Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°863 (2023-12)

mardi 21 mars 2023

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Echappées belles
sur les Hautes-Pyrénées...

Samuel, mon frère, y fait une courte apparition !
(à 5 minutes du début... sur le marché de Bagnères-de-Bigorre)


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https://www.france.tv/france-5/echappees-belles/echappees-belles-saison-17/4695574-un-hiver-dans-les-pyrenees.html

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JS BACH -
Was mir behagt
Schafe können sicher weiden BWV 208

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Pie et corneille

Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
février et mars 2021



Pie
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 29 janvier 2023




Pie et Etourneau sansonnet
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 12 février 2023


Pie
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 12 février 2023



Corneille noire
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 12 février 2023

Corneille noire
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 12 février 2023

Corneille noire
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 12 février 2023

Corneille noire
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 12 février 2023




Pie
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 12 février 2023

Corneille noire
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
samedi 4 mars 2023
<image recadrée>



Corneille noire
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
samedi 4 mars 2023

Pie
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
samedi 4 mars 2023



Pie, sous la pluie
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
vendredi 10 mars 2023



Lors d'un rayon de soleil...
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
vendredi 10 mars 2023
<image recadrée>



Corneille, sous la pluie
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 12 mars 2023



Corneille, sous la pluie
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 12 mars 2023

Corneille noire, sous la pluie
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
dimanche 12 mars 2023





Suggestion de lecture :

" 1

On raconte que dans la Chine ancienne, sous la dynastie des Song du Nord, un prince faisait chaque année cultiver un carré de mille pivoines dont, à l'orée de l'été, les corolles ondulaient dans la brise. Durant six jours, assis sur le sol du pavillon de bois où il avait coutume d'admirer la lune, buvant de temps à autre une tasse de thé clair, il observait celles qu'il appelait ses filles. A l'aube et au couchant, il arpentait le carré.

Au commencement du septième jour, il ordonnait le massacre.
Les serviteurs couchaient les belles assassinées, la tige brisée, la tête allongée vers l’est, jusqu’à ce qu’il ne reste plus sur le champ qu’une unique fleur, les pétales offerts aux premières pluies de mousson. Alors, les cinq jours suivants, le prince demeurait là en buvant du vin sombre. Sa vie entière tenait dans ces douze révolutions de soleil ; toute l’année, il ne pensait qu’à elles ; lorsqu’elles étaient passées, il faisait vœu de mourir. Mais les heures dédiées à choisir l’élue puis à jouir de leur tête-à-tête muet contenaient tant de vies en une seule qu’il ne voyait pas de sacrifice dans les mois de deuil.
Ce qu’il ressentait en contemplant la survivante ? Une tristesse en forme de gemme étincelante à laquelle se mêlaient des éclats d’un bonheur si pur, si intense, que son cœur défaillait.

Un carré de mille pivoines

Alors que Rose se réveillait et, regardant autour d’elle, ne comprenait pas où elle se trouvait, elle vit une pivoine rouge aux pétales renfrognés. Quelque chose passa en elle dans un parfum de regret ou de bonheur enfui. D’ordinaire, ces mouvements intérieurs griffent le cœur avant de s’évanouir comme un songe mais, parfois, le temps transfiguré offre à l’esprit une transparence nouvelle. C’est ce qu’éprouvait Rose, ce matin-là, dans le face à face avec la pivoine qui, de son vase exquis, dévoilait ses étamines dorées. Un instant durant, il lui parut qu’elle pouvait rester sans fin dans cette chambre nue, à contempler cette fleur, à se sentir exister comme jamais. Elle observa les tatamis, les parois de papier, la fenêtre ouverte sur des branchages dans le soleil, la pivoine froissée ; enfin, elle s’observa elle-même comme une inconnue rencontrée la veille. La soirée lui revint par salves – l’aéroport, le long trajet dans la nuit, l’arrivée, le jardin éclairé de lanternes, la femme en kimono agenouillée sur le plancher surélevé. À gauche de la porte coulissante par où elle était entrée, des branches de magnolia d’été, jaillies d’un vase aux flancs sombres, attrapaient la lumière par averses successives. On eût dit une eau brillante tombant en pluie sur les fleurs, les ombres sur les murs scintillaient, alentour c’était une obscurité étrange, frémissante. Rose y distinguait des parois sablées, des pierres plates faisant chemin jusqu’au plancher haut, des esprits secrets ; toute une vie de pénombre parcourue de soupirs. La Japonaise l’avait menée à sa chambre. Dans la salle adjacente, la vapeur d’un bain montait d’un grand bassin de bois lisse. Rose s’était glissée dans l’eau brûlante, saisie par le dénuement de cette crypte humide et silencieuse, par son décor boisé, par ses lignes pures. En sortant du bain, elle s’était vêtue d’un kimono de coton léger comme on pénètre un sanctuaire. De même, elle était entrée dans les draps avec un inexplicable sentiment de ferveur. Puis tout avait passé. On frappa discrètement et la porte glissa en chuintant. La femme de la veille vint poser un plateau devant la fenêtre à petit pas précis. Elle dit quelques mots, recula par glissades douces, s’agenouilla, s’inclina, referma la porte. Au moment où elle disparut, Rose vit palpiter ses paupières baissées et fut frappée par la beauté de son kimono brun ceint d’une obi brodée de pivoines roses. Le souvenir de sa voix cristalline aux fins de phrase brisées tinta dans l’atmosphère avec une tonalité de gong. Rose inspecta les mets inconnus, la théière, le bol de riz ; chacun de ses mouvements lui faisait l’effet d’une profanation. Dans le cadre nu de la fenêtre où coulissait une vitre doublée d’un paravent de papier, elle voyait, frissonnantes et ciselées, les feuilles d’un érable et, au-delà, un panorama plus vaste. C’était une rivière aux berges bordées d’herbes folles avec, de chaque côté d’un lit pierreux, des allées de sable, d’autres érables mêlés de cerisiers. Au milieu du gué, dans les flots paresseux, campait un héron gris. Par-dessus la scène passaient des nuages de beau temps. La puissance de l’eau vive la frappa. Où suis-je ? pensa-t-elle, et bien qu’elle sût que cette ville était Kyōto, la réponse se dérobait comme une ombre. On frappa de nouveau. Oui ? dit-elle, et la porte s’ouvrit. La ceinture de pivoines réapparut ; cette fois, la femme agenouillée lui dit : Rose san get ready ? en montrant la porte de la salle de bains. Rose hocha la tête. Qu’est-ce que je fiche ici ? se demanda-t-elle, et bien qu’elle sût qu’elle était venue là entendre le testament de son père, la réponse se dérobait encore. Dans la chapelle vaste et vide du bain, à côté du miroir, une pivoine blanche aux pétales fugitivement trempés dans une encre carmin séchait à l’air comme une peinture fraîche. La lumière matinale, versée par une ouverture quadrillée de bambou, jetait des lucioles sur les murs et, un instant, inondée d’un chatoiement de vitrail, elle se crut dans une cathédrale. Elle s’habilla, sortit dans le couloir, prit à droite, rebroussa chemin en arrivant à une porte fermée, suivit des méandres de plancher et de papier. Après un coude, les cloisons devinrent d’un bois foncé où se distinguaient des panneaux coulissants puis, après un autre coude, elle se trouva dans une grande pièce au centre de laquelle vivait un érable. Ses racines s’enfonçaient dans une mousse au plissé de velours ; caressant le tronc, une fougère côtoyait une lanterne de pierre ; tout autour courait une galerie vitrée ouverte sur le ciel. Par éclats de monde morcelé, Rose voyait le plancher de bois, les sièges bas, les tables laquées et, à droite, dans un grand vase d’argile, un arrangement de branches piquées de feuilles inconnues, vibrantes et légères comme des fées ; mais l’arbre crevait l’espace d’une déchirure où se noyaient ses perceptions et Rose sentait qu’il l’attirait à lui, qu’il aimantait son souffle, qu’il ferait de son corps un arbrisseau à la ramure murmurante. Après un moment, elle s’arracha au sortilège, alla de l’autre côté du jardin intérieur où de grandes croisées donnaient sur la rivière, en ouvrit un panneau qui glissa sans bruit sur ses rails de bois. Le long des berges à cerisiers, battements fluides de l’espace-temps, passaient des coureurs matinaux, et Rose désira se fondre dans leur course sans passé ni avenir, sans attaches ni histoire ; désira n’être plus qu’un point mouvant inscrit dans le flux de saisons et de montagnes qui traverse les cités jusqu’aux océans. Elle regarda au-delà. La maison de son père était bâtie un peu en hauteur, au-dessus d’une allée de sable qu’on distinguait entre les branches des arbres. Sur l’autre rive, la même allée de sable, les mêmes cerisiers, les mêmes érables et, plus loin encore, surplombant la rivière, une rue, d’autres maisons – la ville. Enfin, fermant l’horizon, des collines moutonnantes..."

Muriel BARBERY - Une rose seule



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