Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°842 (2022-42)

mardi 25 octobre 2022

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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R SCHUMANN - Widmung

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Dernières fleurs,
avant l'automne...

Courvières et Chapelle des Bois (Haut-Doubs)
septembre 2022



Aubépine
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 11 septembre 2022



Colchique - Colchicum autumnale
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 11 septembre 2022



Cirse acaule - Cirsium acaule
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 11 septembre 2022



Serpolet
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 11 septembre 2022

Nuages
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 11 septembre 2022



Pissenlit
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 11 septembre 2022



Campanule
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 11 septembre 2022



Scabieuse colombaire - Scabiosa columbaria
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 11 septembre 2022

Chapelle
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 11 septembre 2022



Géranium Herbe-à-Robert - Geranium robertianum
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 11 septembre 2022



Helianthème nummulaire - Helianthemum nummularium
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 11 septembre 2022

Karst
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 11 septembre 2022



Paquerette
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 11 septembre 2022

Vache
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 11 septembre 2022



Ciboulette (à fleur blanche) - Allium schoenoprasum
Chapelle-des-Bois (Haut-Doubs)
samedi 17 septembre 2022

Ciboulette (à fleur rose) - Allium schoenoprasum
Chapelle-des-Bois (Haut-Doubs)
samedi 17 septembre 2022



Champ de Ciboulette
Chapelle-des-Bois (Haut-Doubs)
samedi 17 septembre 2022

Sorbier des oiseaux
Chapelle-des-Bois (Haut-Doubs)
samedi 17 septembre 2022



Succise des prés -Succisa pratensis
(en bouton, en fleurs... en fruit)

Chapelle-des-Bois (Haut-Doubs)
samedi 17 septembre 2022




Ciboulette et Azuré
Chapelle-des-Bois (Haut-Doubs)
samedi 17 septembre 2022


Forêts
Chapelle-des-Bois (Haut-Doubs)
samedi 17 septembre 2022

Linaire commune - Linaria vulgaris
Courvières (Haut-Doubs)
jeudi 22 septembre 2022

Camomille
Courvières (Haut-Doubs)
jeudi 22 septembre 2022



Loge n° 5

Courvières (Haut-Doubs)
vendredi 23 septembre 2022



Raiponce orbiculaire - Phyteuma orbiculare
Courvières (Haut-Doubs)
vendredi 23 septembre 2022



Graine de Carline acaule - Carlina acaulis
Courvières (Haut-Doubs)
vendredi 23 septembre 2022



Carline acaule - Carlina acaulis
Courvières (Haut-Doubs)
vendredi 23 septembre 2022



Bourdon et abeille sauvage sur un Pissenlit
Courvières (Haut-Doubs)
vendredi 23 septembre 2022

Tréfle intermédiaire - Trifolium medium
Courvières (Haut-Doubs)
vendredi 23 septembre 2022

[A suivre...]








Suggestion de lecture :

"C'est alors qu'un homme surgit à l'entrée de la ruelle à cinquante mètre devant Morel, talonné par trois poursuivants qui lui lancent des déchets, des pierres et des menaces de mort. Morel s'arrête pour évaluer la scène. Une pierre rebondit jusqu'à ses pieds. Il n'est par recommandé de circuler la nuit dans les ruelles, mais Jean-Claude Morel n'a jamais provoqué rien de fâcheux lors de ses promenades ni n'a été victime de quoi que ce soit. Il a été témoin de plusieurs scènes de ménage qu’on ne prenait pas la peine de camoufler en fermant les fenêtres, et d’une intense copulation qu’il a épiée des premiers frenchs aux derniers spasmes, caché derrière un réservoir d’huile éventré au coin d’un hangar, excité au point d’en déchirer ses coutures. Mais la majorité des promeneurs qu’il aperçoit s’en remettent à la sagesse populaire et déguerpissent dans l’ombre. Les autres passent, comme lui, le visage caché sous leur casquette. Il se glisse tous les soirs par un trou dans une clôture sur la rue De Montigny, s’adosse à un mur de planches pour fumer deux ou trois cigarettes, suit ses pistes habituelles entre les bicoques et les niques à feu, puis regagne l’appartement familial dans une cour quelque part en arrière, parmi les spectres du Pieddu-Courant et les vapeurs des shops qui s’enroulent autour de l’immense et perpétuel squelette vert-degris du pont. À dix-huit ans, Jean-Claude ne s’est encore jamais battu, un exploit pour un gars du Faubourg à m’lasse. Il a jusque-là pratiqué l’art de l’esquive, parfois par ruse, parfois par lâcheté, et chaque fois que ç’a chauffé, un imprévu lui a permis de s’enfuir. Mais quand Albert Morissette file à côté de lui, du sang coulant du cuir chevelu, le col déchiré, ses yeux de rat ouverts grands comme ceux d’un crapaud, Morel sent qu’il doit l’aider à se défendre contre les trois qui le rattraperont d’ici quelques enjambées. Morel a passé ses sixième et septième années assis à gauche de Morissette, et une amitié imposée par l’ordre alphabétique s’était nouée entre eux. Ils avaient abandonné l’école à la fin de la septième, l’alphabet avait perdu beaucoup d’importance, et ils ne s’étaient plus croisés jusqu’à cette nuit du mois d’août 1951, où Morissette sprinte, semble-t-il, pour sa vie. Albert et ses poursuivants dépassent Morel sans le voir. Albert trébuche, se râpe la face dans la gravelle, et avant qu’il ne puisse tenter de s’appuyer sur ses mains pour se relever, le premier des trois lui saute à pieds joints sur le dos, bascule par-devant et s’étale au sol à son tour. Les deux autres rejoignent Albert et lui bottent l’abdomen et le dos en gueulant «hostie que tu vas y goûter» et « mon crisse de trou-de-cul ». Le premier s’est reviré entre-temps et bondit mains ouvertes, doigts tordus, empoigne les cheveux d’Albert et lui frappe la tête au sol. Morel s’avance vers l’assaillant le plus proche, lui lance une baffe au hasard et le repousse en criant «Albert debout c’est Jean-Claude». Un droit au thorax suffit à mettre Morel hors combat. Retenu par une clé de bras, il assiste immobile, la respiration entravée par une douleur aiguë aux côtes, à une raclée brutale qui laissera Morissette dans le coma durant des mois et, à son réveil, nettement plus idiot qu’il ne l’était déjà. Les trois partent après avoir chacun leur tour giflé Morel à l’occiput. La honte qui le taraude de ne pas avoir été à la hauteur de sa vieille amitié se muera en spasmes à l’estomac quand il apprendra, une semaine plus tard, que les gars sont des frères et que Morissette a été surpris en train d’agresser leur plus jeune sœur, jugeant l’avoir fréquentée assez longtemps pour lui réclamer plus qu’elle ne voulait donner. Assis chez lui dans le fauteuil défoncé, épuisé d’avoir vomi avec souffrance, Morel se dit que sa côte craquée est une juste punition pour avoir fait confiance à ses souvenirs, et qu’il devra dorénavant s’en méfier. Pourtant le souvenir de la correction d’Albert le suivra jusqu’à sa mort, ressurgissant en des moments inappropriés et sans que rien justifie de telles images de violence. Il se verra d’innombrables fois sauter à pieds joints sur le dos de gens couchés à plat ventre, un enfant cherchant sa balle sous une voiture, une fille allongée au parc, un concierge sur un balcon peinturant une rambarde, même sa femme endormie dans leur lit, la moitié du corps désabriée, et à la fin de sa vie, la confusion sénile lui fera croire que ce désir de piétiner les corps lui était apparu avant cette bataille de ruelle, et qu’il avait eu envie de fouler son père aux pieds en 48 quand il l’avait découvert en pleine nuit effondré dans la cuisine. Sans doute le paternel avait-il défailli en revenant des bécosses, parce que la porte donnant sur la cour était entrouverte, et que son unique main tenait encore sa braguette mal refermée. Jean-Claude avait préféré attendre avant de réveiller sa mère et de déclencher la commotion qui étourdirait la famille pour les mois à venir. C’était la première fois où il avait la chance d’être seul avec son père, et il avait cru devoir en profiter, car c’étaient aussi, à quinze ans, les dernières minutes de son enfance. Sa sœur aînée Ginette, mariée et mère, habitait juste à l’ouest du pont, la cadette Marie-Thérèse, fiancée mais toujours à la maison, cousait du retour de l’école au coucher, son frère Gaëtan livrait à vélo chez Gus. Le tour de Jean-Claude venait de se mettre au travail. Il avait pris la pinte de lait dans l’armoire à glace, s’était calé au creux du fauteuil défoncé et avait regardé longuement le cadavre de son père en sirotant le lait à même la bouteille. Le père était énorme. Sa face bouffie n’était pas tendue par la mort, seulement affaissée, sans émotion. Il devait avoir expiré d’un coup sans souffrir, étonné de la soudaine tension dans sa poitrine et des feux colorés fourmillant devant lui avant que les lumières ne s’éteignent. Son embonpoint le faisait pencher du côté de son bras manquant, si bien que Jean-Claude ne voyait pas la manche vide de sa chemise. Sans savoir qu’il était manchot, on aurait pu croire qu’il était mort le bras coincé dans un trou du plancher, et jusqu’à ce que Jean-Claude quitte l’appartement à ses vingt ans, il éviterait de marcher à cet endroit en sortant pisser la nuit, de peur de se faire aspirer un pied dans le vide. La confusion sénile brouillerait un jour la scène de toutes sortes de manières, faisant de l’obèse un unijambiste au pantalon replié et épinglé à la fesse, un cardinal étendu en croix pour sanctifier le plancher de la cuisine, un porc vautré dans sa soue. Et quand Morel parlerait de son père à d’autres vieillards, il raconterait qu’il avait perdu son bras à la guerre, lors d’une mitraille héroïque ou d’un stupide accident à l’armurerie, alors que ce n’était pas son père mais son oncle qui avait servi en France, et que le bras en question avait été sectionné par l’engrenage d’un tapis roulant de la Dominion Oilcloth and Co. Le père Morel avait été exempté du service militaire comme tous les pères de familles nombreuses. Il disait à qui voulait l’entendre qu’il aurait vraiment aimé leur faire la passe, aux crisses de Boches, mais personne ne le croyait car c’était connu qu’il se foutait autant des Boches et de la France que du Canada, et jamais il ne se serait porté volontaire, préférant aux périls du front ceux des vapeurs de colle, de teinture et de plastique brûlé de l’usine de prélart. Quand la machine lui avait sectionné le bras, sa femme Rita, pas spécialement patriote, mais aussi pieuse qu’il le fallait, avait évoqué la possibilité d’une punition divine. Même licencié par la Dominion Oilcloth avant d’être sorti de l’hôpital, expulsé avec sa famille de l’appartement de misère que la compagnie louait à ses employés, et contraint de s’improviser commis d’épicerie, il avait préféré sa vie d’amputé à celle de son frère Éphrem, revenu de France le corps intact, on l’en félicitait, mais l’esprit criblé par l’obusite. Le fédéral l’avait relogé à Tétreaultville dans un quartier d’anciens combattants. Ç’aurait pu être pire. C’était son bras faible. La lumière du lampadaire entrait dans la cuisine par la fenêtre, diffusait des gris et des bleus, et projetait comme par exprès un faisceau beige sur le corps par l’embrasure de la porte ouverte. La peau semblait encore être de la peau. C’était le premier cadavre qu’il voyait de si près sans embaumement, on l’avait gardé à distance des autres, une grand-mère ou un vieil oncle exposé chez une grande-cousine, où les chaises étaient disposées en cercle autour d’un vide que personne n’osait traverser sinon pour aller s’agenouiller sur le prie-dieu de location, où flottait un agressif parfum de fleurs qui n’arrivait pas à masquer ce qu’on ne voulait pas sentir, le faisandage empêché par le formol. Dans la cuisine, son père effondré n’avait que son habituelle odeur de sueur mêlée de Cologne. Jean-Claude s’était étonné de ne ressentir ni tristesse ni peur. Son père avait été un homme sans éclat, maladroit et un peu grossier, mais sans malice. Cet homme les avait aimés sincèrement, sans jamais le déclarer, alors que leur mère leur répétait chaque jour qu’il fallait qu’elle les aime en calvasse pour tout endurer ça. Jean-Claude aimait aussi sa famille, sans effusion, comme il se surprendrait un jour à aimer ses propres enfants, d’un sentiment entier, permanent, dont l’origine ne peut être retracée. C’était ainsi. Tant mieux. Et tant pis. Impossible de savoir s’il aurait été plus heureux sans eux. Le chat s’était coulé par la porte entrouverte et, après une hésitation, approché du corps. Il l’avait reniflé, s’était détourné pour sauter sur la dépense et s’asseoir, la tête enfoncée dans les épaules. Les trois tenaient la pose, Jean-Claude en pensant au bras de son père, à ce que ce morceau d’être humain était devenu après l’accident. Avait-il été coupé net, ou s’était-il cassé en plusieurs endroits en restant accroché au torse par un éclat d’os, un bout de chair? Avait-il été jeté dans un conteneur de l’usine avec les déchets industriels? Avait-on garrotté Henri à l’épaule ou cautérisé sa plaie au chalumeau? On n’en parlait pas. Une fois, Gaëtan l’avait menacé de lui arracher un bras à lui aussi et de le battre avec le bout qui saigne, mais il avait demandé pardon l’après-midi même. Jean-Claude connaissait un peu l’histoire, à tout le moins celle que son père avait racontée lors d’une nuit de rummy, de rouleuses et de gros gin dans la cuisine des Castonguay, qui partageaient avec eux la cour intérieure, ruelle Parthenais. Les exclamations l’avaient réveillé. Ses frères et sœurs dormaient, il était sorti de la chambre en refermant délicatement la porte, puis était allé au-dehors observer son père attablé devant les cendriers et les verres, sa mère adossée à la grosse radio sur laquelle on avait déposé un phonographe, musique de cabaret. Dans la cacophonie enfumée, après une ronde d’anecdotes scabreuses, Henri avait narré cette aube enténébrée – des corbeaux croassaient sur la crête de l’usine – où il était rentré d’avance pour s’assurer que la lame de sa découpeuse avait été affûtée comme prévu. Or il avait surpris les patrons de la Dominion et des hommes en trench étudiant des documents à la lueur de lampes de poche. Après ce conciliabule incriminant, ils l’avaient remarqué, tapi derrière un moteur. Henri avait dû choisir entre une disparition immédiate ou un silence dont ils s’assureraient en lui faisant goûter dès lors ce qu’il encourrait à le briser. Le patron lui-même avait actionné le mécanisme qui lui avait sectionné le bras. Chez Castonguay, aux exhortations enivrées des amis qui réclamaient de connaître les secrets entendus, Henri s’était déclaré incapable de répondre: il en avait perdu des bouttes..."

Maxime RAYMOND BOCK - Morel



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