Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°615 (2018-15)

mardi 10 avril 2018

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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JB Lully - Le jardin de Monsieur Lully
(extrait d'une oeuvre de JB Lully)

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Le jardin de Monsieur (et Madame) Pinson

Courvières (Haut-Doubs)
mars et avril 2018



Pinson des arbres mâle, dans la neige
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 4 mars 2018




Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 4 mars 2018

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 4 mars 2018

Sur un piquet
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 24 mars 2018

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 24 mars 2018
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Courvières (Haut-Doubs)
samedi 24 mars 2018

Avec une graine de Tournesol
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Sur ma pelouse (qui ressemble à un paillasson !) :
ce n'est plus l'hiver mais pas encore le printemps.

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Courvières (Haut-Doubs)
samedi 24 mars 2018

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Dans le pommier
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 24 mars 2018



Portrait
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Courvières (Haut-Doubs)
samedi 24 mars 2018

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Courvières (Haut-Doubs)
samedi 24 mars 2018

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Mâle
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 24 mars 2018

Mâle (flou) et Femelle
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 24 mars 2018

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Dans le pommier...
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 24 mars 2018

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 25 mars 2018

Femelle
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 25 mars 2018

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Courvières (Haut-Doubs)
lundi 2 avril 2018

Courvières (Haut-Doubs)
lundi 2 avril 2018

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Un Pinson du nord,
qui n'a pas voulu se montrer...
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Courvières (Haut-Doubs)
lundi 2 avril 2018

[A suivre...]


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[numéro 522]
(2016 - 22)

Pinson des arbres mâle (chant) - mars, avril et mai 2016 - La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

Texte :  Les saintes du scandale - Erri de Luca

Musique : Symphonie n°3 (5è mvt) - G Mahler

mardi 31
mai 2016



Suggestion de lecture :

« Combien pour mes cheveux ? »

Puis est arrivé le jour où il ne nous restait plus un sou. Nous avions vécu tout l'été sur les maigres indemnités de vacances que j'avais économisées au cours de l'année, et sur les quelques milliers de couronnes que m'avait rapportés la vente de l'Encyclopedia Britannica, acquisition de Micke dans un moment de présomption. Je venais de régler le loyer plus la majoration qu'on m'avait collée le mois précédent quand je n'avais pas pu payer à temps. Les derniers billets de cent avaient été pour la cabane à la mer, mais ça en avait valu la peine, c'étaient nos seules vacances cet été-là. Je n'aurai pas d'autres rentrées d'argent avant une semaine ou deux, lorsque je recevrai le premier salaire du semestre d'automne. Je me rendais bien compte aussi que je n'avais personne à qui emprunter.

Autrefois, dans les livres pour jeunes filles qu'avait ma grand-mère, elles partaient toujours vendre leurs longs cheveux dorés. Je doute que quelqu'un veuille acheter les miens, si toutefois il existait encore ce genre d'acheteurs de nos jours. On m'aurait peut-être donné un supplément pour les bouts fourchus ? Deux pour le prix d'un ? Faire le trottoir était hors de question aussi, je n'avais pas de baby-sitter ni de quoi payer le bus pour le centre-ville...

Oh, je n'arrive même plus à me charrier là-dessus, comme je fais toujours quand Jenny est là. Elle galère autant que moi.

Mes tout derniers sous étaient partis dans un paquet de flocons d'avoine, un litre de lait et un kilo de pommes de terre. Et deux sucettes, une vert criard et une rose. Elles ont été finies le samedi soir, pendant qu'on fabriquait un théâtre de marionnettes avec de vieilles briques de lait et des bouts de tissu, Billy accrochait tout le temps le tissu avec sa sucette collante.

Le dimanche je me suis levée tôt et j'ai fait du pain pour le petit-déjeuner avec de la farine de seigle – eh oui, c'était la seule qui me restait. C'est devenu plus une sorte de pâte brisée que du pain, Billy a refusé de le manger et je lui ai préparé du porridge. On n'avait plus de compote de pommes, mais j'ai trouvé une pomme à moitié pourrie que j'ai râpée dessus. Et j'ai saupoudré plus de sucre que de raison, il était tout content. Bella percevait toujours quand j'étais triste, et elle a vaillamment mangé son pain de seigle friable avec une tomate fripée comme garniture, en me regardant en douce.

Ensuite on s'est consultés pour décider comment occuper la journée. Bella avait une copine de la garderie qui avait été au « mu... mus... musée », elle aussi voulait y aller. Billy avait évidemment envie d'aller à la piscine. Il pleuvait des cordes et on n'avait pas assez d'argent pour le bus, et aussi bien au musée qu'à la piscine, il fallait payer l'entrée. Comme ça, c'était réglé. Jouer dans le parc était exclu, dans la forêt aussi.

Alors on a construit une grotte derrière le canapé et on a allumé des lampes dedans et on a posé un foulard rouge par-dessus – du feu – et on y a mis les plantes vertes. Bella était une femme préhistorique, vêtue d'une chute de tissu qui restait de mon bikini léopard, et Bille était un chien préhistorique. Les gens de l'âge de pierre vivent de fruit et de noix, et j'ai trouvé quelques cacahuètes rances tout en haut dans un placard et quelques raisins secs paléolithiques. Pour le déjeuner, on a fait des patates au four avec des gousses d'ail et du gros sel, mes enfants raffolent de l'ail. Si Micke avait été là, il aurait été un homme de l'âge de pierre avec sa massue et il aurait hurlé en se tapant la poitrine et m'aurait traînée derrière le canapé en fanfare et pendant que les gosses auraient crié de joie, il m'aurait tripoté les seins en cachette et se serait serré contre mes fesses. Et ensuite il aurait resurgi, transformé en tigre à dents de sabre.

Je pense souvent comme ça quand on fait des trucs ensemble. Si Micke avait été là, il aurait... et puis quelque chose de totalement barjo et bidonnant. Il forçait toujours la dose et on rigolait tous comme des fous. Mais je sais que tout aussi bien, il serait resté assis en silence, le regard vide, pour soudain se lancer dans un laïus incompréhensible sur le cuir et certains tissus qui sont de bons conducteurs électriques et peuvent causer des brûlures. Il avait fait ça une fois en voyant Bella dormir avec un nouveau nounours en peau de mouton. Oh, Micke.

Et ensuite il aurait emprunté mille couronnes à son frère et il aurait jeté les patates à l'ail par la fenêtre et réservé une table à La Garçonne. Il aurait commandé des escargots pour les enfants et joué aux sangliers avec eux à table. Naf Naf avec le groin dans l'assiette, pas question de fourchettes quand on extirpe les gros escargots directement de la terre ! Et tôt ou tard, le personnel serait venu nous prier discrètement de quitter les lieux, quand j'étais avec Micke.

Mais la dernière année, son frangin ne lui prêtait plus rien, ni personne d'autre d'ailleurs. Et il était hors de question pour moi de suivre Micke à des restos-basckets, pas avec les enfants.

On a joué jusqu'à l'Heure Bleue. C'est quelque chose de très spécial dans notre petite famille. On éteint toutes les lampes et on regarde par la fenêtre quand le crépuscule pose sa lumière bleue partout. Les immeubles avec leurs écheveaux de graffitis maladroits et les parkings sont bleu sombre et même la descente du métro brille d'une lumière magique, comme un foyer pour les habitants souterrains. Quand on a fini de regarder, on allume une bougie dans un verre bleu puis on raconte des contes de fées tristes avec des princesses qui s'égarent et des petits chiens qui perdent leur maître. Et je laisse toujours le conte en suspens jusqu'à ce qu'ils aient dîné et qu'ils soient au lit. Alors la princesse arrive à bon port et le chien retrouve son maître et les enfants s'endorment avec des soupirs d'aise en serrant leurs peluches usées dans les bras.

Mais ce soir, ça a failli ne pas fonctionner. Le frigo était quasiment vide, la seule boîte de conserve dans le placard n'avait plus d'étiquette. J'avais des flocons d'avoine pour faire du porridge, mais pas de lait. J'ai ouvert la boîte en espérant que ce soit des pêches au sirop, mais c'étaient des pois chiches. Le pain aussi était fini, il ne nous restait que des crackers salés.

Alors on a joué pendant un moment à être des animaux sauvages au trou d'eau et on a fait le concours de celui qui savait boire le plus d'eau, on était à genoux devant une bassine, à beugler et mugir et barrir. Belle était un éléphant et elle se remplissait la bouche d'eau qu'elle recrachait dans l'air, pas mal fait d'ailleurs, même si j'ai compris qu'il y aurait des draps à changer. Les enfants ont bu des quantités d'eau énormes et n'ont plus eu faim, ils n'ont même pas voulu des crackers, seulement entendre la fin du conte et s'endormir. Et je savais qu'ils auraient un bon petit-déjeuner à la garderie le lendemain matin. Ce n'est pas souvent que ça arrive, qu'on n'ait pas assez à manger.

Mais ça arrive.

Ils se sont endormis et j'ai englouti jusqu'à la dernière miette les crackers salés, puis j'ai appelé Sara et demandé, comme ça en passant, où elle avait vendu à si bon prix les vieux bijoux en or de sa maman. J'ai une bague en or que Micke m'a donnée, une bague qui est un peu trop grande, je peux la tourner autour du doigt. « Tourne-la trois fois et l'esprit de la bague apparaîtra, avait dit Micke, et il réalisera ton souhait le plus cher. Dans des limites raisonnables, bien entendu. Tu ne dois pas souhaiter quelque chose qui coûte plus de 27 couronnes 50 ! » On avait ri. Micke venait de compter sa recette, il avait fait du porte-à-porte dans l'immeuble pour vendre des pommes caramélisées, l'un de ses projets insensés.

Maintenant il fallait que je m'en sépare, de la bague à souhaits. C'est tout ce qui me venait à l'esprit de vendre..."


Katarina Mazetti - Les Larmes de Tarzan



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