Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°404 (2014-05)

Mardi 4 février 2014

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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  Jean SIBELIUS -
Symphonie n°3

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Cygnes, reflets, neige et glace...
Bouverans (Haut-Doubs)
  samedi 25 janvier 2014







Joyau éphémère










Petit texte :

"Il n’y avait d’abord dans la rue, à part l’ombre d’une nuit obscurcie de fumée, de capotes de fiacres et des vêtements noirs de la foule, qu’une lumière jaune sale, qui sortait par blocs des devantures de magasins éclairés au pétrole. Puis apparaissaient quelques irisations aux biseaux des vitrines et, brusquement, le pourpre d’un quartier de bœuf à l’étal, la coquille rose nacré des porcs fendus en deux avec l’amande rouge des côtes, le blanc extraordinaire des agneaux écorchés, le vert violent des céleris en bottes, l’ocre emplumée des régimes de bananes, le roux des oranges, les grandes médailles d’argent rayonnant des barils d’anchois. Sur quoi tiraient brusquement le rideau les façades des maisons bourgeoises devant lesquelles nous passions ensuite, à peine grises dans la nuit, avec, de temps en temps, un soupirail plein de braises vives entre ses barreaux comme un brasero à chauffer les pieds et, d’autres fois, de loin en loin, à hauteur juste un peu au-dessus de ma tête, la lueur de quelque salon couleur de camélia, entre les ferronneries de grilles à l’espagnole. Et brusquement éclataient, au-dessus d’une rampe de gaz qui fusait derrière une vitre au ras du trottoir, les bleus, les verts, les rouges, les ors d’étiquettes collées sur des flancs de bouteilles pleines de topaze ou de diamants blancs ; puis les violets, les gorge-de-pigeon, les moires des rouleaux de rubans, les crèmes, les bleuâtres, les jets brillants des plumes à chapeaux, les chinoiseries des boîtes de bonneterie, les verts nil des parfums, les jaunes éteints des longs pains vernis. De l’autre côté de la rue, venaient des couleurs aquatiques que le flot des passants interceptait et faisait trembler, prolongeait, déformait, balançait, comme vues à travers de l’eau, écrasant des bleus paon qui coulaient dans des verts suintant dans des rouges enroulés autour de jaune serin, beurrées sur des noirs, des goudrons et des poix mordorées, pleines de fils d’or, déroulant des chevelures de reflets comme le courant dans l’épaisseur des ruisseaux. Puis, des tournesols de lampes à pompe éblouissaient chez des drapiers où l’on voyait moutonner, dans des mains qui soupesaient des paires de draps, les longues lanières d’un océan bleu marine qu’on dévidait des pièces, en faisant claquer la planche sur le comptoir. On était frôlé par des hommes et des femmes qui nous croisaient ou nous dépassaient en même temps que nous traversions la lumière et les couleurs d’une devanture auxquelles ils ajoutaient, dans un éclair, le gris ou le noir d’un veston, le bleu-charrette d’une blouse, le luisant de quelque manche de lustrine, le marbre d’un plastron amidonné, le bouillonnement pincé dans l’index et le pouce d’un gant, d’une longue jupe travaillée de pas rapides bouillonnants dans un blanc d’écume qui sautait sur des verts bouteille, des violets, des géranium, des grenat, des gris fer, des marron, des havane, jusqu’aux franges plus noires que la nuit de châles de cachemire découpés dans des pièces d’or. L’odeur de la violette russe, de la rose, de la verveine, du muguet, de la vanille ou de l’iris suivait ces pas rapides. Ou parfois passait, avec le bruit étouffé et légèrement gémissant du cygne qui glisse sur l’eau, quelque admirable femme qui m’effrayait par sa stature, entièrement couverte, de la tête aux pieds, de fourrures ; lente, sans couleur, comme de cendre et dont le velouté aspirait le regard. Les fouets claquaient ; les roues ferrées sautaient sur les pavés ; les colliers des chevaux sonnaient ; les trotteurs battaient du fer ; les bottines frappaient du talon sur les trottoirs ; les conversations murmuraient ; parfois des cris, ou des sifflets, ou des clameurs, en haut, en bas de la rue, vers des carrefours qui grésillaient comme de la friture, et le « hue ho » du cocher de l’omnibus qui, débouchant au pas de la rue d’Armény, retenait ses chevaux à pleins bras..."

  Jean GIONO - Mort d'un personnage




Livret (20 x 15 cm) réalisé pour mes nièces (Angèle et Camille) :


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