Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°616 (2018-16)

mardi 17 avril 2018

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Anton Bruckner - Neuvième Symphonie

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Moineaux domestiques
autour du Pommier
de mon jardin
Courvières (Haut-Doubs)
mars 2018



Mâle
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 3 mars 2018




Portrait



Dans la neige
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 3 mars 2018

<image recadrée>

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 4 mars 2018

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 11 mars 2018

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 11 mars 2018
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Femelle
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 11 mars 2018

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Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 11 mars 2018





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Courvières (Haut-Doubs)
samedi 24 mars 2018

Dans l'herbe
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 24 mars 2018

Mâle
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 24 mars 2018
<image recadrée>

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Courvières (Haut-Doubs)
samedi 24 mars 2018

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 24 mars 2018

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Sur un piquet, dans l'ombre
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 25 mars 2018

Femelle et Mâle
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 25 mars 2018

En vol, sur place...
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 31 mars 2018

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 31 mars 2018
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Suggestion de lecture :

"COMMENT NE PAS DECIDER


Durant les jours qui suivirent, l'armée allemande s'adonna à des manoeuvres d'intimidation. Hitler avait demandé à ses meilleurs généraux de simuler les préparatifs d'une invasion. Voilà qui est extraordinaire, on a certes déjà connu toutes sortes de feintes, au long de l'histoire militaire, mais celle-là est d'une autre nature. Il ne s'agit pas d'un volet de la stratégie ou de la tactique, non, personne n'est encore en guerre. C'est une simple manoeuvre psychologique, une menace. Il est surprenant d'imaginer les généraux allemands se prêter à une offensive de théâtre. On a dû faire ronfler les moteurs, vrombir les hélices, et puis, goguenards, envoyer tourner les camions à vide près de la frontière.

A Vienne, dans le bureau du président Miklas, la peur monte. Les manoeuvres font leur effet. Le gouvernement autrichien imagine que les Allemands se préparent bel et bien à les envahir. On envisage alors toutes sortes de folies. On croit pouvoir apaiser Hitler en lui faisant don de sa ville natale, Braunau-sur-Inn, avec ses dix mille habitants, sa fontaine des Pêcheurs, son hôpital, ses brasseries. Oui, qu'on lui donne sa ville natale, sa maison natale, avec ses jolies impostes en forme de coquillage. Qu'on lui donne un morceau de ses souvenirs et qu'il nous fiche la paix ! Schuschnigg ne sait plus quoi inventer pour garder son petit trône. Craignant l'imminence de l'agression allemande, il supplie Miklas d'accepter l'accord et de nommer Seyss-Inquart ministre de l'Intérieur. Ce n'est pas un monstre Seyss-Inqart, rassure Schuschnigg, c'est un nazi modéré, un véritable patriote. Et puis, après tout, on resterait entre gens de bonne famille ; car Seyss-Inquart, le nazi, et Schuschnigg, le petit dictateur qu'Hitler tyrannise, sont presque des amis. Ils ont fait des études de droit, tous les deux, ils ont feuilleté les Institutes de Justinien, rédigé, l'un une petite note érudite sur les choses sans maître, mystérieux objet juridique hérité des Romains, l'autre un exposé remarqué sur je ne sais quel point contesté de droit canon. Et puis ils aimes la musique, follement. Ce sont des admirateurs de Brukner, et, ensemble, ils évoquent parfois son langage musical, dans les bureaux de la chancellerie, là où s'est déroulé le congrès de Vienne, le long des couloirs où Talleyrand traîna ses brodequins pointus et sa langue de vipère. Schuschnigg et Seyss-Inquart parlent de Bruckner dans l'ombre de Metternich, cet autre spécialiste de la paix ; ils parlent de la vie d'Anton Bruckner, de sa vie de piété et de modestie. A ces mots, les lunettes de Schuschnigg s'embuent, sa voix s'enroue. Il pense peut-être à sa première épouse, au terrible accident de voiture, aux années de remords et de tristesse. Seyss-Inquart relève ses petites lunettes de scarabée et rumine de longues phrases en rasant les fenêtres du hall. Il chuchote, avec une certaine émotion, que Bruckner a été – le malheureux – interné, pendant trois mois ; Schuschnigg baisse alors la tête ; et Seyss-Inquart, songeur, avec au front je ne sais quel battement de veine, raconte qu'Anton Bruckner, durant ses longues, très longues et monotones promenades, comptait les feuilles des arbres, que dans une sorte d'acharnement secret et stérile, il passait d'un arbre à l'autre et voyait avec angoisse croître le nombre qui le tourmentait. Mais il dénombrait aussi les pavés, les fenêtres des immeubles, et lorsqu'il causait avec une dame, il ne pouvait s'empêcher de compter rapidement les perles de son collier. Il comptait les poils de son chien, les cheveux des passants, les nuages dans le ciel. On qualifia cela de névrose obsessionnelle ; c'était une sorte de feu qui le consumait. Ainsi, ajoute Seyss-Inquart, en fixant les lustres du grand hall, Bruckner isolait ses thèmes musicaux par des ricanements de silence. Et il semblerait même que ses symphonies procèdent d'un agencement savant, une succession régulière de thèmes. On y trouve, murmure Seyss-Inquart en laissant traîner sa main sur la rampe du grand escalier, des particularités d'enchaînement obéissant à un soubassement logique si ferme, si implacable, qu'il lui fut presque impossible d'achever sa Neuvième Symphonie. Il dut abandonner son dernier mouvement pendant deux ans ; et son travail incessant de correction a parfois laissé derrière lui jusqu'à dix-sept versions d'un même passage.

Schuschnigg devait être fasciné par ce délirant système fait d'hésitations et de repentirs. C'est pourquoi peut-être Seyss-Inquart et lui aimaient par-dessus tout deviser – comme un témoignage nous le rapporte – de la Neuvième Symphonie de Bruckner, avec ses cuivres grandioses, son silence effarant, puis le souffle de la clarinette, et ce moment où les violons, lentement, crachent leurs petites étoiles de sang. Puis ils évoquaient souvent Furtwängler, son front très haut, son air très doux de musicien, et cette petite baguette qu'il tient comme une brindille. Et enfin ils en venaient à Nikisch ; et à travers Arthur Nikisch, qui a joué Beethoven sous la direction de Richard Wagner, à travers la battue très simple d'Arthur Nikisch, mais capable de développer dans l'orchestre les sons les plus riches, comme s'il allait d'un geste minuscule et souverain libérer les entrailles de l'oeuvre elle-même des caractères d'encre de la partition, à travers Nikisch, qui fut dirigé par Liszt, dont l'un des maîtres fut Salieri, la providence leur tendait Beethoven, Mozart et, tout au bout de leur délire, ils devinaient Haydn, touchant ainsi à la plus froide misère. Car Haydn, bien avant d'être l'inépuisable compositeur d'opéras, de symphonies, de messes, d'oratorios, de concertos, de marches et de danses que nous connaissons, fut un pauvre fils de charron et de cuisinière, un misérable vagabond sur le pavé de Vienne, dont on louait alors les services à l'occasion des enterrements et des mariages. Mais cette misère-là n'est pas du ressort de Schuschnigg et de Seyss-Inquart, non, ils préfèrent suivre un autre embranchement et parcourir, avec Liszt, les salons de la belle Europe..."


Eric Vuillard - L'ordre du jour



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