis j'ai pissé, debout, dans ma tasse, aux douze coups de minuit. Après, j'ai mélangé la terre et les oeufs, la brique et la pisse dans ma gamelle de repas. Je suis allé à mon réchaud et j'ai tourné, avec une lime, tourné sans arrêt, les yeux brûlants de sommeil.

Le lendemain, le maître d'atelier a inspecté nos fonds de bois blanc. Celui de « Pied-de-roi » était légèrement bombé, presque parfait. Au doigt, on ne pouvait deviner la ligne entre les deux pièces collées. « Le peu » avait eu du mal avec ses coins et l'arrondi qui recevait les éclisses. « Crémone » était content de lui et mécontent du bois vosgien. Quand le maître est arrivé à mon ouvrage, il n'a vu qu'une seule pièce découpée. L'autre était un rectangle de bois, juste un patron tracé au crayon.

  • C'est tout ? a demandé mon maître.

J'ai hoché la tête. J'ai montré la gamelle. Elle contenait un bloc, dur comme un caillou brûlé.

  • Tu as passé plus de temps là-dessus que sur ton fond ?

J'ai réfléchi. J'ai répondu oui. Mon maître a soupiré. Il m'a dit que ce que j'avais fait n'était rien. Surtout pas un vernis. Que c'était une confiture d'orgueil. Il m'a dit que cette recette était une farce, une leçon pour l'apprenti. Il m'a dit que je ne doutais de rien. « Tu seras Doute-de-rien ! », a ri mon maître. Et puis il a congé le fond de ma gamelle contre le mur de l'atelier. La pierre est tombée. J'ai mis une heure à récurer le fer cabossé. Et je suis retourné à mon fond de bois blanc.

  • Fais simplement ce que tu dois, a encore dit mon maître.

C'est plus tard, trois ans après, que j'ai timidement approché le vernis. J'ai appris. Juste ce que je devais. Quand cela n'allait pas, le maître nous le disait. Rien de plus.

  • Pas comme ça, disait-il.

  • Comment alors ?

  • Cherchez encore.

Avant l'Irlande, le secret avait pour moi une odeur de vernis. C'était le seul mystère au monde. Au XIXè siècle, quand un autre luthier lui rendait visite, le grand Jean-Baptiste Vuillaume brûlait de l'anis pour que l'odeur d'un mélange ne le trahisse pas. Bien plus tard, à mon tour, je me suis fait vernisseur. J'ai mélangé en cachette l'huile de lin et une essence de térébenthine de Venise cuite 200 heures durant. Bien plus tard, j'ai employé le goudron de Norvège. Bien plus tard, j'ai choisi de passer treize couches de vernis sur le bois des violons."

Sorj CHALANDON - Mon Traitre



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