Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°447 (2014-48)

mardi 16 décembre 2014

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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A Dvorak - Symphonie du nouveau monde

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Cygne tuberculé et Grande Aigrette

La Rivière-Drugeon, Bouverans (Haut-Doubs)
octobre - novembre 2014


Jeune Cygne tuberculé
  La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
  dimanche 19 octobre 2014


Grande Aigrette
  Bouverans (Haut-Doubs)
  dimanche 19 octobre 2014

Grande Aigrette (2)
  Bouverans (Haut-Doubs)
  dimanche 26 octobre 2014

Grande Aigrette
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 2 novembre 2014


Couple de Cygne

Cherchez la Grande Aigrette !
  Bouverans (Haut-Doubs)
  mardi 11 novembre 2014

A travers le feuillage...

Cherchez la Grande Aigrette (II) !
  Bouverans (Haut-Doubs)
  mardi 11 novembre 2014

Jeune Cygne tuberculé (toilette)
  La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
  samedi 29 novembre 2014


Jeune Cygne tuberculé (étirement)
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 29 novembre 2014

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 29 novembre 2014


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[numéro 427]
(2014 - 28)

Cygnes tuberculés - printemps 2014 - Lacs du Haut-Doubs

Texte : Ravi, éveillé (Lumière des oiseaux) - Pierre Morency

Musique : Le couronnement de Poppée (Pur ti miro) - Claudio Monteverdi

mardi 22
juillet 2014
[numéro 410]
(2014 - 11)


Fin de l'hiver (plus de neige !!)...
Lac de Saint-Point,
Haut-Doubs

Texte : dessins de Moebius

Musique : Offrande musicale - JS Bach

mardi 25 mars 2014
[numéro 404]
(2014 - 05)

Cygnes, reflets, neige et glace... -  Bouverans (Haut-Doubs)

Texte : Mort d'un Personnage - Jean GIONO

Musique :  Symphonie n°3 - Jean SIBELIUS

mardi 4 février 2014

Petit texte :

"Le silence est immense, terrifiant. Il engloutit le monde indien entre 1492 et 1550, il le réduit au néant. Ces cultures indigènes, vivantes, diversifiées, héritières des savoirs et de mythes aussi anciens que l'histoire de l'homme, en l'espace d'une génération sont condamnées et réduites à une poussière, à une cendre. Comment comprendre cela ? Pour effectuer une telle destruction, il a fallu le pouvoir de l'Europe tout entière, dont les Conquérants ne sont que les instruments : un pouvoir où la religion, la morale, sont aussi importantes que la force militaire et économique. La conquête du continent américain par les Européens est sans doute le seul exemple d'une culture submergeant totalement les peuples vaincus, jusqu'à la substitution complète de leur pensée, de leurs croyances, de leur âme. La conquête n'est pas seulement la mainmise d'une poignée d'hommes - étrange mélange de barbarie et d'audace - sur des terres, des réserves alimentaires, des routes, des organisations politiques, sur la force de travail des hommes et la réserve génétique des femmes. Elles est la mise en oeuvre d'un projet conçu à l'origine même de la Renaissance, en vue de la domination du monde. Rien de ce qui fut le passé et la gloire des nations indigènes ne doit survivre : la religion, les légendes, les coutumes, l'organisation familiale ou tribale, les arts, le langage, et jusqu'à l'histoire, tout doit disparaître afin de laisser la place au moule nouveau imposé par l'Europe.

La Conquête du Nouveau Monde n'est pas cet échange qu'auraient rêvé les disciples d'Erasme ou de Thomas More. Si, d'une certaine façon, la Conquête a apporté une nouvelle paix romaine à ces territoires sans cesse ravagés par les guerres tribales, elle n'a pu l'établir que sur des ruines et des cendres. Les empires détruits, les princes assassinés, les prêtres destitués, la culture, la religion et l'ordre social indigènes réduits au silence, c'est sur ce monde anéanti que pouvait régner la paix espagnole. La mainmise des Conquérants sur toutes les structures rendait impossible la survie des valeurs et des idées indigènes. Avec un aveuglement féroce, la plupart des chroniqueurs espagnols nient toute spiritualité à ces peuples qu'ils ont ruinés.

[...]

Même pour les religieux les plus favorables au monde indigène, tels que Bartolomé de Las Casas ou Mendieta, existe le malentendu de la Conquête. L'Indien, s'il n’est plus ce démon assoiffé de sang, adonné à tous les vices, plus proche de la bête que de l'homme, est à l'excès inverse le parvulo misérable et abandonné de tous, l'obejo manzo, la douce brebis offerte à la cupidité des colons espagnols. Criminel, ou victime irresponsable. L'Indien est donc dans tous les cas dépourvu de sa qualité humaine. Etre irrationnel, il ne saurait avoir de pensée propre, et ses croyances et ses usages ne sauraient trouver place dans le concert des cultures. L'après-Conquête hérite de la violence destructrice de la guerre a fuego y a sangre. La destruction porte un autre visage dépossédé de ses terres, de ses forêts. du droit à circuler librement, l'Indien est aussi dépossédé de la part la plus secrète de son être. Il devient un homme sans pensée, sans raison, sans ordre moral, une Sorte de décérébré que son nouveau maître doit façonner selon son gré, afin de lui inculquer les principes de la morale chrétienne et le respect des nouvelles lois politiques. C'est cette refonte de l'être qui motive la mission, et qui justifie le système de l'encomienda. Puis, après la dénonciation des abus par Las Casas et la promulgation des Nouvelles Lois des Indes, l'indigène retrouve un droit sur son propre corps, mais ne regagne pas pour autant le droit à la pensée. Il est significatif qu'il ait fallu attendre deux siècles pour que l'Indien ait le droit au sacerdoce, et l'indépendance pour qu'il ait celui de participer à la vie politique.

Le silence du monde indien est sans aucun doute l'un des plus grands drames de l'humanité. À l'instant où l'Occident redécouvrait les valeurs de l'humanisme et inventait les bases d'une nouvelle république, fondée sur la justice et le respect de la vie, par la perversité des Conquérants du Nouveau Monde il initiait l'ère d'une nouvelle barbarie, fondée sur l'injustice, la spoliation et le meurtre. Jamais l'homme n'aura été semble-t-il à la fois si libre et si cruel, découvrant au même instant l'universalité des lois et l'universalité de la violence. Découvrant les idées généreuses de l'humanisme et la dangereuse conviction de l'inégalité des races, la relativité des civilisations et la tyrannie culturelle. Découvrant, par ce drame de la conquête du Mexique, tout ce qui va fonder les empires coloniaux, en Amérique, en Inde, en Afrique, en Indochine le travail forcé, l'esclavage systématique, l'expropriation et la rentabilisation des terres, et, surtout, cette désorganisation délibérée des peuples, afin non seulement de les maintenir, mais aussi de les convaincre de leur propre infériorité.

Le silence du monde indien est un drame dont nous n'avons pas fini aujourd'hui de mesurer les conséquences. Drame double, car en détruisant les cultures amérindiennes, c'était une part de lui-même que détruisait le Conquérant, une part qu'il ne pourra sans doute plus jamais retrouver.

[...]

La grande question que nous posent les cultures indigènes du Mexique - et d’une façon générale, tout le continent amérindien - est bien celle-ci : comment auraient évolué ces civilisations, ces religions? Quelle philosophie aurait pu grandir dans le Nouveau Monde, s’il n’y avait eu la destruction de la Conquête ? En détruisant ces cultures, en abolissant aussi complètement l’identité de ces peuples, de quelle richesse les Conquérants européens nous ont-ils privés ? Car c’est bien d’une privation, d’un exil qu’il faut parler. Les vainqueurs espagnols, portugais, puis français et anglo-saxons qui ont assujetti l’immensité du continent amérindien ne sont pas seulement responsables de la destruction des croyances, de l’art et des vertus morales des peuples qu’ils ont capturés. Par une sorte de contrecoup qu’ils ne pouvaient imaginer eux-mêmes, ils ont été à l’origine d’un profond changement dans notre propre culture, les premiers aventuriers de cette civilisation matérialiste et opportuniste qui s’est étendue sur le monde tout entier, et qui peu à peu s’est substituée à toutes les autres philosophies.

On a longuement épilogué sur l’inégalité des cultures, quand s’affrontaient tout à coup sur le sol du Nouveau Monde des peuples à l’âge du néolithique et les soldats cuirassés et armés de canons de la Renaissance.

S’il est vrai que le choc des cultures était surtout un choc de techniques, il faut cependant rappeler tous les domaines dans lesquels les civilisations amérindiennes, et particulièrement celles du Mexique, étaient en avance sur l’Europe : médecine, astronomie, irrigation, drainage et urbanisme. Mais il faut surtout rappeler ce chapitre, alors ignoré de l’Europe, et qui a pris pour nous aujourd’hui une valeur vitale : cette harmonie entre l’homme et le monde, cet équilibre entre le corps et l’esprit, cette union de l’individuel et du collectif qui étaient la base de la plupart des sociétés amérindiennes - de la société fortement hiérarchisée de l’Anahuac ou du Michoacan, aux sociétés semi-nomades de l’Amérique aride du Nord et du Nord-Ouest : Séris, Yaquis, Tarahumaras, Pimas, Apaches.

Précisément, l’inégalité des forces armées a réussi à cacher toutes les autres valeurs. Parce que les peuples indiens étaient persuadés de la communauté de la terre et de l’impossibilité de diviser le corps de la déesse-mère, ils abandonnèrent leurs droits à habiter sur leur propre continent, et se retrouvèrent exclus du progrès. Les macehuales, les purepecha, ces hommes du commun, serviteurs des dieux, devinrent, par le glissement de sens de la colonie, et par l’abus des encomenderos, la masse des travailleurs forcés, dépossédés de la terre. Parce que, d’une certaine manière, au-delà de la Conquête, ils continuèrent à respecter l’équilibre des forces naturelles, les Indiens ne purent entrer dans le système de l’exploitation des biens, et se condamnèrent à l’exil des régions les plus pauvres et les plus inaccessibles du continent : montagnes âpres, déserts, ou forêts étouffantes. Dans ces refuges de l’indianité, la nature elle-même imposait ses limites, et ce qui était valeur spirituelle et réflexion devint une fatalité. L’Indien était par la force des choses condamné à la pauvreté et à l’improductivité.

De même, les valeurs traditionnelles des cultures indigènes, après la Conquête, se transformèrent parfois en un poids insurmontable. L’unité entre le mythique et le réel, cette sorte d’harmonie entre le rêve et le corps qui avait fait la grande force des anciens Mexicas, Purepecha, Mayas, Toltèques, était alors brisée. Les valeurs de la tradition servaient de refuge, de bouclier. D’un côté étaient les vainqueurs, représentant toutes les valeurs de la civilisation, le droit, la morale, la vérité religieuse. De l’autre, la "barbarie", l’ignorance, le vice, la superstition. L’isolement des Indiens, leur marginalisation n’étaient pas accidentels. C’était en réalité l’ultime étape de la colonisation, selon un plan dont on pourrait dire qu’il aura été la seule force cohérente de l’empire colonial en Amérique. Écartés du pouvoir temporel, exclus du progrès, privés de voix dans l’exercice de la justice, et soumis à un clergé d’une autre race, les Indiens devenaient des étrangers sur leur propre terre.

Les derniers représentants du règne aztèque l’expriment une dernière fois avant de mourir : "Car nous pensons que lesdits Espagnols agissent ainsi afin que nous tous finissions et nous flétrissions, et qu’il n’y ait plus aucun souvenir de nous sur terre..."


JMG le Clézio - Le Rêve mexicain ou la pensée interrompue



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