Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°687 (2019-38)

mardi 1er octobre 2019

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Borodin - Prince Igor

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Mésange charbonnière et Pie
Grive, Fauvette, Accenteur, Etourneau...

autour de la ferme

Courvières (Haut-Doubs)
juillet, août et septembre 2019



Grive litorne
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 13 juillet 2019




Fauvette à tête noire femelle
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 13 juillet 2019

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Mes groseilles !!
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 13 juillet 2019

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 13 juillet 2019

Mésange charbonnière (jeune)
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 14 juillet 2019

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 14 juillet 2019
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Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 14 juillet 2019
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Fauvette à tête noire femelle
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 14 juillet 2019

Pie
Courvières (Haut-Doubs)

mardi 16 juillet 2019

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Pie se grattant
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Courvières (Haut-Doubs)
mercredi 17 juillet 2019

Jeune Mésange charbonnière
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 27 juillet 2019
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Courvières (Haut-Doubs)
samedi 17 août 2019
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Jeune Pie
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 17 août 2019


Ici, je fus distrait par la faute de la pie. Cette commère, sans doute enhardie par mon immobilité, venait de franchir le Rubicon, et voletant lourdement s'était posée sur une souche, à moins de trois mètres, presque à portée de bâton. Là, piquée sur deux pattes en fil de fer, la tête un peu de côté, secouée par intervalles d'un déclic qui lui faisait hocher la queue à la mode inquiétant des automates, elle coulait vers moi un regard à la fois avide et soupçonneux. Un objet devait l'attirer, peut-être le verre des lunettes ?

Transformé en statue de sel, j'eus loisir d'examiner le bel habit bleu, la cravate, le plastron de cet oiseau mécanique, et aussi la bille cerclée de jaune qui lui servait d'oeil. Puis j'en revins à mes ruminations... Oui, il avait dû se passer quelque chose, mais quoi ? Le sais-tu, Pie ?... Sur ce, la dame s'envola avec bruit, et d'un buisson à quelque distance m'exprima son opinion sur les bipèdes en général et ma personne en particulier. Elle était défavorable...

Samivel - L'oeil émerveillé ou la Nature comme spectacle

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Courvières (Haut-Doubs)
samedi 17 août 2019

Etourneau sansonnet
Courvières (Haut-Doubs)

vendredi 23 août 2019

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Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 8 septembre 2019

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Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 8 septembre 2019

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 8 septembre 2019

Flou !
Courvières (Haut-Doubs)

jeudi 12 septembre 2019

Courvières (Haut-Doubs)
vendredi 13 septembre 2019

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 14 septembre 2019

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 14 septembre 2019

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 14 septembre 2019

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 15 septembre 2019

Dans l'ombre
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 15 septembre 2019

Fauvette grisette
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 15 septembre 2019

Génisses et Etourneaux
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 15 septembre 2019

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 15 septembre 2019
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Famille de Pies
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 15 septembre 2019

Accenteur mouchet
Courvières (Haut-Doubs)

vendredi 20 septembre 2019

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Mésange bleue mangeant une pomme
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 21 septembre 2019

Dans le Pommier
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 21 septembre 2019

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 28 septembre 2019

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 29 septembre 2019



Suggestion de lecture :

"Quelques semaines plus tard - c’était en plein mois d’août, tandis que, à notre insu, les armées alliées libéraient la France -, je me retrouvai au même endroit. Je m’assis sur le petit mur de pierre qui faisait face à cette longue et étroite construction : les lavabos. Une porte, quelques fenêtres hautes et, dans l’ombre intérieure, une file de grandes vasques rouges (on eût dit du porphyre) surmontées d’un champignon de métal d’où sifflait en panache une eau glacée. C’était là que, chaque matin, à l’instant où les projecteurs de la nuit s’éteignaient au sommet des miradors, nous étions jetés par monceaux, et devions faire notre toilette dans la fumée des corps d’hommes pressés.

J’étais sur le mur, au soleil, entre un jeune acteur parisien, un jeune gars effarouché, trop beau, aux mains de fille, et un instituteur bourguignon consciencieux et quelque peu sceptique. Alors je leur dis : « La poésie, la vraie, ce n’est pas de la littérature. » Tous deux s’écrièrent

« Pas de la littérature ! » Je les surprenais, je les choquais presque. Je vis bien que je devais m’expliquer, mais je n’en avais pas le désir. Et je me mis à réciter des vers, au hasard, tous ceux que je retrouvais, tous ceux qui ressemblaient à notre vie en cet instant. Je récitai du Baudelaire, du Rimbaud, à voix simple.

Peu à peu, à ma voix, une autre voix s’était ajoutée. Je ne savais pas d’où elle venait, je me le demandais à peine. Puis je fus bien obligé d’entendre : les vers étaient répétés dans l’ombre. Des voix s’étaient levées timidement derrière moi. J’en percevais devant moi aussi. J’étais entouré. Sans même le vouloir, je fis plus lente ma récitation.

Des hommes étaient venus. Ils s’étaient ralliés et formaient un cercle. Ils prononçaient les mots en écho. A la fin de chaque strophe, à chaque silence, ils faisaient bourdonner les dernières syllabes. « Va, va! Laisse-toi faire ! Récite ! me souffla l’acteur aux mains de fille, ce qui se passe est extraordinaire. »

Je psalmodiais. Il me semblait savoir à cet instant tous les poèmes que j’avais lus, même ceux que je croyais oubliés. Le cercle des hommes autour de moi se serrait : c’était une foule. Alors, j’entendis que ces hommes n’étaient pas des Français. L’écho des vers qu’ils me renvoyaient était parfois défiguré, comme le son du violon dont une corde se relâche, parfois juste comme un diapason. La respiration de tous ces hommes s’approchait : je la sentais maintenant sur mon visage. Ils étaient cinquante peut-être.

Je leur dis : « Qui êtes-vous ? » La réponse me vint aussitôt, mais dans un désordre effrayant : les uns parlaient allemand, les autres russe, d’autres hongrois. Quelques-uns répétèrent simplement les derniers mots du dernier vers, en français. Ils se penchaient vers moi, gesticulaient se baissaient et se redressaient, frappaient leur poitrine de tout le bras, zézayaient, grommelaient se récriaient, en proie à une passion soudaine. J’étais abasourdi, et heureux, stupidement heureux. Mais je ne distinguais plus aucune parole, tant le vacarme, en quelques secondes, avait grandi. Loin de moi, derrière la cohue oscillante, des hommes hélaient les passants dans toutes les langues de l’Europe orientale Ne cherchant plus à comprendre ce qui arrivait, incapable d’éprouver autre chose que du bonheur, un bonheur rythmé à la façon d’un son musical, un bonheur de gorge et de souffle, je repris ma récitation. Il ne me restait en mémoire qu’un poème de Baudelaire : la Mort des amants. Je le donnai. Et des dizaines de voix ronflantes, grinçantes, croassantes, caressantes, répétèrent : « les Flammes mortes »."

J'eus de la peine à quitter cette foule, à lui échapper. Il me fallut jeter les bras en avant et sortir, pas à pas, tout en récitant. Je sais que c'est à peine croyable, mais, derrière moi, j'entendis des hommes qui pleuraient.

Mon camarade instituteur m'apprit que tous ces hommes portaient sur leur veste la lettre U, Ungar : c'était des Hongrois. « Mais qu'est-ce qui est arrivé ? Demandai-je.

  • Nous n'avons rien vu, dirent mes deux amis.

  • Ils sont sortis de tous les points de l'horizon à la fois, comme des mouches », ajouta l'acteur aux mains de fille.

Mais lui qui, d'ordinaire, ricanait à la fin de chaque phrase, cette fois il était grave et presque ému.

Je connus, les jours suivants, quelques-uns de ces Hongrois. J'appris que la plupart d'entre eux étaient juifs et attendaient un prochain transfert vers ce que les SS nommaient un « transport pour le ciel ». Tous savaient qu'ils mourraient bientôt. Je sus également qu'aucun d'eux ne parlait français, pas même un peu, mais que, entendant un homme réciter des vers, ils s'étaient jetés vers lui comme vers une nourriture. L'un d'eux, Alexander, put, après un mois, répéter sans faute la dernière strophe de La Mort des amants, enchaîner tous ces mots qui n'avaient pour lui aucun sens intelligible. Je demandai quel était son métier : il était journaliste à Miskolez, une petite ville au nord-est de Budapest.

[...]

Il était une chose que seule la terreur pouvait obtenir, c'était que ces centaines d'hommes bouillonnant au fond de la baraque fissent silence. Seule la terreur... et la poésie. Si quelqu'un récitait un poème, tous se taisaient, un à un, comme des braises s'éteignent. Une main tenait les hommes ensemble. Un manteau d'humanité les recouvrait.

J'apprenais que la poésie est un acte, une incantation, un baiser de paix, une médecine. J'apprenais que la poésie est une des rares, très rares choses au monde, qui puisse l'emporter sur le froid et sur la haine. On ne m'avait pas appris cela.

J'apprenais que la poésie est un acte, une incantation, un baiser de paix, une médecine. J'apprenais que la poésie est une des rares, très rares choses au monde, qui puisse l'emporter sur le froid et sur la haine. On ne m'avait pas appris cela.

Une médecine, ni plus ni moins. Un élément qui communiqué à l'organisme humain, modifiait en lui la circulation vitale, la rendait plus rapide ou plus lente. Bref, un élément dont la positivité était aussi concrète que celle d'un corps chimique. J'étais loin de m'en douter avant ces expériences.

Elève des livres, j'aimais la poésie comme j'aurais aimé un fantôme : pour son irréalité. Je croyais qu'elle était un art, un grand jeu, un luxe, et toujours un privilège. Quelle révélation !

Cependant, tous les poètes ne se valaient pas. Quelques-uns restaient à la porte : ils n'étaient pas reçus dans notre misère. Ceux-là, c'était toujours les poètes plaintifs.

Lamartine n'était pas pris au sérieux : il pleurait trop facilement, et il pleurait sur lui-même, ce que nous ne supportions pas alors. Vigny compliquait la vie à plaisir ; et puis il était trop solennel. Musset... Mais celui-là parvenait jusqu'à nous, malgré son terrifiant égoïsme, parce que, du moins, il possédait l'art du chant. C'était un acteur accompli, un cabotin de génie.

Hugo, lui, triomphait. Le moindre de ses vers agissait sur nous à la façon d'une poussée, d'un influx de sang. Ce diable d'homme, cet irrésistible vivant se mêlait de nos affaires dès qu'il prenait la parole. Il pouvait parler de Charles Quint, des attributs de la divinité, d'un bras glissé autour d'une jolie taille, il était toujours efficace. Il n'y avait aucun besoin, pour nous, de le comprendre, ni même de l'écouter exactement, d'écouter ses paroles : il suffisait de se laisser faire. La vie, dans ses vers, gonflait le torse, brandissait le poing, jetait des flammes et galopait. C'était aussitôt une coulée de vin frais dans nos gorges, puis l'ivresse, la bienfaisante ivresse qui comble les vides de l'existence, fait vivre une deuxième fois, par-dessus la pauvreté et la douleur. Nous l'aimions, Victor Hugo : c'était une bonne rencontre.

Baudelaire aussi travaillait bien. Mais lui, c'était comme à force de ruse : il avait le talent – si rare après tout – de dénicher au fond des trous les plus noirs la petite étincelle de lumière et de la faire éclater à nos yeux. Il donnait du prix aux embarras, aux effondrements de nos corps. Il reliait la terre au ciel, le réel et l'impossible, avec une adresse qui nous donnait du courage. C'était donc permis ! Nous allions le faire, nous aussi. Nous allions respirer dans la cigarette volée, dans la méchante pipe d'herbe sèche, tous les paradis perdus ! Il le faisait bien lui !

Mais les vrais gagnants, les toniques, ceux qui agissaient à la façon de l'alcool, massivement, c'étaient les chanteurs. J'en trouvais dans le Moyen Age. Puis venait Villon, Ronsard, Verlaine, Apollinaire, Aragon. Ceux-là déplaçaient tous les obstacles. Ils parlaient distinctement depuis un autre lieu que la terre. Ou plutôt, c'était leur pas, le rythme de leur marche, qui n'avait plus rien de commun avec notre façon à nous de ramper. Ils passaient en volant et nous posaient sur leurs ailes.

Puis-je rappeler que ce ne sont pas là façons de parler, que c'étaient pour nous des sensations, que la poésie était tout entière vécue par nous, et non estimée ? Nous ne disions pas : « C'est beau », expression qui n'a de sens que pour les heureux, les repus. Nous disions : « Tu sens comme cela fait du bien ! »

J'entends des sceptiques gronder : « Il ne nous fera pas croire qu'ils se nourrissaient de poésie. » Certes non : nous nous nourrissions de soupe à l'eau et d'un pain amer. Et d'espérance. Que les sceptiques ne l'oublient pas ! Or, c'était justement avec l'espérance que la poésie avait affaire. Et il m'a fallu traverser ces circonstances épaisses, matérielles, étroitement physiques – jusqu'à la suffocation-, pour savoir combien sont denses et tangibles ces choses sans poids qu'on nomme espoir, poésie, vie.

Le petit ouvrier de Lens que je consolais, que je nourrissais du seul bien qui me restât ce jour-là, un poème d'Eluard, n'a jamais repoussé ce morceau que je lui tendais. Jamais il ne l'a appelé « monnaie de singe ». Pour lui, cela existait fortement : c'était une chance à courir, une planche à saisir. Cela faisait poids dans la gorge, cela tirait, d'un grand coup, vers l'avenir.

[...]

 

Je me jetai dans une campagne de poésie.

Au milieu du bloc, au milieu du jour, je montais sur un banc accoté à la carcasse des lits. Je restais là, debout, et je récitais des poèmes. J'étais le chanteur du carrefour, et les passants s'arrêtaient. Ils se serraient autour de moi. Bientôt, des voix répondaient à la mienne. Je les sentais tous si près de mon corps que je percevais le va-et-vient de leurs souffles, la détente de leurs muscles. Pour quelques minutes, un harmonie était faite, et presque un bonheur.

Le malheur, je le voyais alors, vient à chacun de nous parce qu'il se croit le centre du monde, parce qu'il a la conviction misérable de souffrir seul à ce point d'intensité qu'il ne supporte plus. Le malheur, c'est toujours de se sentir prisonnier dans sa peau individuelle, dans son crâne individuel. Pour quelques instants, rien de semblable : les poètes, les grands poètes, parlaient de l'universel, parlaient d'un monde où toutes les parties échangent force et faiblesse, l'enfance et la décrépitude.

Simone, la Simone de Maurice, n'était plus à Saint-Etienne et là seulement à jamais. Ces hommes et moi, nous n'étions plus à Buchenwald, et là seulement à jamais. Comme cela les aidait à vivre !

Les livres étaient rares. On s'en doute. Quelques-uns parvenaient, enroulés dans des ballots de nourriture, écrasés tout au centre d'un stère de bois. Des livres circulaient mutilés. Et c'est ainsi qu'un matin le texte grec du premier chant de L'Iliade et sa traduction allemande enveloppèrent de gros rouleaux spongieux de saucisson synthétique.

Je décidai la mobilisation des mémoires. Je faisais réciter à chacun les vers qu'il savait. Pièce à pièce, je reconstituais des poèmes. Je découvrais qu'il y a dans la tête des hommes des gisements de poèsie et de musique que personne, dans la vie ordinaire, ne s'avise jamais d'exploiter.

Boris – celui qui chantait Péguy dans les lavabos -, me dit un jour : « Mon enfant, mon enfant (il s'adressait ainsi à tous ceux qu'il aimait) ! Mon grand ! Je te prie, fais le compte de ce qui n'est pas à toi. Ta main est à toi, ton corps est à toi, tes idées sont à toi. C'est une bien grande misère ! Mais la poésie, ce n'est pas à toi. Ni à moi ni à aucun d'entre eux. Aussi, ils en vivent. Ne parlons plus du reste, veux-tu ? Seulement la poésie, et l'amour. »

C'est un peu parce que j'ai fait cette expérience que je dis, et dirai sans me lasser : « L'homme se nourrit de l'invisible. Il se nourrit de l'impersonnel. Il meurt pour avoir préféré leurs contraires. »..."


Jacques Lusseyran - Le monde commence aujourd'hui



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