Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°916 (2024-16)

mardi 16 avril 2024

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
explications sur le nom de cette lettre : [ici] ou [ici]
Si cette page ne s'affiche pas correctement, cliquez [ici]


 
RENAUD - Les aventures de Gérard Lambert

Pour regarder et écouter,
cliquez sur la flèche au centre de l'image...



ou cliquez [ici]



Couleurs de la fin de l'hiver
et du début du printemps
dans mon jardin...

Courvières (Haut-Doubs)
mars et début avril 2024



Pinson des arbres femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
samedi 2 mars 2024


Pinson des arbres mâle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
samedi 2 mars 2024




Pinson des arbres mâle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 3 mars 2024



Verdier d'Europe
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 10 mars 2024

Corneille noire
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 10 mars 2024




Bois-gentil
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 16 mars 2024
<Samsung A15, 16/9ème>

Verdier d'Europe
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 17 mars 2024

Verdier d'Europe
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 17 mars 2024

Crocus (blanc),
sous le givre

Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mercredi 20 mars 2024

Crocus (blanc),
sous le givre

Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mercredi 20 mars 2024




Crocus (violet)
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mercredi 20 mars 2024


Cicindèle champêtre
dans le jardin...

Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mercredi 20 mars 2024



Un prédateur efficace !
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mercredi 20 mars 2024
<image recadrée>



Paquerette
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mercredi 20 mars 2024



Véronique petit-chêne
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mercredi 20 mars 2024



Véronique petit-chêne
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
vendredi 22 mars 2024



Tapis de Drave printanière
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
vendredi 22 mars 2024



Pisaure admirable
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
vendredi 22 mars 2024



Scille à deux feuilles,
après la pluie...

Courvières (Haut-Doubs)
lundi 1er avril 2024



Dorine à feuilles opposées
Courvières (Haut-Doubs)
lundi 1er avril 2024



Vue sur la Margotte
Courvières (Haut-Doubs)
lundi 1er avril 2024




Arc en ciel (double)
de la fenêtre de notre chambre

Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
lundi 1er avril 2024

Gabo
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
lundi 1er avril 2024

Lierre terrestre
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
lundi 1er avril 2024




Suggestion de lecture :

"LES OIES DES NEIGES ARRIVENT ! Le lendemain matin, la une de l'Aberdeen American News annonçait que plus de trois cent quarante mille oies des neiges étaient arrivées au Sand Lake National Wildlife Refuge, un parc naturel national, au cours des dernières vingt-quatre à quarante-huit heures. Je n'en revenais pas : j'étais arrivé dans le Dakota du Sud le même jour que les oies ! Sand Lake n'était guère qu'à une petite cinquantaine de kilomètres d'Aberdeen, directement au nord de l'autre côté de la plaine du Dakota, le long d'une route paisible et vide, bordée de plates étendues de terrain, avec des deux côtés des prairies d'aspect desséché et des champs couverts de chaume, ainsi que les ronds d'un blanc bleuté de petits lacs profonds, semblables à des doublons éparpillés à travers la prairie ; pas de vert en vue, uniquement des bruns, des fauves, des beiges, des gris et la surface bleuâtre et inégale de la glace. Des faucons des moineaux, les plus petits faucons américains, étaient perchés sur les fils télégraphiques, compacts et douillets, blottis dans la couette de leurs propres plumes grises et couleur de rouille. Des volées de merles aux ailes rouges, occupés à glaner, parcouraient les champs couverts de chaume comme les ombres géantes de plantes flétries emportées par le vent. Je n'avais jamais prêté une telle attention aux oiseaux. J'avais toujours à portée de main, sur le siège à côté de moi, un guide d'ornithologie et mes jumelles d'observation. Je guettais les oies des neiges. Je ne pouvais pas m'arrêter de penser à elles. Trois cent quarante mille oies des neiges.

Sand Lake, autrement dit le lac sablonneux, était une longue portion de la James River, tout près de la limite avec le Dakota du Nord. J'ai garé la Topaz à côté de deux pick-up blancs, sur les portières desquelles figurait l'écusson de l'US Fish and Wildlife Service, un organisme chargé de veiller sur la faune sauvage. J'ai boutonné jusqu'au menton ma doudoune en duvet et passé la courroie de mes jumelles autour de mon cou. Il faisait un froid de loup. Il y avait des bosquets de peupliers noirs et d'ormes, des rangées protectrices de frênes rouges et d'oliviers de Bohême, et aussi des saules drapés, dans les parcelles marécageuses. Le ciel, d'un bleu profond, démesuré, paraissait suivre la courbe de la terre à chaque extrémité. Des nuages qui ressemblaient à des perruques de juge dérivaient sur ce fond azuré. J'entendais, au loin, un son faible et familier, une foule de terriers en train de japper presque hors de portée d'oreille.

Tout excité, j'ai commencé à marcher vers le nord, le long de la piste en terre battue, parsemée de pierres, qui couvrait les quelques kilomètres séparant l'entrée de la réserve du barrage Houghton. Des fourrés de massette et de phragmite formaient une ceinture dorée autour du lac, leurs tiges prises dans la glace tantôt au niveau des tibias, tantôt à celui des chevilles. Des graines brunes et raides comme des cigares pointaient à l'extrémité des massettes. Quelquefois, des pick-up conduits par des chasseurs en tenue de camouflage me dépassaient sur la piste et le sillage de chaque véhicule agitait les massettes et les phragmites. Les jappements se sont transformés en bourdonnement continu. Je suis passé devant une petite ferme, puis j'ai contourné un promontoire, marchant de plus en plus vite vers la source du bruit. J'ai vu apparaître des oies des neiges, comme une promesse tenue. Des milliers d'oiseaux de phases bleue et blanche étaient massés sur la glace au milieu du lac, formant un gigantesque dessin en amande qui s'effilait à ses extrémités nord et sud. Leurs têtes étaient levées bien haut, leurs cous tendus, perpendiculaires à la glace. De près, le bruit n'était plus qu'un vacarme sauvage et universel, les appels se propageaient sur la glace comme des billes roulant sur une plaque métallique. Je me suis immobilisé, respirant à fond, à demi caché derrière une massette.

Un pick-up du Fish and Wildlife Service est venu s'arrêter à ma hauteur et un homme sanglé dans l'uniforme des gardiens s'est penché à la vitre. Il avait une cinquantaine d'années, portait des lunettes cerclées de métal, derrière lesquelles je pouvais voir deux épais sourcils pleins d'emphase et deux yeux d'un gris-vert transparent. Ses cheveux taillés court grisonnaient, on aurait dit un mélange d'oies de phase bleue et blanche.

« ça vaut le coup d'oeil, pas vrai ? m'a-t-il dit.

  • Je n'en avais jamais vu autant à la fois. Combien ?

  • Je dirais dans les trente mille. Elles sont vraiment en avance cette année. D'habitude, on peut se régler sur la date à laquelle les oies des neiges arrivent sous ces latitudes. C'est toujours la dernière semaine de mars. Là, elles nous ont pris par surprise. On ne pensait pas les voir avant une dizaine de jours, ou en tout cas au moins une semaine.

  • Pourquoi arrivent-elles si tôt ?

  • C'est le printemps qui est en avance. Elles viennent avec le temps. Ces oies remontent le plus vite qu'elles peuvent. Si elles rencontrent des orages ou qu'il fait trop froid à leur goût, elles font une pause. Quelques-unes partent vers le nord pour aller voir ce qui se passe et s'il fait trop mauvais, elles reviennent aussitôt. A propos, je m'appelle Michael. J'ai comme l'impression que vous n'êtes pas du Dakota du Sud. »

Michael a coupé son moteur et il est venu me rejoindre sur la hauteur qui dominait le lac. Il était grand, plus d'un mètre quatre-vingts, ses bottes noires étaient aussi bien astiquées que celles d'un soldat, son ceinturon était déformé par le poids d'outils professionnels : revolver, menottes, spray au poivre, matraque télescopique. Nous avons contemplé les oies, élevant la voix par-dessus leur vacarme.

« Vous vous intéressez aux oies ? A demandé Michael.

  • Aux oies des neiges. J'arrive tout juste du Texas. J'essaie de suivre les oies des neiges de leurs zones d'hivernage à leurs aires de reproduction – je m'efforce de rester en contact pendant leur migration de printemps.

  • Ah bon ? C'est costaud, ça. Vous comptez aller jusqu'où, vers le nord ?

  • Jusqu'à la baie d'Hudson. Peut-être même l'île de Baffin.

  • Alors là, chapeau.

  • Ce n'est pas vraiment une manière très raisonnable de voyager. Je suis à la merci des oies. Et je commence à me demander si c'est très souhaitable.

  • J'ai passé à peu près toute ma vie à pourchasser des canards et des oies, d'une manière ou d'une autre, et n'allez surtout pas croire que je ne me suis pas posé la même question.

  • Ça vous a étonné qu'elles arrivent si tôt ?

  • Ouais, je crois. Mais les schémas n'arrêtent pas de changer. Tenez, les aigles, par exemple. Avant que j'arrive au Sand Lake, on n'avait aucune trace documentée de nids d'aigle dans le Dakota du Sud depuis 1885, soit quatre ans avant que l'Etat ne fasse partie des Etats-Unis. En 1991, on a vu arriver une paire de pygargues à tête blanche, qui ont fait leur nid dans le Sand Lake Refuge. On a établi un cordon tout autour, avec une zone tampon de huit cents mètres. Les pygargues couvaient leurs œufs – si on les regardait au télescope, on voyait le mâle et la femelle se relayer. Mais alors, il y a eu une tempête terrible qui a secoué le nid. Les pygargues ont plié bagage et aussitôt des saletés de grands hérons sont venus s'y installer et ils ont foutu un œuf dehors, on l'a retrouvé sous l'arbre. En 1992, un autre couple est venu, il a fait son nid au Karl Mundt Refuge et il a pu élever un petit. Alors maintenant, il y a quatre ou cinq nids dans les environs du Sand Lake. C'est une explosion démographique. Des pygargues, vous en avez qui nichent à peu près partout. »

Je lui ai demandé s'il y avait un rapport avec la quantité d'oies des neiges.

« Bien sûr. Les pygargues serrent les oies de près. Ils s'en prennent aux malades. Les oies infirmes se réunissent dans les derniers coins d'eau courante qui restent. J'en ai vu qui plongeaient pour échapper à un pygargue et j'ai vu le pygargue bel et bien s'enfoncer dans l'eau comme un balbuzard pêcheur, pour les prendre dans ses serres et les remonter sur la glace. Les pygargues ne peuvent pas s'envoler tout de suite parce que leurs plumes sont gorgées d'eau. Ils se secouent sur la glace, sans lâcher l'oie qui se débat de toutes ses forces, puis ils lissent leurs plumes un bref instant, et ensuite ils passent aux choses sérieuses et mangent leur oie. Et ils attrapent des poissons aussi. Les aigles et les goélands argentés arrivent très tôt pour le massacre des poissons. La glace fait soixante centimètres d'épaisseur, mais un poisson mort dessous fait une tache noire qui absorbe davantage de chaleur et remonte donc à la surface, et c'est comme ça que les goélands et les aigles les chopent. »

Il s'est interrompu ; une franche pagaille régnait parmi les oies. Leurs appels se sont faits plus forts, plus pressants. Tout à coup, comme si quelqu'un avait appuyé sur une détente, la bande entière s'est envolée. Trente mille oies ont quitté la surface glacée devant nous, les battements d'ailes tambourinaient dans l'air, les couinements des volatiles se transformaient en hurlements scandés et métalliques – le bruit que l'on entend quand un morceau d'acier est martelé sur une enclume, dans une caverne. La glace vibrait et chantait à l'unisson. Le troupeau éparpillé remplissait notre champ de vision, c'était un blizzard d'oies. La plupart d'entre elles décrivaient des cercles à faible distance du sol, mais certaines sont retournées se poser presque aussitôt, tandis que d'autres ont continué à s'élever. Des bourrasques d'oies fendaient l'air, derrière ou à travers d'autres bourrasques ; le troupeau continuait de tourner en rond, inlassablement, bouillonnant de tourbillons et de mouvements contraires, un chaos poivre et sel de phases bleue et blanche, qu'éclairaient de brèves étincelles argentées de dos d'ailes blancs prenant soudain la lumière du soleil. Des rubans entiers de volatiles viraient au noir quand ils nous apparaissaient de côté, tandis que d'autres lançaient des éclairs blancs chaque fois qu'ils changeaient de direction, le poitrail face à la lumière. Et puis lentement, une oie après l'autre, le troupeau s'est reposé : la masse en amande s'est reformée ; le tapage invraisemblable s'est atténué ; le bourdonnement régulier a repris. Un bref instant, j'avais oublié de respirer..."

William FIENNES - Les oies des neiges


Voir la liste des anciens numéros du"Trochiscanthe nodiflore" (les archives) : cliquez [ici]

Site internet : Rencontres sauvages

Me contacter : pascal@pascal-marguet.com

Calendrier 2024 : Pour le télécharger directement au format pdf (1300 ko), cliquez [ici]

 

Pour vous désinscrire, vous pouvez m'envoyer un e-mail (en répondant à ce message) avec pour objet "désinscription",

ou en cliquant

[ici]

Rejoignez-moi sur "FaceBook" en cliquant sur le lien suivant :

[http://www.facebook.com/marguet.pascal.1654]

Rejoignez-moi sur "Instagram" en cliquant sur le lien suivant :

[https://www.instagram.com/marguet_pascal/]