Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°626 (2018-26)

mardi 26 juin 2018

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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G Fauré - Cantique de Jean Racine Op 11

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Rougequeue noir
portraits et attitudes
Courvières (Haut-Doubs)
mai  2018



Rougequeue noir mâle
Courvières (Haut-Doubs)
mardi 1er mai 2018


Rougequeue noir mâle (chantant)
Courvières (Haut-Doubs)
mardi 1er mai 2018

Rougequeue noir mâle
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 5 mai 2018


Dans le Pommier de mon jardin
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 5 mai 2018

<image recadrée>

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 5 mai 2018

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 5 mai 2018

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 6 mai 2018

Courvières (Haut-Doubs)
lundi 7 mai 2018

Toilette
Courvières (Haut-Doubs)

lundi 7 mai 2018

Etirement
Courvières (Haut-Doubs)

lundi 7 mai 2018


Dans l'herbe
Courvières (Haut-Doubs)

lundi 7 mai 2018

de dos...
Courvières (Haut-Doubs)

lundi 7 mai 2018



Tout près !
Courvières (Haut-Doubs)

lundi 7 mai 2018

<image recadrée>

Toilette dans le Pommier
Courvières (Haut-Doubs)

lundi 7 mai 2018

Toilette sous l'aile
Courvières (Haut-Doubs)

lundi 7 mai 2018

Courvières (Haut-Doubs)
lundi 7 mai 2018
<image recadrée>

Courvières (Haut-Doubs)
mardi 8 mai 2018

Rougequeue noir femelle
Courvières (Haut-Doubs)

mardi 8 mai 2018

Envol
Courvières (Haut-Doubs)

mardi 8 mai 2018
<image recadrée>

Femelle
Courvières (Haut-Doubs)

mardi 8 mai 2018

Sur le manche de mon rateau...
(j'ai dû faire une pause dans mes travaux de jardin !)
Courvières (Haut-Doubs)

mardi 8 mai 2018

<image recadrée>

Courvières (Haut-Doubs)
mardi 8 mai 2018

ça gratte !
Courvières (Haut-Doubs)

mardi 8 mai 2018

Courvières (Haut-Doubs)
mardi 8 mai 2018

Sur mon tas de compost
Courvières (Haut-Doubs)

mercredi 9 mai 2018

Sur le manche de ma bêche
Courvières (Haut-Doubs)

mercredi 9 mai 2018

Courvières (Haut-Doubs)
mercredi 9 mai 2018

Au bord de mon jardin potager
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 19 mai 2018

<image recadrée>

Au menu : une araignée
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 19 mai 2018
<image recadrée>

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 19 mai 2018

Portrait d'un mâle
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 20 mai 2018
<image recadrée>

Sur le manche de ma bêche
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 20 mai 2018

<image recadrée>

Au menu : une Tipule
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 20 mai 2018
<image recadrée>

<image recadrée>

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 20 mai 2018

Courvières (Haut-Doubs)
lundi 21 mai 2018

Courvières (Haut-Doubs)
lundi 21 mai 2018

Courvières (Haut-Doubs)
lundi 21 mai 2018


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(2018 - 19)


Le retour des Rougequeues noirs - Courvières (Haut-Doubs) - avril 2018

Texte :  Nous sommes au regret de... - Dino Buzzati

Musique :  JS Bach - Cantate BWV 166

mardi 8
mai
2018



Suggestion de lecture :

"Bâtons rompus

J'ai planté des arbres. Cela ne semble rien ; c'est tout un art de vivre. Il s'agissait pour moi de transformer un jardin potager que je venais d'acquérir en bosquet pour le régal des yeux et des sens en général. J'ai planté il y a six ans dix-huit peupliers qui ont maintenant dix à quinze mètres de haut, puis, plus récemment, des trembles et des bouleaux. Le feuillage des peupliers fait dans le vent le bruit de la pluie, celui des trembles se renverse et luit comme l'argent, j'aime le tronc des bouleaux couverts de leur écorce semblable à la peau d'un cheval. Je me demande combien il y a de planteurs d'arbre parmi les constructeurs de fusées ou, plus vulgairement, parmi les familiers des lignes d'avion. Je vois la jeunesse faire la queue pour prendre son ticket d'autobus pour la lune ; qui sait encore apprécier un arbre ? On me vantait l'intelligence d'un petit garçon de trois ans : il connaissait (et c'était vrai) toutes les marques d'autos, il était même arrivé à les nommer au bruit du moteur. J'ai voulu lui demander s'il connaissait quelques noms d'arbres. Sa mère m'a trouvé original, je crois même qu'elle m'a appelé poète – et c'était un peu méprisant – en tout cas elle m'en a voulu. Je ne suis pas pour une chose plutôt que l'autre. J'avais simplement l'intention de dire qu'il y a sûrement une plus grande volupté à distinguer les arbres par le bruit que leurs feuilles font dans le vent. Mais fait-on encore la différence entre un beau bruit et un bruit laid ? Oh, d'ailleurs, ce que je trouve laid, d'autres le trouvent beau. J'avais un ami pour qui aucune musique n'était plus belle que le bruit d'un moteur tournant bien rond. Certains se parfumeraient à l'essence de pétrole : ce qu'au début du XIXè siècle les premiers foreurs de puits d'Amérique appelaient l'odeur infecte. Depuis, elle s'est symbolisée ; elle évoque le voyage, le déplacement, la vitesse. L'arbre, évidemment, c'est le contraire : c'est la lenteur, l'enracinement et le « sur place ». Il faut choisir. Des Américains voulaient que je connaisse l'Espagne, c'était pour une affaire de cinéma. Ils me dirent de prendre l'avion et d'aller les rejoindre à Madrid, d'où on prendrait l'avion pour Séville. « Vous voulez que je connaisse l'Espagne et que, pour la connaître, je prenne l'avion, qui est précisément le meilleur moyen de ne pas la connaître. Si j'étais encore jeune, j'irais à pied ou à bicyclette. Je ne suis plus jeune, j'irai en chemin de fer. » Ils me répondirent que je ne connaissais pas les trains espagnols ! C'est bien pour ça que je voulais les connaître. Je pris mon train, et, en débarquant à Séville, j'en savais plus qu'eux qui étaient là depuis six mois. La vitesse vous fait vivre dans le superficiel ; bien étendu, la fameuse formule : E=MC2 est du superficiel parfait. Il y a un passe de l'histoire chinoise que j'aime beaucoup. C'est un petit morceau de chronique dans la dynastie des Yin. Je ne résiste pas au plaisir d'en recopier trois lignes : « Son fils Ming prit le pouvoir ; il mourut. Son fils Tcheng prit le pouvoir ; il mourut. Son fils Weï prit le pouvoir ; il mourut », et ainsi de suite pendant deux pages. Entre la prise du pouvoir par ces empereurs et leur mort, il n'y a qu'un point et virgule. C'est la vitesse pure, l'économie de moyens d'expression parfaite. Ming, Tcheng et Weï ont vécu respectivement cent, quatre-vingts et quatre-vingt-douze ans. C'est plus fort qu'Enstein. Ce point et virgule est tout à fait dépourvu de fatuité. Vous me direz qu'il n'explique rien. Peut-être, mais il constate ; et après qu'il a été employé, je sais qui je suis, ce qu'est le monde, ce qu'on y a fait, ce qu'on y fait, ce qu'on y fera, et l'avenir le plus lointain de la planète. C'est pourquoi je plante un arbre, ou bien dix-huit, puis quelques trembles et des bouleaux, et que j'en profite. Mes Américains furent finalement bien obligés de monter sur un âne pour aller de Palos au monastère de La Rabida (où était notre affaire). Chemin faisant, ils poussèrent des cris : ils assistaient à un spectacle extraordinaire, celui des champs. Ils apprenaient à dire bonjour aux paysans qui rentraient au village. Ils furent très intéressés par un vieux marin de l'estuaire de l'Odiel qui vendait des anguilles séchées. C'est ce qu'on ne voit pas d'avion. Mes amis qui emploient ce moyen de transport me vantent souvent les spectacles aériens : châteaux de nuages, îles sur la mer, etc. Sur terre, on a l'homme ; si on sait le regarder, il a ses châteaux de nuages, ses îles sur la mer, etc. Et enfin je trouve qu'aller dans la lune, ou dans Vénus, ou dans Mars, et même au-delà, c'est vraiment trop facile. Pour des hommes. Pour des enfants, je ne dis pas que ce super-scoutisme n'ait pas de l'attrait, mais pour des hommes ! Il y a déjà tous les problèmes de l'illusion et de la désillution dans lesquels il faut se dépêtrer, et enfin les nécessités de l'existence. J'entends, non pas le bifteck, mais le « je suis ce que je suis » des vieilles tragédies espagnoles. Voilà un travail d'homme. A tel point que les gouvernements autoritaires, pour assurer leur autorité, préfèrent tirer les regards de leur population vers la lune. On ne gouverne bien que des enfants. Sommes-nous loin de mes arbres ? A deux pas. Où que j'aille (car parfois, moi aussi, je déambule), ce qui m'intéresse, c'est la halte. A un point que je l'introduis dans la déambulation elle-même, la faisant la plus lente qu'il soit possible. Il me faut constamment le temps de planter des arbres, de les voir croître et embellir, de profiter du bruit que fait la pluie ou le vent, ou le soleil dans leur feuillage. C'est cinq minutes ici ou là, ou une heure, ou un jour, parfois des mois et des années (avant d'arriver à ce que le commun appelle : le but), le temps de voir ce qui se passe autour de moi et de comprendre pourquoi cela se passe. A ce compte, la terre est grande, et si l'on prétend devant moi que nos moyens mécaniques l'ont rapetissée, je réponds que mon art de vivre développe les proportions du monde qui m'est proposé bien au-delà des sauts de puce de tous les appareils des compagnies aériennes les plus modernes, et même des fusées. Cette histoire de lenteur et de vitesse va, si l'on veut, assez loin, en tout cas jusqu'en des domaines où les joies de l'amour sont en cause. Je suis toujours frappé par le désespoir actuel de la jeunesse. Non, il n'est pas fonction de l'avenir bouché, de la bombe atomique ou du régime social quel qu'il soit ; la vraie jeunesse se fiche de toute cette pacotille. Je sais aussi que de tout temps les héros ont été jeunes, la mort les attirant comme le miel la guêpe. Aujourd'hui il ne s'agit plus de ces naturelles gourmandises ; on ne se précipite plus vers la mort, on s'y soumet ; c'est qu'il n'y a plus de vraie jeunesse. Celle-ci veut aller vite ; aller vite, c'est vieillir. Les voilà centenaires avant d'avoir aimé. Ils prétendent le faire quand même. De là ces répugnants combats d'impuissance, ces convulsions. Hé, que la lenteur a de charmes en ces parages ! S'il est un endroit où il faut plus de force pour être lent que pour être rapide, c'est bien là. Qu'ils emploient leur orgueil dans cette direction, ils seront payés par des bonheurs qui les attendriront. Mais il faudrait d'abord qu'ils trouvent en eux-mêmes la force de n'être pas communs. Et ce n'est pas facile (cette difficulté les attirerait s'ils étaient vraiment jeunes), tout les pousse au contraire : la politique, les sports, les loisirs populaires, le peuple qu'on a divinisé quand c'est l'individu qui compte seul. Regarder autour de soi avec des yeux clairs, c'est voir la victoire de l'individu et la soumission des masses, de quelque côté qu'on se tourne. Dès qu'on ne fait plus son bonheur soi-même, on est perdu ; qu'un « présidium » en soit chargé à votre place et avec votre consentement, tous les désespoirs sont permis. Il semble donc que je fasse campagne pour une sorte d'aristocratie ; et pourquoi pas ?

Quand il s'agit d'amour et de bonheur, c'est bien aristocrate qu'il faut être. La peur des mots fait plus de mal que la peur des coups. Etre plus peuple que moi est difficile : mon père était cordonnier, ma mère repasseuse, et j'ai commencé à gagner ma vie à quinze ans. Je lisais il y a quelque temps le récit que Jean Guéhenno a fait de sa jeunesse. On s'y débat dans le social le plus noir. Son père était cordonnier : il en fait un damné de la terre. Le mien aussi était cordonnier, et à la même époque, notre maison était la maison de la joie, mais il faut dire que le « social » n'y a jamais mis les pieds. On y faisait très attention : s'il essayait, on le foutait à la porte. Mon père gagnait dix-huit francs par semaine, ma mère douze francs, et quand j'ai commencé à travailler, je gagnais quatre francs par semaine. Nous n'avons jamais été aussi heureux : nous nous occupions personnellement de notre bonheur, nous ne chargions pas le syndicat de le faire à notre place. Il faut dire à la décharge de Guéhenno que son père travaillait en usine, était un prolétaire ; le mien était un artisan, il travaillait à son compte, il était fier de son métier qu'il exerçait dans toutes ses finesses, à son aise ; il en jouissait. Un aristocrate. Allons, allons, je connais ou j'ai connu personnellement la plupart de ceux qui font métier politique de pousser à la masse. Ce sont des gens fortement individualisés, et qui préfèrent hacher, ou se faire hacher comme chair à pâtée plutôt que d'abandonner une once de cette individualité. Ils amassent tout le monde sauf eux-mêmes ; ils se commandent, ils ne sont que les apôtres d'une nouvelle hiérarchie dans laquelle ils ont pris soin de marquer leur place au sommet. Voilà le social. Que voulez-vous qu'il fasse pour votre bonheur ? Alors que votre matière à jouir est si délicate et si subtile, voyez-le préparer ce gros bonheur commun à bas de football, de stades et de piscines. Qu'ai-je à faire dans cette galère ? Moi, c'est peut-être une ombre, un feuillage, le silence, la solitude qui me rendront heureux. Mais on ne tardera pas à faire une loi qui déclarera criminel l'individu qui fera son chemin avec les moyens de son bord. Le temps n'est pas loin où une loi sera faite pour interdire de planter les arbres qu'on désire. Déjà, quand j'ai transformé le petit jardin potager en bosquet, on a trouvé plus que bizarre le fait de planter des peupliers, des trembles, des bouleaux. « Ces arbres ne produisent rien », me disait-on. Ils produisent de l'ombre, et des bruits lyriques, et une belle architecture de feuillages, mais on entendait dire qu'ils ne produisent rien de ce qui se vend. A ne produire que ce qui se vend, on finit par trouver tout naturel de se vendre soi-même. Adieu la grandeur à laquelle on fait tant appel. On ne m'a pas forcé à rentrer dans le rang, c'est-à-dire dans le commun, parce que mon carré de terre était minuscule, mais s'il me prenait fantaisie demain de reconstituer une forêt sur des dizaines d'hectares, je suis sûr qu'on mobiliserait les gendarmes. Or, c'est mon droit, et au surplus rien n'est plus logique et moins égoïste. La forêt est un régulateur de climat et d'atmosphère qui profitera àtout le monde ; sa beauté peut servir à quiconque y est sensible, gratuitement. Mais parions qu'on viendra me dire que je gaspille de la bonne terre. Alors qu'on me respectera, au contraire, si j'installe sur cette même bonne terre les bâtiments d'une usine, ou simplement un de ces cimetières à ferraille si horribles. On a perdu le sens des choses.

Garcilaso de La Vega, dans son Histoire des guerres civiles des Espagnols dans les Indes, raconte l'aventure de quelques conquistadores, compagnons d'Alphonse d'Alvarado, partis dans les Andes à la recherche des émeraudes. Ils souffrent mille morts, sont attaqués de flèches, de fièvres, de venins, d'avalanches, d'orages, de terreurs paniques, d'égoïsme, d'assassinats et de suicides. Quatre survivants finissent par atteindre une haute vallée et un éboulis constellé d'émeraudes grosses comme des noix. Mais, pour reconnaître les émeraudes des autres pierres de couleur, ils n'ont qu'un critère : on leur a dit que l'émeraude résistait aux coups de marteau (ce qui est faux), et ils se mettent à écrabouiller à coups de marteau les richesses qu'ils ont pris tant de peine à atteindre.

Oserai-je dire que nous voilà peints sur le vif ? Malgré toutes nos fusées, matérielles et métaphysiques, j'ai peur que pour les sages futurs, nous ne méritions même pas le point et virgule du chroniqueur chinois."

2 août 1962


Jean GIONO - Les terrasses de l'île d'Elbe



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