Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°558 (2017-09)

mardi 28 février 2017

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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G Bizet - Les Pêcheurs de perles
"je crois entendre encore" - David Gilmour

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Chamois dans la neige
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 11 février 2017

Au lever du soleil
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 11 février 2017







Dune de neige...



Temps gris !



Chamois femelle


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La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 11 février 2017

<image recadrée>

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Chamois mâle sur le chemin...

Portrait

La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 11 février 2017

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Frêne

A l'ombre d'un Epicéa

Gentiane
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 11 février 2017

Au 40 mm...

Tilleul
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 11 février 2017

Femelle et jeune sur l'arrête

Chamois femelle au repos

Au dessus de la "Route Nationale 57"

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Ciel nuageux
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 11 février 2017


Pour lire d'autres textes,
de Gabriel Garcia Marquez
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(ou sur chaque [numéro])

[numéro 463]
(2015 - 14)

Variations : lumières de l'hiver - Haut-Doubs et Hautes-Pyrénées - décembre 2014, janvier, février et mars 2015

Texte :  Chroniques d'une mort annoncée - Gabriel Garcia Marquez

Musique : Chaconne - Partita n°2 BWV 1004 - JS BACH

mardi 7
avril 2015
[numéro 440]
(2014 - 41)

Troupes de Chamois en automne - Haut-Doubs - septembre 2014

Texte :  Mémoire de mes putains tristes - Gabriel Garcia Marquez

Musique : Quintet G 448 "Fandango" - L Boccherini

mardi 28
octobre 2014
[numéro 414]
(2014 - 15)


Premières fleurs - Haut-Doubs et Suisse

Texte : Cent ans de solitude - Gabriel Garcia Marquez

Musique : Oratorio de la Résurrection - GF Haendel

mardi 22 avril 2014

[numéro 320] :

Rougegorge et Grèbe huppé (Haut-Doubs et Suisse)

Texte : Cent ans de solitude - Gabriel Garcia MARQUEZ

Musique : Marooned - David Gilmour (Pink Floyd)

Mardi 5 juin 2012



Suggestion de lecture :

"L'hiver, dont l'inclémence avait été prévisible dès les premiers jours de septembre, implanta sa rigueur en cette fin de semaine. Le maire passa son dimanche à mâcher des calmants dans son hamac tandis que le fleuve en crue ravageait les quartiers bas.

Le lundi, à l'aube, la pluie accorda sa première trêve mais il fallut au village plusieurs heures pour se rétablir. Si le billard et le salon de coiffure ouvrirent tôt leurs portes, la plupart des maisons restèrent closes jusqu'à onze heures. M. Carmichaël fut la première personne à avoir l'occasion de frémir devant le spectacle des hommes transportant leurs maisons vers des terrains plus élevés. Des groupes en effervescence avaient déterré les pieux servant de supports aux toits de palmes et charroyaient entières leurs habitations sommaires de bambous.

A l'abri sous son parapluie et sous l'avant-toit du salon de coiffure, M. Carmichaël regardait la laborieuse manoeuvre lorsque le barbier l'arracha à ses pensées :

« Ils ont dû attendre la fin de la pluie.

  • La pluie ne cessera pas avant deux jous. Mes cors me le disent. »

Les hommes qui transportaient les maisons, enfoncés jusqu'aux chevilles dans la boue, passèrent en se heurtant aux murs du coiffeurs. M. Carmichaël vitu par une fenêtre l'intérieur dégarni, une chambre entièrement dépouillée de son intimité, et une impression de désastre l'envahit.

On aurait pu croire qu'il était six heures du matin mais son estomac lui signalait qu'il allait être midi. Moshé le Syrien l'invita à s'asseoir dans sa boutique en attendant une éclaircie. M. Carmichaël réaffirma ses prévisions : la pluie ne cesserait pas avant vingt-quatre heures. Il hésita avant de sauter sur le trottoir de la maison voisine. Un groupe de gamins qui jouaient à la petit guerre lança une boule de boue qui s'écrasa contre le mur, à quelques mètres à peine de son pantalon au pli parfait. Elie le Syrien sortit de sa boutique, un balai à la main, et les menaça dans un charabia d'arabe et d'espagnol.

Les gamins bondirent de joie :

« L'Arabe-mon-cul ! »

M. Carmichaël vérifia que son costume était intact. Il referma son parapluie et se dirigea droit vers le fauteuil du salon de coiffure.

« J'ai toujours dit que vous étiez un homme prudent », dit le coiffeur.
Il lui noua une serviette autour du cou. M. Carmichaël huma l'odeur d'eau de lavande qui lui causait le même malaise que les vapeurs glacées du dentiste. Le barbier commença par dégager la nuque à petits coups de ciseaux. M. Carmichaël chercha d'un regard impatient quelque chose à lire :

« Il n'y a pas de journaux ?

  • Dans ce pays, il ne reste plus que la presse officielle et, moi vivant, celle-ci ne rentrera pas dans mon établissement », répondit le barbier sans interrompre son travail.

M. Carmichaël se contenta de regarder ses souliers crevassés jusqu'au moment où le barbier lui demanda des nouvelles de la veuve Montiel. M. Carmichaël venait de chez elle. Il administrait ses biens depuis la mort de don José Montiel dont il avait été le comptable durant de longues années.

« Toujours là, dit-il.

  • On se crève, dit le perruquier comme s'il s'adressait à lui-même, et madame est ici toute seule, avec des terres que vous n'arrivez pas à traverser en cinq jours de cheval. Elle doit posséder au moins dix cantons.

  • Trois, corrigea M. Carmichaël qui ajouta, convaincu : C'est la meilleure femme du monde. »

Le barbier s'avança vers la tablette pour nettoyer son peigne. M. Carmichaël vit dans la glace sa tête de bouc et comprit une fois encore pourquoi il ne l'appréciait guère. Le perruquier parla en regardant sa propre image :

« Une aubaine, quoi ! Mon parti est au pouvoir, la police menace de mort mes adversaires politiques, et moi je leur achète terres et troupeaux à des prix que je fixe moi-même. »

M. Carmichaël baissa la tête. Le coiffeur s'appliqua de nouveau à lui couper les cheveux. « Quand arrivent les élections, conclut-il, je règne sur trois cantons, je n'ai pas d'opposants, le gouvernement peut changer, je continue à tenir la queue de la poêle. Moi, je vous le dis : l'affaire est bonne, pas besoin de fabriquer de faux billets.

  • José Montiel était riche bien avant que ne commencent les salades politiques, dit M. Carmichaël.

  • Oui, assis en caleçon à la porte d'un moulin à riz, dit le perruquier. On sait de source sûre qu'il a enfilé sa première paire de souliers il y a neuf ans.

  • Et quand bien même, admit M. Carmichaël. La veuve est toujours restée étrangère aux affaires de Montiel.

  • Mais elle a fait la bête », dit le barbier.

M. Carmichaël leva la tête. Il dégagea son cou de la serviette pour activer la circulation. « C'est pourquoi je préfère que ce soit ma femme qui me coupe les cheveux, protesta-t-il. Ça ne me coûte pas un sou et, en plus, elle ne me parle pas de politique. » Le barbier lui poussa la tête en avant et poursuivit son travail en silence. Il faisait pafois cliqueter ses ciseaux en l'air pour calmer un excès de virtuosité. M. Carmichaël entendit des cris dans la rue. Il regarda dans la glace : des enfants et des femmes passaient devant la porte avec les meubles et les ustensiles des maisons qu'on déplaçait. Il commenta avec rancoeur :

« Les malheurs nous dévorent et vous restez emberlificotés dans vos haines politiques. On ne persécute plus personne depuit un an et vous continuez à rabâcher.

  • L'abandon dans lequel on nous tient est aussi une forme de persécution, dit le barbier.

  • Mais on ne nous cogne plus dessus, dit M. Carmichaël.

  • Nous abandonner à la grâce de Dieu est une façon de le faire. »

M. Carmichaël s'énerva :

« Tout ça, c'est du roman-feuilleton. »

Le barbier garda le silence. Il fit mousser du savon avec son blaireau dans une calebasse et en barbouilla la nuque de M. Carmichaël. « Vous savez, on a la langue qui vous démange, s'excusa-t-il. Et on trouve si rarement quelqu'un d'impartial.

  • Un homme qui a onze enfants à nourrir est bien obligé d'être impartial, dit M. Carmichaël.

  • Vous avez raison », dit le coiffeur.

Il fit chanter le rasoir dans la paume de sa main. Il lui rasa la nuque en silence, essuyant le savon avec ses doigts, et essuyant ensuite ses doigts sur le pantalon. Il lui frotta le cou à la pierre d'alun et acheva son travail sans desserrer les lèvres.

Comme il reboutonnait son col, M. Carmichaël vit l'écriteau cloué sur le mur du fond : DEFENSE DE PARLER POLITIQUE. Il secoua les cheveux tombés sur son costume, pendit à son bras son parapluie et montra l'écriteau :

« Et pourquoi gardez-vous cela ?

  • Ce n'est pas pour vous. Vous, vous n'êtes pas de parti pris, tout le monde le reconnaît. »

M. Carmichaël n'hésita pas cette fois à sauter sur le trottoir. Le coiffeur le suivit des yeux jusqu'au moment où il tourna le coin, puis contempla le fleuve trouble et menaçant. Il ne pleuvait plus mais un nuage chargé d'eau se maintenait immobile sur le village. Un peu avant une heure, Moshé le Syrien entra en se lamentant car si son crâne se déplumait, les cheveux en revanche lui poussaient dans le cou avec une extraordinaire rapidité.

Le syrien se les faisait couper tous les lundis. D'ordinaire, il penchait la tête en avant avec une sorte de fatalisme et ronflait en arabe tandis que le coiffeur monologuait à haute voix. Ce lundi-là, pourtant, il se réveilla en sursaut dès la première question..."

Gabriel Garcia Marquez - La Mala Hora



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