Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°865 (2023-14)

mardi 11 avril 2023

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
explications sur le nom de cette lettre : [ici] ou [ici]
Si cette page ne s'affiche pas correctement, cliquez [ici]


 
Elisapie ISAAC - Moi, Elsie

Pour regarder et écouter,
cliquez sur la flèche au centre de l'image...



ou cliquez [ici]

Pour écouter la version de Richard Desjardins (auteur),

cliquez
[ici]


Etourneau sansonnet

Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
février 2023



Etourneau sansonnet
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 12 février 2023


Etourneau sansonnet fermant sa membrane nictitante...
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 12 février 2023

<image recadrée>


Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 12 février 2023

Etourneau sansonnet
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 12 février 2023
<image recadrée>

Etourneau sansonnet
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 12 février 2023

Etourneau sansonnet
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 12 février 2023

Etourneau sansonnet
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 12 février 2023




Etourneau sansonnet
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 12 février 2023



Etourneau sansonnet
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 12 février 2023



Etourneau sansonnet, dans l'ombre
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
jeudi 16 février 2023



<image recadrée>



Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
jeudi 16 février 2023



<image recadrée>



Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 26 février 2023



Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 26 février 2023

Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 26 février 2023





Suggestion de lecture :

"1 - Okta

Elsa filait sans se retourner. Le dos droit, concentrée pour trouver la bonne cadence, elle regardait ses skis afin de les maintenir dans les traces. Il faisait sans doute un peu trop sombre pour sortir, mais elle trépignait d'impatience.
L'air qui lui fouettait le visage lui glaçait les joues. Du coin de l'œil, elle apercevait ses cheveux noirs devenus gris argentés qui dépassaient de son bonnet. Ses cils avaient aussi changé de couleur, et elle sentait le froid humide quand elle clignait des yeux. Elle avait l'impression de se transformer.
Le lac était un lacis de traces de motoneiges qui menaient chez elle ou ailleurs. Chez des voisins, des cousins. Au parc à rennes. Elle s'engagea dans la plus large. Elle avait trouvé son rythme, ses skis crissaient sous ses pieds. Elle venait de fêter ses neuf ans. Une grande fille. Avec ses propres skis, pas les anciens de Mattias.

Ses bras forts lui permettaient de pousser sur ses bâtons, de se propulser en avant. Elle savait que sa maison ne serait bientôt plus qu'un petit point au loin, derrière elle. Après le lac venait la forêt, mais elle n'avait pas peur. Elle n'avait jamais peur car elle savait se repérer, elle retrouvait toujours son chemin. A vrai dire, elle ne s'aventurait pas au-delà du lac, d'habitude. Mais elle était grande désormais.

Début janvier, le soleil leur revenait, mais à peine s'était-il levé qu'il entamait sa course dans l'autre sens, ne laissant derrière lui qu'une lueur rosée. Aujourd'hui les nuages absorbaient la lumière plus vite qu'elle ne l'aurait cru, mais la nuit ne tomberait pas tout de suite. Elle aurait le temps d'arriver à destination. La neige alourdissait les branches des sapins et des bouleaux. Comme s'ils s'inclinaient sur son passage. Saluaient son retour. Et dire qu'ils la reconnaissaient, en dépit de ses cheveux givrés, argentés, et de ses nouveaux skis !

Elle entendit les rennes et accéléra le rythme malgré la fatigue qui engourdissait ses cuisses. Sa respiration se fit de plus en plus rapide, sa gorge lui brûlait. Ses lèvres étaient sèches mais elle ne devait surtout pas les lécher, sinon elles gerceraient, se fissureraient. Elle n'aimait pas le goût du sang.

Il n'y avait encore personne là-bas. Elle le savait. Ses parents et Mattias étaient à la maison. Il n'était pas encore l'heure de nourrir les rennes. Elle voulait leur faire une surprise. Préparer les granulés, sortir les sacs, peut-être même entrer dans l'enclos pour verser du fourrage sur le sol. Arracher un peu de lichen pour les attirer, qu'ils se rassemblent autour d'elle, sans aucune défiance.

Percevant le ronronnement d'une motoneige, elle s'immobilisa. Quelle déception ! Elle n'était pas la première arrivée. L'engin était arrêté, le moteur tournait à vide. Le plus silencieusement possible, elle poussa sur ses bâtons. S'agrippa à un tronc de pin et jeta un coup d'oeil furtif.

C'était lui.

Elle ne prononçait jamais son nom.

Il tenait, entre ses lèvres pincées, un petit triangle duveteux. A la main, un couteau ensanglanté. Elsa serra ses bâtons de toutes ses forces. Si fort que ses articulations gelées lui faisaient mal.

Il recracha le morceau d'oreille et le fourra dans la poche de son pantalon jaune crasseux. De ceux que portent les ouvriers routiers. Les larges bandes réfléchissantes scintillèrent quand il passa devant les phares de la motoneige. Le faon mort gisait près de la barrière, à l'extérieur de l'enclos. Il se pencha vers l'animal. Pour l'emporter ? Son renne à elle. Une petite femelle. Etait-ce bien elle ? Oui, Elsa reconnaissait la tache blanche au niveau du front. Nastegallu. Sa gorge laissa échapper un son. Il l'entendit. Scruta de son regard expert entre les arbres jusqu'à la trouver. Peut-être ne la reconnaissait-il pas avec ses cheveux argent ?

Ses lèvres formèrent un juron. Il s'avança à pas lourds vers elle. Sa langue pressait son tabac sous sa lèvre supérieure, contre sa gencive.

C'est alors qu'il esquissa un sourire mesquin. Il pointa l'index vers elle, le posa sur ses lèvres fines pour lui ordonner de garder le silence, puis le fit glisser sur son cou. Tu es morte. Voilà ce que cela signifiait, elle le savait.

Il retourna vers la motoneige, tira de sa poche ses gants noirs et lança une jambe par-dessus le siège. Sans s'apercevoir qu'il n'avait pas sorti que ses gants. Une petite chose duveteuse virevolta avant d'atterrir dans la neige. Une oreille qui présentait des entailles spécifiques, preuves de l'appartenance du faon à leur troupeau.

Il appuya sur l'accélérateur, laissant derrière lui une émanation de gaz d'échappement. Accompagnée d'une autre odeur, un effluve indéterminé. Elsa fronça le nez.

Elle avança sur ses skis, les jambes chancelantes, retira ses gants et s'empara de l'oreille. Elle la frotta pour ôter la neige. Sa paume était tachée de sang. Ce n'était pas toute l'oreille, il n'en avait coupé que l'extrémité, là où se trouvait la marque.

Elle lorgna vers le corps sans vie qui gisait au pied de la barrière, réticente à s'approcher, à vérifier qu'il s'agissait bien de son renne. Mais elle n'avait pas le choix.

C'était bien Nastegallu. Même sans oreilles, Elsa en était certaine. La tache blanche entre ses yeux, et ses pattes étonnamment longues. Sa fourrure soyeuse était émaillée de gouttes de sang. Son renne à elle, dépossédé des encoches qui témoignaient de son appartenance. Elle ne pouvait pas pleurer, pas crier. Mais dans sa tête montait un grondement effrayant. L'idée qu'un jour, elle le tuerait..."

Ann-Helen LAESTADIUS - Stöld



Voir la liste des anciens numéros du"Trochiscanthe nodiflore" (les archives) : cliquez [ici]

Site internet : Rencontres sauvages

Me contacter : pascal@pascal-marguet.com

Calendrier 2023 : Pour le télécharger directement au format pdf (1300 ko), cliquez [ici]

 

Pour vous désinscrire, vous pouvez m'envoyer un e-mail (en répondant à ce message) avec pour objet "désinscription",

ou en cliquant

[ici]

Rejoignez-moi sur "FaceBook" en cliquant sur le lien suivant :

[http://www.facebook.com/marguet.pascal.1654]

Rejoignez-moi sur "Instagram" en cliquant sur le lien suivant :

[https://www.instagram.com/marguet_pascal/]