Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°821 (2022-21)

mardi 24 mai 2022

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Josef MYSLIVECEK - Adamo et Eva

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Dans le jardin du Champ-Margot...

Courvières (Haut-Doubs)
mars et avril 2022



Paquerette
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 19 mars 2022


Hirondelle rustique
Courvières (Haut-Doubs)
jeudi 14 avril 2022


Drave printanière
Courvières (Haut-Doubs)
jeudi 14 avril 2022

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floraison de cette minuscule fleur,

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Véronique
Courvières (Haut-Doubs)
jeudi 14 avril 2022



Alchemille
Courvières (Haut-Doubs)
jeudi 14 avril 2022

Rougequeue noir mâle
Courvières (Haut-Doubs)
lundi 18 avril 2022

Rougequeue noir mâle
Courvières (Haut-Doubs)
lundi 18 avril 2022



Rougequeue noir mâle
Courvières (Haut-Doubs)
lundi 18 avril 2022



Lierre terrestre - Glechoma hederacea
Courvières (Haut-Doubs)
jeudi 21 avril 2022

Jonquille
Courvières (Haut-Doubs)
jeudi 21 avril 2022



Grive litorne
Courvières (Haut-Doubs)
vendredi 22 avril 2022




Tadorne casarca
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
lundi 25 avril 2022



Moineau domestique mâle
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
lundi 25 avril 2022


Moineau domestique femelle
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
lundi 25 avril 2022

Verdier d'Europe
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
lundi 25 avril 2022

<image recadrée>



Rougequeue noir mâle
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
lundi 25 avril 2022

Rougequeue noir mâle
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
lundi 25 avril 2022



Rougequeue noir mâle
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
lundi 25 avril 2022



Pinson des arbres mâle
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
lundi 25 avril 2022



Rougequeue noir femelle
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
lundi 25 avril 2022

Rougequeue noir femelle
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
lundi 25 avril 2022



Hérisson...
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
mardi 26 avril 2022



... et GABO !
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
mardi 26 avril 2022

La rencontre
Courvières, Champ-Margot (Haut-Doubs)
mardi 26 avril 2022





Suggestion de lecture :

"CHAPITRE PREMIER


Devant l'arc en plein cintre supporté par des colonnes doubles qui donne accès au couvent de Mariabronn, un châtaignier, fils esseulé du Midi, apporté là jadis par un pèlerin revenu de Rome, dressait tout au bord du chemin son tronc puissant. Sa couronne arrondie s'étendait au-dessus de la route en un geste de tendresse et respirait dans le vent comme une poitrine qui s'enfle. Au printemps, alors que tout, autour de lui, était déjà verdoyant et que les noyers du cloître avaient eux-mêmes revêtu leur jeune feuillage rougeâtre, ses feuilles se faisaient attendre longtemps encore. Puis, à l’époque des nuits les plus courtes, il dressait hors des touffes de feuilles, comme de pâles rayons blancs et verts, son étrange floraison. À ses senteurs âcres et fortes les souvenirs se levaient, les coeurs se serraient. En octobre, la cueillette des fruits et la vendange étaient déjà terminées quand, de sa couronne jaunissante, tombaient dans le vent d’automne ses châtaignes hérissées de piquants qui ne mûrissaient pas chaque année. Les gamins du couvent se battaient pour les ramasser et l’adjoint du prieur, le père Grégoire, originaire du pays latin, les faisait griller au feu de sa cheminée. Au-dessus de l’entrée du monastère il laissait lentement onduler sa ramure, le bel arbre étranger au coeur plein de tendresse, cet hôte un peu frileux venu d’un autre climat, que des liens mystérieux apparentaient aux sveltes colonnettes de grès accouplées au portail, à la parure fleurissant aux cintres des fenêtres, aux corniches et aux piliers ; chéri des Français et des Latins, cet étranger que les gens du pays considéraient bouche bée.

Déjà bien des générations d’élèves avaient passé, au monastère, sous l’arbre venu des pays lointains, leurs tablettes sous le bras, bavardant, riant et jouant, se querellant ; pieds nus ou chaussés, selon la saison ; une fleur à la bouche, une noix entre les dents ou une boule de neige à la main. Toujours, il en arrivait d’autres. Au bout de quelques années, il n’y avait plus là que de nouvelles figures qui, pour la plupart, se ressemblaient : des blondins aux cheveux bouclés. Certains restaient au cloître, devenaient novices, devenaient moines, recevaient la tonsure, portaient le froc et la corde, lisaient des livres, enseignaient les enfants, vieillissaient et mouraient. D’autres, une fois terminées leurs années d’études, étaient repris par leurs parents et rentraient dans des châteaux, des maisons de marchands et d’ouvriers, s’en allaient par le monde, s’adonnaient à leurs jeux, à leurs métiers, revenaient par hasard une fois ou l’autre au monastère. Devenus hommes, en amenant leurs fils à l’école des pères ils levaient un moment vers le châtaignier leurs yeux souriants tout pleins de souvenirs et disparaissaient à nouveau. Dans les cellules et les salles du couvent, entre les arcs massifs des fenêtres et les robustes doubles colonnes de grès rose, des hommes vivaient, enseignaient, étudiaient, administraient, dirigeaient. Ici on cultivait des sciences et des arts très divers, religieux et profanes, chaque génération transmettait à l’autre leurs lumières et leurs ombres. On écrivait des livres, on en commentait, on imaginait des systèmes, on recueillait des écrits de l’Antiquité, on peignait des enluminures, on entretenait les croyances populaires, on raillait les croyances populaires. Érudition et piété, naïveté et malice, sagesse des Évangiles et sagesse hellénique, magie noire et magie blanche, tout portait ici ses fruits, il y avait place pour tout. Il y avait place pour la vie solitaire et la pénitence, comme pour la vie de société et la bonne chère : il dépendait de la personnalité de l’abbé en fonctions et des courants dominants du moment que l’une ou l’autre tendance prît le dessus et l’emportât. À certaines époques, ce qui faisait la réputation du monastère, ce qui y attirait les visiteurs, c’étaient les exorcismes contre toutes les figures changeantes du diable ; à d’autres, c’était sa magnifique musique, parfois c’était la sainteté d’un des pères qui faisait des cures et des miracles, parfois les soupes de brochet et les pâtés de foie de cerf ; chaque chose en son temps. Et toujours il se trouvait, dans la troupe des moines et des élèves à la piété ardente ou tiède, parmi les ascètes et les gros bedons, toujours il y avait parmi tous ces hommes qui venaient là pour y vivre et y mourir telle ou telle personnalité originale, quelqu’un que tous aimaient ou redoutaient, quelqu’un qui semblait élu, une figure dont il était question longtemps encore quand ses contemporains étaient oubliés.

À l’époque dont nous parlons il se trouvait également au monastère de Mariabronn deux figures originales : un vieillard et un jeune homme… Parmi la foule des frères qui remplissaient les promenoirs, les chapelles et les salles de classe, il en était deux dont tous connaissaient l’existence et vers qui tous tournaient leurs regards. Il y avait l’abbé Daniel, le vieillard, et l’élève Narcisse, le jeune homme qui venait de commencer son noviciat et que, contrairement à toutes les traditions, en raison de ses dons exceptionnels, on employait déjà comme professeur, surtout en grec. De tous deux, l’abbé et le novice, on faisait grand cas dans la maison, on les observait, ils suscitaient la curiosité, l’admiration, l’envie – et on en médisait aussi en secret.

Presque tout le monde aimait l’abbé. Il n’avait pas d’ennemis. Il était toute bonté, toute simplicité, toute humilité. Les savants du couvent étaient seuls à mêler à leur vénération une nuance de dédain. Car l’abbé Daniel pouvait bien être un saint, il n’était tout de même pas un savant. Il avait cette simplicité qui est sagesse, mais son latin était médiocre et, du grec, il ne savait pas un mot.

Ceux-là, peu nombreux, qui à l’occasion souriaient un peu de la simplicité de l’abbé, étaient d’autant plus sous le charme de Narcisse, l’enfant prodige, le beau jeune homme au grec élégant, aux manières parfaitement chevaleresques, au regard de penseur tranquille et pénétrant, aux belles lèvres minces, sévères dans leur dessin. Les savants aimaient en lui sa connaissance merveilleuse du grec, presque tout le monde appréciait sa noblesse et sa délicatesse, beaucoup en étaient enthousiastes. De ce qu’il fût si assuré, si maître de lui, de ce qu’il eût des manières si courtoises, beaucoup lui tenaient rigueur.

Abbé et novice, chacun portait à sa manière son destin d’élu, dominait à sa manière, souffrait à sa manière. Chacun des deux se sentait plus apparenté à l’autre, plus attiré vers lui que vers tout le reste des hôtes du cloître ; et pourtant, ils ne trouvaient pas le chemin l’un de l’autre, et pourtant, le coeur de chacun ne pouvait s’échauffer en présence de l’autre. L’abbé traitait le jeune homme avec beaucoup de précautions, beaucoup d’égards, avait à son sujet de grands soucis, comme pour un frère d’une essence rare, délicate, une âme précocement mûrie, peut-être une âme en péril. Le jeune homme recevait tous les ordres, tous les conseils, tous les éloges de l’abbé dans une attitude impeccable, ne contredisait jamais, n’était jamais contrarié, et si le jugement de l’abbé sur son compte était exact, si son unique défaut était l’orgueil, il savait merveilleusement dissimuler ce défaut. On ne pouvait rien lui reprocher, il était parfait, il était supérieur à tous. Seulement il n’avait pas beaucoup de vrais amis, seulement sa distinction l’enveloppait comme une atmosphère de glace.

« Narcisse, lui dit le prieur à la suite d’une confession, je me reconnais coupable d’avoir porté sur toi un jugement sévère. Je t’ai souvent tenu pour orgueilleux et peut-être ai-je été alors injuste envers toi. Tu es bien solitaire, mon jeune frère. Tu as des admirateurs, mais pas d’amis. Je voudrais bien avoir parfois des motifs de te blâmer, mais je n’en ai aucun. Je voudrais bien que tu fasses parfois quelque sottise, comme font aisément les jeunes de ton âge. Tu n’en fais jamais. Je suis parfois inquiet pour toi, Narcisse. »

Le jeune homme leva vers le vieillard ses yeux noirs :

« Je souhaite vivement, mon vénéré père, ne vous donner aucun souci. Il est bien possible que je sois orgueilleux, vénéré père. Je vous prie de m’en punir. Il arrive que j’aie parfois moi-même le désir de me punir. Envoyez-moi dans un ermitage, père, ou faites-moi faire d’humbles besognes.

Tu es trop jeune pour l’un et pour l’autre, cher frère, dit l’abbé. En outre, tu as de hautes aptitudes pour les langues et pour la pensée, mon fils, ce serait gaspiller les dons de Dieu que de vouloir t’employer à des travaux vulgaires. Tu deviendras sans doute un professeur et un savant. Ne le souhaites-tu pas toi-même ?

Pardon, mon père, je ne suis pas exactement fixé sur mes désirs. Je prendrai toujours plaisir aux sciences ; comment en serait-il autrement ? Mais je ne crois pas que les sciences doivent être mon unique champ d’action. Sans doute ce ne sont pas toujours les désirs d’un homme qui règlent son destin et sa mission, mais quelque chose d’autre : une prédestination. »

L’abbé écoutait et la gravité se peignait sur son vieux visage. Pourtant un sourire y erra lorsqu’il dit : « Si j’ai bien appris à connaître les hommes, nous avons tous tendance, dans la jeunesse surtout, à confondre la Providence avec nos voeux personnels. Mais dis-moi, puisque tu penses connaître à l’avance ta mission, à quoi te crois-tu donc destiné ?»

Narcisse ferma à demi ses yeux sombres qui disparurent sous les longs cils noirs et resta silencieux.

« Parle, mon fils », reprit l’abbé après une longue attente.

À voix basse, les yeux baissés, Narcisse commença :

« Je crois savoir, vénéré père, que je suis avant tout destiné à la vie monacale. Je deviendrai moine, je pense, prêtre, adjoint au prieur, et peut-être abbé. Je ne crois pas cela parce que je le désire. Mes voeux ne vont point aux charges, mais elles me seront imposées. »

Longtemps tous deux restèrent silencieux..."

Hermann HESSE - Narcisse et Goldmund

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