Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°421 (2014-22)

mardi 10 juin 2014

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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César Franck - Les sept dernières paroles du Christ

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Fin du Printemps :
Grèbe, Foulque, Nette, Cygne...
Champs-Pittet, Yverdon (Suisse)
jeudi 29 mai 2014


Roseaux et reflet

Grèbe huppé adulte

Sur le nid

Matériaux pour le nid...

Dans l'ombre

Nette rousse (mâle)

Jeune Grèbe huppé

Coeur rouge

Parade

Tout près !

Rayures

Plume n°1

Clair-obscur

Premier repas du matin : une plume !

Foulque macroule



Toilette


Croisière

Couple et son petit

Plume n°3

Prêle

Orchis des marais - Orchis (Anacamptis) palustris

Jeune Corneille noire

Foulque macroule à sa toilette

Grèbe huppé et son petit
(il y en a un deuxième sous l'aile !)

de l'autre côté d'Yverdon : Promenade "Robert Hainard"

Cygne tuberculé et ses petits
(à 10 h, la lumière est déjà forte !!)

Petits Cygnes

Vilain petit canard...


Pour voir les chapitres précédents,
sur le thème des Grèbes huppés
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(ou sur chaque [numéro])


Livret virtuel
à feuilleter sur les Grèbes huppés

(dès que le livret apparait,
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pour l'ouvrir !)

Grèbes huppés au Lac de Neuchatel (Suisse).
Mardi 29 mai 2007

[numéro 120]
:

Parade nuptiale des Grèbes huppés (Champ-Pittet, Suisse).
Mardi 17 juin 2008

[numéro 165] :

Matinée à Champ-Pittet (Yverdon, Suisse).

Texte : Les Piliers de la Terre - Ken FOLLETT

Musique : Lambarena - Bach to Africa

Mardi 28 avril 2009

[numéro 217] :

Le temps des Grèbes huppés (Lac de Neuchâtel, Suisse)

Musique : Grand Corps Malade - Le Blues de l'Instituteur

Texte : La Chambre Rouge - Nicolas BOUVIER

Mardi 18 mai 2010

[numéro 224] :

L'attente des Grèbes huppés... (Champ-Pittet, Suisse)

Vidéos : Parade nuptiale des Grèbes à face blanche
et une rencontre avec un Rat d'Egout.

Texte : L'Usage du Monde - Nicolas BOUVIER

Mardi 6 juillet 2010

[numéro 281] :

A l'ombre des roseaux - Champ-Pittet (Suisse)

Texte : La porte des enfers - Laurent Gaudé

Musique : WA Mozart - Concerto pour clarinette (Adagio)

Mardi 23 août 2011

[numéro 320] :

Rougegorge et Grèbe huppé (Haut-Doubs et Suisse)

Texte : Cent ans de solitude - Gabriel Garcia MARQUEZ

Musique : Marooned - David Gilmour (Pink Floyd)

Mardi 5 juin 2012
[numéro 363]
(2013 - 14)

Printemps timide... - Champ-Pittet, Yverdon (Suisse)

Texte : Les Misérables - Victor HUGO

Musique : 1812 (Ouverture) - Tchaikovsky

mardi 9 avril 2013
[numéro 369]
(2013 - 20)

Parades dans les roseaux Champ-Pittet (Yverdon, Suisse)

Texte : L'enfant et la rivière - Henri Bosco

Musique : Nataq - Richard Desjardins

mardi 21 mai 2013
[numéro 413]
(2014 - 14)


Début du Printemps à Champ-Pittet - Yverdon, Suisse

Texte : Le Prisonnier du ciel - Carlos Ruiz Zafon

Musique : Oratorio de Noël (Bereite dich, Zion) - JS Bach

mardi 15 avril 2014


Petit texte :

"18

A l'hôtel de Burnt Flat où nous nous sommes arrêtés pour faire le plein, un policier recueillait les témoignages sur un homme dont on avait retrouvé le corps sur la route.

La victime, nous dit-il, était un vagabond de race blanche, âgé d'une vingtaine d'années. Des automobilistes l'avaient vu ces trois derniers jours errer le long de la route nationale. « Il a été réduit en bouillie. On a dû gratter le bitume à la pelle. Les routiers l'ont pris pour un kangourou écrasé. »

L' « accident » était arrivé à cinq heures du matin, mais le corps – ce qu'en avait laissé le road-train – était froid depuis six heures.

« On dirait que quelqu'un l'a laissé tomber sur la chaussée », dit l'agent de police.

Il était d'une politesse des plus officielles. Sa pomme d'adam montait et descendait dans le V de sa chemise kaki. C'était son devoir, nous devions le comprendre, de poser quelques questions. Si c'était un Noir qui avait été écrasé, personne à Alice Spring ne s'en serait soucié. Mais un homme blanc...!

« Alors où étiez-vous, vous autres, à onze heures hier soir ?

  • A Alice, dit Arkady, d'une voix détachée.
  • Merci beaucoup », dit l'officier en touchant le bord de son chapeau. « Pas besoin de vous ennuyer plus longtemps. »

En disant cela, il n'avait pas quitté des yeux nos passagers. Ceux-ci, quant à eux, l'ignoraient totalement, comme s'il n'existait pas, et regardaient fixement la plaine.

Le policier regagna sa voiture climatisée. Arkady sonna pour appeler le pompiste. Il sonna de nouveau. Il sonna une troisième fois. Personne ne venait.

« On dirait que nous sommes bons pour attendre, dit-il en haussant les épaules.

  • On le dirait bien », acquiesçai-je.

Il était trois heures de l'après-midi et les bâtiments nageaient dans la chaleur. L'hôtel était peint couleur caramel et, sur le toit de tôle ondulée, les grosses lettres blanches des mots BURNT FLAT s'écaillaient. Sous la véranda, des perruches ondulées et des loriquets s'ébattaient dans une volière. Des planches avaient été clouées sur les ouvertures des chambres et un panneau annonçait : « Fonds de commerce à vendre ».

Le propriétaire s'appelait Bruce.

« L'affaire a commencé à décliner, dit Arkady, quand on lui a retiré sa licence. »

Bruce avait gagné gros en vendant du vin frelaté aux aborigènes, jusqu'au jour où la législation sur la vente d'alcool fut modifiée.

Nous attendîmes.
Un couple d'un certain âge arriva dans un camping-car et lorsque le mari appela le pompiste avec la sonnette de service, la porte du bar s'ouvrit, laissant le passage à un homme en short tenant en laisse un bull-terrier haletant.

Bruce avait les pieds à neuf heures et quart, les cheveux roux, les fesses flasques et les bajoues ovales. Ses bras s'ornaient de tatouages de sirènes. Il attacha le chien qui se mit à japper à la vue de nos passagers. Il regarda Arkady avec des yeux ronds et alla servir le couple au camping-car.

Quand l'homme eut payé, Arkady demanda très civilement à Bruce : « Pourriez-vous nous faire le plein, s'il vous plaît ? »

Bruce détacha le chien et reprit en se dandinant le chemin d'où il était venu.

« Sale type », dit Arkady.

Nous attendîmes.

Le policier nous observait dans sa voiture.

« Il faudra qu'ils finissent par nous servir, dit Arkady. C'est la loi. »

Dix minutes plus tard, la porte s'ouvrit de nouveau et une femme en jupe bleue descendit les marches. Elle avait les cheveux courts, prématurément gris. Elle préparait une tarte et la pâte collait encore sous ses ongles.

« Ne faites pas attention à Bruce, soupira-t-elle. Il est de mauvaise humeur aujourd'hui.

  • C'est exceptionnel ? » dit Arkady avec un sourire, et elle rentra la tête dans les épaules en poussant un long soupir.

« Allez faire un tour à l'intérieur, me dit-il, si vous aimez la couleur locale.

  • Allez-y », renchérit la femme, en raccrochant le tuyau de la pompe.

« A-t-on le temps ?

  • Nous pouvons le prendre, dit-il. Pour votre éducation. »

La femme rentra la lèvre inférieure et eut un petit rire gêné.

« Et si je leur payais à boire ? Suggèrai-je.

  • Bonne idée, dit Arkady. Je prendrai une bière. »

Je passai ma tête par la portière et demandai ce qu'ils voulaient. Mavis annonça un jus d'orange puis se ravisa pour prendre orange et mangue. Ruby choisit un jus de pomme, Big Tom du pamplemousse et Timmy un Coca-Cola.

« Et un Violet Crumble », ajouta-t-il. Violet Crumble est une barre de confiserie enrobée de chocolat.

Arkady paya la femme et je la suivis dans le bar.

« Et en sortant, me lança-t-il, regardez à la droite de l'interrupteur électrique. »

A l'intérieur, quelques ouvriers chargés de l'entretien de la route jouaient aux fléchettes et un garçon de ferme, habillé en cow-boy, mettait des pièces dans un juke-box. Sur les murs étaient punaisées de nombreuses photos Polaroïd, de gros personnages nus et des quantités de dirigeables. Un panneau disait : « Le crédit est comme le sexe. Certains en obtiennent. D'autres non. » Sur un parchemin « médiéval » on pouvait voir la caricature d'un culturiste et un texte en caractères gothiques :

Oui, bien que je traverse

La vallée de l'ombre de la mort
Je ne crains pas le mal

Car moi, Bruce, je suis

Le plus méchant con de toute la vallée

A côté des bouteilles de Southern Comfort se trouvait un vieux flacon rempli à ras bord d'un liquide jaune portant sur l'étiquette : Authentic N.T. Gin Piss (Véritable pisse de femme aborigène du Territoire du Nord).

J'attendis.

J'entendis Bruce dire à l'un des consommateurs qu'il achèterait bien un commerce dans le Queensland, là où on pouvait « encore appeler un Boong un Boong ».

Un ingénieur des télégraphes entra, trempé de sueur, et commanda deux bières.

« J'ai entendu dire qu'il y avait eu un accident sur la route et que le chauffeur ne s'était pas arrêté.

  • Ouais ! » Bruce sourit en montrant toutes ses dents. « Encore de la viande !

  • Comment cela ?

  • Oui, de la viande comestible.

  • Comestible ?

  • Un blanc. » Bruce laissa pendre sa langue et partit d'un gros rire. L'ingénieur, à ma grande satisfaction, fronça les sourcils sans rien dire.

L'aide de l'ingénieur entra dans le café et s'assit sur un tabouret de bar. C'était un jeune métis aborigène à la silhouette élançée, affichant un sourire joyeux, comme pour s'excuser.

« Pas de nègres ici », cria Bruce d'une voix forte qui domina le bruit des joueurs de fléchettes.

« Vous m'avez entendu ? J'ai dit « Pas de nègres ici ».

  • Je ne suis pas noir, répondit le métis. J'ai juste un problème de peau. »

Bruce rit. L'équipe de cantonniers rit également et le métis serra les dents tout en continuant de sourire. Je vis ses doigts se refermer sur sa boîte de bière.

Bruce s'adressa ensuite à moi avec une voix d'une politesse forcée : « Vous êtes loin de chez vous. Qu'est-ce que ce sera ? »

Je lui donnai la commande.

« Et un Violet Crumble.

  • Et un Violet Crumble pour le gentleman anglais ! »

Je ne dis rien et payai.

En sortant je regardai à droite de l'interrupteur et vis un impact de balle dans le papier peint. Autour était accroché un cadre doré portant une petite plaque de cuivre – le genre de plaque que l'on voit sous les bois de cerfs ou sous un poisson empaillé – sur lequel étaient gravés les mots « Mike - 1982 ».

Je passai les boissons à la ronde ; ils les prirent sans le moindre hochement de tête.

« Qui donc était Mike ? » demandai-je alors que nous démarrions.

« Est Mike, rectifia Arkady. C'était le barman de Bruce. »

Il régnait la même chaleur caniculaire en cet après-midi d'été lorsque quatre garçons pintupi, de retour de la mission de Balgo, s'étaient arrêtés pour faire le plein et prendre un verre. Leur grande fatigue les avait rendus particulièrement nerveux et quand le plus âgé d'entre eux vit la bouteille de Gin Piss, il fit une réflexion injurieuse. Mike refusa de les servir. Le garçon lança un verre de bière en direction de la bouteille, mais la manqua. Mike prit la carabine 22 long rifle que Bruce laissait toujours à portée de main sous le comptoir... et tira au-dessus de leurs tête.

« C'est du moins, dit Arkady, ce que Mike a déclaré au procès. »

La première balle atteignit le jeune Pintupi à la base du crâne. La seconde pénétra dans le mur à la droite de l'interrupteur. Une troisième, pour faire bonne mesure, alla se loger dans le plafond.

« Naturellement, poursuivit Arkady sur le même ton impassible, les voisins voulurent participer aux frais de justice que le pauvre barman du payer. Ils organisèrent un gala, avec un spectacle de seins nus venu d'Adélaïde.

  • Et Mike s'en est tiré ?

  • Légitime défense.

  • Et les témoins ?

  • Les témoins aborigènes, dit-il, ne sont pas toujours faciles à utiliser. Ils refusent, par exemple, que l'on nomme le mort par son nom.

  • Vous voulez dire qu'ils n'ont pas voulu témoigner ?

  • Ça rend le travail difficile pour le ministère public. »..."

Bruce Chatwin - Le Chant des Pistes



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