Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°463 (2015-14)

mardi 7 avril 2015

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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JS Bach - Chaconne de la Partita n° 2 - BWV 1004

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Variations :
lumières de l'hiver
Arbres et Neige
Haut-Doubs et Hautes-Pyrénées
décembre 2014, janvier, février et mars 2015


Au bord de l'étang gelé...
Bouverans (Haut-Doubs)
mercredi 31 décembre 2014


Bouverans (Haut-Doubs)
mercredi 31 décembre 2014

Sureau
Bouverans (Haut-Doubs)
mercredi 31 décembre 2014

Bouverans (Haut-Doubs)
mercredi 31 décembre 2014

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
dimanche 18 janvier 2015

Le "Lac Noir"
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

dimanche 18 janvier 2015



  Le "Lac Noir" : sur les rives du Lac de Saint-Point
Tableau de Gustave Courbet
exposé au Musée d'Ornans

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
dimanche 18 janvier 2015

Frêne givré
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

dimanche 18 janvier 2015

Eglantier
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

dimanche 18 janvier 2015

Deux Foulques macroules
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

dimanche 18 janvier 2015

Port-Titi
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

dimanche 18 janvier 2015

Enfin le soleil !
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

dimanche 18 janvier 2015


Les "sapins" !
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

dimanche 18 janvier 2015

Neige
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

dimanche 18 janvier 2015

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
dimanche 18 janvier 2015

Panorama des Pyrénées (le Montaigu est à droite !)
Neuilh (Hautes-Pyrénées)

lundi 16 février 2015

Baignoire
Neuilh (Hautes-Pyrénées)

lundi 16 février 2015

Houx
Neuilh (Hautes-Pyrénées)

lundi 16 février 2015

Bergerie sous la pluie
Astugue (Hautes-Pyrénées)

mardi 17 février 2015

Astugue (Hautes-Pyrénées)
mercredi 18 février 2015

Au lever du soleil
Astugue (Hautes-Pyrénées)

jeudi 19 février 2015

Le vallon
Astugue (Hautes-Pyrénées)

jeudi 19 février 2015

Astugue (Hautes-Pyrénées)
jeudi 19 février 2015

Pic du midi de Bigorre
Astugue (Hautes-Pyrénées)

jeudi 19 février 2015

Montaigu
Astugue (Hautes-Pyrénées)

jeudi 19 février 2015

Une autre bergerie
Astugue (Hautes-Pyrénées)

jeudi 19 février 2015

Chêne
Astugue (Hautes-Pyrénées)

dimanche 22 février 2015

Châtaignier
Astugue (Hautes-Pyrénées)

dimanche 22 février 2015

Au coucher du soleil...
Astugue (Hautes-Pyrénées)

dimanche 22 février 2015

Nuages
Astugue (Hautes-Pyrénées)

dimanche 22 février 2015


Nuit
Astugue (Hautes-Pyrénées)

dimanche 22 février 2015

Bouleau dans la tourbière
Frasne (Haut-Doubs)

dimanche 8 mars 2015

Etable
Frasne (Haut-Doubs)

dimanche 8 mars 2015

La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
dimanche 15 mars 2015

Alisier blanc, Amélanchier et Genévrier
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
dimanche 15 mars 2015

Alisier blanc
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)

dimanche 15 mars 2015

Amelanchier (à gauche sour le rocher)
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
dimanche 15 mars 2015

Bouleau
Bouverans (Haut-Doubs)

dimanche 15 mars 2015

Bouleau
Bouverans (Haut-Doubs)
dimanche 15 mars 2015



Petit texte :

"Le jour où il allait être abattu, Santiago Nasar s’était levé à cinq heures et demie du matin pour attendre le bateau sur lequel l’évêque arrivait. Il avait rêvé qu’il traversait un bois de figuiers géants sur lequel tombait une pluie fine, il fut heureux un instant dans ce rêve et, à son réveil, il se sentit couvert de chiures d’oiseaux. « Il rêvait toujours d’arbres », me dit Plácida Linero, sa mère, vingt-sept ans après en évoquant les menus détails de ce lundi funeste. « Une semaine avant, il avait rêvé se trouver seul dans un avion de papier d’étain qui volait à travers des amandiers sans jamais se cogner aux branches », ajouta-t-elle. Plácida Linero jouissait d’une réputation bien méritée d’interprète infaillible des rêves d’autrui, à condition qu’on les lui racontât à jeun ; pourtant, elle n’avait décelé aucun mauvais augure dans les deux rêves de son fils, ni dans ceux qu’il lui avait racontés chaque matin, les jours qui avaient précédé sa mort, et dans lesquels des arbres apparaissaient.

Santiago Nasar non plus n’avait pas discerné le présage. Il avait dormi peu et mal, sans se déshabiller, et il s’était réveillé, la tête lourde, avec un arrière-goût d’étrier de cuivre dans le palais. Il expliqua cela par les ravages naturels de la noce effrénée qu’il avait faite la veille, jusqu’au petit matin. Les gens qu’il rencontra ce jour-là, lorsqu’il sortit de sa maison à six heures cinq avant qu’il ne fût éventré comme un cochon une heure plus tard, le trouvèrent légèrement somnolent mais de bonne humeur ; il dit à chacun, sans y attacher d’importance, que c’était une très belle journée. Nul ne pouvait affirmer s’il faisait alors allusion à l’état du ciel. Nombreux étaient ceux qui se souvenaient d’une journée radieuse, rafraîchie par une brise de mer qui traversait les bananiers, comme cela aurait dû être le cas pendant un bon mois de février, en d’autres temps. Mais la plupart s’accordaient pour affirmer qu’il faisait un temps lugubre, avec un ciel bas et menaçant sur un fort relent d’eaux stagnantes, et qu’à l’instant où le malheur s’était produit il tombait une petite pluie fine semblable à celle que Santiago Nasar avait vue dans la forêt de son rêve. Personnellement, je me remettais de la bacchanale dans le giron apostolique de Maria-Alexandrina Cervantes, et c’est à peine si j’ouvris un oeil en entendant le charivari des cloches qui sonnaient le tocsin, convaincu qu’elles carillonnaient en l’honneur de l’évêque.

Santiago Nasar avait revêtu un pantalon et une chemise de lin blanc non empesés, identiques à ceux qu’il arborait la veille pour le mariage. C’était sa tenue des grands jours. N’eût été l’arrivée de l’évêque, il aurait enfilé son costume kaki et les bottes de cheval avec lesquels il se rendait tous les lundis à El divino rostro, l’hacienda héritée de son père et qu’il administrait avec un grand bon sens à défaut d’une grande réussite. Pour ses randonnées, il portait à la ceinture un. 357 Magnum dont les balles blindées, affirmait-il, pouvaient vous fendre un cheval en deux. À l’époque des perdrix, il emmenait aussi ses faucons dressés. Dans son armoire il rangeait une Mannlicher Schoenauer en. 30-06, un. 300 Holland Magnum, une. 22 Hornet à lunette à grossissement variable et une Winchester à répétition. Il dormait comme son père avait dormi, l’arme dissimulée dans la taie de l’oreiller, mais ce jour-là, avant de quitter la maison, il avait retiré les balles du chargeur et déposé le pistolet dans le tiroir de la table de nuit. « Il ne le laissait jamais chargé », me dit sa mère. Je le savais, et je n’ignorais pas non plus qu’il rangeait ses armes dans un endroit et cachait les munitions dans un autre, très à l’écart, afin que personne ne cédât, même par hasard, à la tentation de les charger dans la maison. C’était une sage habitude imposée par son père depuis cette matinée où une servante ayant secoué l’oreiller pour en ôter la taie, le pistolet était parti tout seul en heurtant le sol ; la balle avait démantibulé l’armoire de la chambre, traversé le mur du salon, franchi avec un tintamarre de branle-bas de combat la salle à manger de la maison voisine et réduit en poussière de plâtre un saint grandeur nature sur le maître-autel de l’église, à l’autre bout de la place. Santiago Nasar, encore très petit, n’avait jamais oublié la leçon donnée par ce désastre.

La dernière image que sa mère conservait de lui était celle de son bref passage dans sa chambre. Il l'avait réveillée alors qu'il cherchait un cachet d'aspirine dans le placard de la salle de bain, elle alluma et le vit devant la porte, un verre d'eau à la main, image dont elle se souvint toujours. Santiago Nasar lui raconta alors son rêve, mais elle n'accorda pas d'importance aux arbres.

« Rêves d'oiseaux donnent la santé », dit-elle.

Elle le vit de son hamac, dans la pose prostrée où je l'ai rencontrée éclairée par les dernières lueurs de la vieillesse, lorsque je revins dans ce village oublié pour essayer de refaire avec des éclats épars le miroir cassé de la mémoire. Elle avait beaucoup de mal à distinguer les formes dans la lumière crue du jour et portait plaquées sur les tempes les feuilles curatives avec lesquelles elle combattait la migraine éternelle que son fils lui avait laissée la dernière fois qu'il était entré dans sa chambre. Elle reposait sur le flanc et s'agrippait aux cordes du hamac pour essayer de se redresser ; dans la pénombre, il y avait cette odeur de baptistère qui m'avait surpris le matin du crime.

Dès mon apparition sur le seuil, elle me confondit avec le souvenir de Santiago Nasar. « Il était là, me dit-elle. Il portait son costume de lin blanc lavé seulement à l'eau claire, car il avait la peau si délicate qu'il ne supportait pas le bruit de l'amidon. » Elle resta un long moment assise dans son hamac, à mâchonner des graines de cardamine, jusqu'au moment où se dissipa l'illusion que son fils était revenu. Alors elle soupira : « Il était l'homme de ma vie. »

Je le vis dans son souvenir. Il avait eu vingt et un ans la dernière semaine de janvier ; il était svelte et pâle, avec les paupières arabes et les cheveux frisés de son père. Il était le fils unique, issu d'un mariage de raison, qui n'eut aucun moment de bonheur, mais il semblait heureux avec son père jusqu'au jour où celui-ci mourut subitement, trois ans plus tôt, comme il continua de la paraître en compagnie de sa mère jusqu'au lundi de sa mort. Il avait hérité d'elle son instinct. De son père, il avait appris dès sa tendre enfance le maniement des armes à feu, l'amour des chevaux et la maîtrise des grands oiseaux de proie ; mais de son père, il apprit aussi, comme des beaux-arts, le courage et la prudence. Ils parlaient entre eux en arabe, mais jamais devant Placida Linero, pour qu'elle ne se sentît pas exclue. A aucun moment on ne les avait vus armés au village et ils n'y vinrent qu'une fois avec leurs oiseaux dressés, à l'occasion d'une démonstration de fauconnerie dans une fête de charité. La mort de son père avait contraint Santiago Nasar à abandonner l'école après ses études secondaires pour prendre en charge l'hacienda familiale. Par dons personnels, Santiago Nasar était gai, pacifique, et, de surcroît, il était homme de coeur..."

Gabriel Garcia Marquez - Chronique d'une mort annoncée



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