Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°648 (2018-48)

mardi 11 décembre 2018

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
explications sur le nom de cette lettre : [ici] ou [ici]
Si cette page ne s'affiche pas correctement, cliquez [ici]


 
Leopold Mozart - Sinfonia da Caccia

Pour regarder et écouter,
cliquez sur la flèche au centre de l'image...



ou cliquez [ici]



Végétation et Paysages

Automne
dans les

Hautes-Pyrénées
novembre 2018



Feuilles de Châtaignier




Feuilles de d'Erable champêtre


Grange

Feuilles de Figuier

Lierre

Gui
<image recadrée>

Fougère Aigle

Chêne

Bourdaine

Saule

Toiles

Pissenlit





Ronce


Crocus uniflore

Dans la Châtaigneraie

Grange

Campanule étalée

Hêtre

Palmier

Coucher de soleil

Chêne

Astugue (Hautes-Pyrénées)

Châtaigneraie

Lever de lune

Sous la pluie

Les Paillassas, sous la pluie

Pour voir le hameau, sous le soleil

cliquez

 [ici]

Ronce sous la pluie



Suggestion de lecture :

"Au bout du petit matin...

Va-t'en, lui disais-je, gueule de flic, gueule de vache, va-t'en je déteste les larbins de l'ordre et les hannetons de l'espérance. Va-t'en mauvais gris-gris, punaise de moinillon. Puis je me tournais vers des paradis pour lui et les siens perdus, plus calme que la face d'une femme qui ment, et là, bercé par les effluves d'une pensée jamais lasse je nourrissais le vent, je délaçais les monstres et j'entendais monter de l'autre côté du désastre, un fleuve de tourterelles et de trèfles de la savane que je porte toujours dans mes profondeurs à hauteur inverse du vingtième étage des maisons les plus insolentes et par précaution contre la force putréfiante des ambiances crépusculaires, arpentée nuit et jour d'un sacré soleil vénérien.

Au bout du petit matin bourgeonnant d’anses frêles les Antilles qui ont faim, les Antilles grêlées de petite vérole, les Antilles dynamitées d’alcool, échouées dans la boue de cette baie, dans la poussière de cette ville sinistrement échouées.

Au bout du petit matin, l’extrême, trompeuse désolée eschare sur la blessure des eaux ; les martyrs qui ne témoignent pas ; les fleurs de sang qui se fanent et s ‘éparpillent dans le vent inutile comme des cris de perroquets babillards ; une vieille vie menteusement souriante, ses lèvres ouvertes d’angoisses désaffectées ; une vieille misère pourrissant sous le soleil, silencieusement ; un vieux silence crevant de pustules tièdes,

l’affreuse inanité de notre raison d’être.


Au bout du petit matin, sur cette plus fragile épaisseur de terre que dépasse de façon humiliante son grandiose avenir – les volcans éclateront, l’eau nue emportera les taches mûres du soleil et il ne restera plus qu’un bouillonnement tiède picoré d’oiseaux marins – la plage des songes et l’insensé réveil.

[...]

Et je me dis Bordeaux et Nantes et Liverpool et New York et San Francisco

pas un bout de ce monde qui ne porte mon empreinte digitale

et mon calcanéum sur le dos des gratte-ciel et ma crasse

dans le scintillement des gemmes !

Qui peut se vanter d’avoir mieux que moi ?

Virginie, Tennessee, Géorgie, Alabama

Putréfactions monstrueuses de révoltes

inopérantes

Marais de sang putrides

trompettes absurdement bouchées

Terres rouges, terres sanguines, terres consanguines.

Ce qui est à moi aussi : une petite cellule dans le Jura

une petite cellule, la neige la double de barreaux blancs

la neige est un geôlier blanc qui monte la garde devant une prison

Ce qui est à moi

c’est un homme seul emprisonné de blanc

c’est un homme seul qui défie les cris blancs de la mort blanche

(TOUSSAINT, TOUSSAINT LOUVERTURE)

c’est un homme seul qui fascine l’épervier blanc de la mort blanche

c’est un homme seul dans la mer inféconde de sable blanc

c’est un moricaud vieux dressé contre les eaux du ciel

La mort décrit un cercle brillant au-dessus de cet homme

la mort étoile doucement au-dessus de sa tête

la mort souffle, folle, dans la cannaie mûre de ses bras

la mort galope dans la prison comme un cheval blanc

la mort luit dans l’ombre comme des yeux de chat

la mort hoquette comme l’eau sous les Cayes

la mort est un oiseau blessé

la mort décroît

la mort vacille

la mort est un patyura ombrageux

la mort expire dans une blanche mare de silence.

[...]

Eia pour le Kaïlcédrat royal !

Eia pour ceux qui n'ont jamais rien inventé

pour ceux qui n'ont jamais rien exploré

pour ceux qui n'ont jamais rien dompté

mais ils s'abandonnent, saisis, à l'essence de toute chose

ignorants des surfaces mais saisis par le mouvement de toute chose

insoucieux de dompter, mais jouant le jeu du monde

véritablement les fils aînés du monde

poreux à tous les souffles du monde

aire fraternelle de tous les souffles du monde

lit sans drain de toutes les eaux du monde

étincelle du feu sacré du monde

chair de la chair du monde palpitant du mouvement même du monde !

Tiède petit matin de vertus ancestrales

Sang ! Sang ! tout notre sang ému par le coeur mâle du soleil

ceux qui savent la féminité de la lune au corps d'huile

l'exaltation réconciliée de l'antilope et de l'étoile

ceux dont la survie chemine en la germination de l'herbe !

Eia parfait cercle du monde et close concordance !

Écoutez le monde blanc

horriblement las de son effort immense

ses articulations rebelles craquer sous les étoiles dures

ses raideurs d'acier bleu transperçant la chair mystique

écoute ses victoires proditoires trompeter ses défaites

écoute aux alibis grandioses son piètre trébuchement

Pitié pour nos vainqueurs omniscients et naïfs !

Eia pour ceux qui n'ont jamais rien inventé

pour ceux qui n'ont jamais rien exploré

pour ceux qui n'ont jamais rien dompté

Eia pour la joie

Eia pour l’amour

Eia pour la douleur aux pis de larmes réincarnées.

[...]

Je dis hurrah ! La vieille négritude

progressivement se cadavérise

l'horizon se défait, recule et s'élargit

et voici parmi des déchirements de nuages la fulgurance d'un signe

le négrier craque de toute part ... Son ventre se convulse et résonne... L'affreux ténia de sa cargaison ronge les boyaux fétides de l'étrange nourrisson des mers !

Et ni l'allégresse des voiles gonflées comme une poche de doublons rebondie, ni des tours joués à la sottise dangereuse des frégates policières ne l'empêchent d'entendre la menace de

ses grondements intestins

En vain pour s'en distraire le capitaine prend à sa grand' vergue le Nègre le plus braillard ou le jette à la mer, ou le livre à l'appétit de ses molosses

La négraille aux senteurs d'oignon frit retrouve dans son sang répandu le goût amer de la liberté

Et elle est debout la négraille

la négraille assise inattendument debout debout dans la cale debout dans les cabines debout sur le pont debout dans le vent debout sous le soleil debout dans le sang

debout

et libre

debout et non point pauvre folle dans sa liberté et son dénue-

ment maritimes girant en la dérive parfaite et la voici : plus inattendument debout debout dans les cordages debout à la barre debout à la boussole debout à la carte debout sous les étoiles

debout

et

libre

et le navire lustral s'avancer impavide sur les eaux écroulées..."

Aimé CESAIRE - Cahier d'un retour au pays natal



Voir la liste des anciens numéros du"Trochiscanthe nodiflore" (les archives) : cliquez [ici]

Site internet : Rencontres sauvages

Me contacter : pascal@pascal-marguet.com

Calendrier 2018 : Pour le télécharger directement au format pdf (1400 ko), cliquez [ici]

 

Pour vous désinscrire, vous pouvez m'envoyer un e-mail (en répondant à ce message) avec pour objet "désinscription",

ou en cliquant

[ici]

Rejoignez-moi sur "FaceBook" en cliquant sur le lien suivant :

[http://www.facebook.com/marguet.pascal]