Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°614 (2018-14)

mardi 3 avril 2018

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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GF Handel - La Résurrection HWV 47

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Au bord de l'eau
La Rivière-Drugeon et
Entonnoir de Bouverans (Haut-Doubs)
février et mars 2018



Foulque macroule
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 24 février 2018


Glace
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 24 février 2018

Cormoran, Aigrette et Colvert...
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 24 février 2018


La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 24 février 2018

Grande Aigrette
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 24 février 2018

Héron cendré
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 25 février 2018

Cane colvert
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 25 février 2018

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 25 février 2018

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 25 février 2018

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 4 mars 2018

Toilette
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 4 mars 2018

Envol
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 4 mars 2018

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 4 mars 2018





Foulque macroule
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 4 mars 2018



Narcisse
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 4 mars 2018

Portrait
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 4 mars 2018
<image recadrée>

Baîllement
<image recadrée>

<image recadrée>

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 4 mars 2018

Couple
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 4 mars 2018

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 4 mars 2018

Cygne tuberculé en vol
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

samedi 31 mars 2018

Sur le ponton
Entonnoir de Bouverans (Haut-Doubs)

samedi 31 mars 2018

Entonnoir de Bouverans (Haut-Doubs)
samedi 31 mars 2018




Suggestion de lecture :

"

I

 Les deux jeunes gens tuaient le temps dans la gare centrale de Rome.

 – À quelle heure arrive son train ? demanda Néron.

 – Dans une heure vingt, dit Tibère.

 – Tu comptes rester comme ça longtemps ? Tu comptes rester à attendre cette femme sans bouger ?

 – Oui.

Néron soupira. La gare était vide, il était huit heures du matin, et il attendait ce foutu Palatino en provenance de Paris. Il regarda Tibère qui s’était allongé sur un banc, les yeux fermés. Il pouvait très bien s’en aller doucement et retourner dormir.

 – Reste là, Néron, dit Tibère sans ouvrir les yeux.

 – Tu n’as pas besoin de moi.

 – Je veux que tu la voies.

 – Bon.

 Néron se rassit lourdement.

 – Quel âge a-t-elle ?

Tibère compta dans sa tête. Il ne savait pas au juste quel âge Laura pouvait bien avoir. Il avait treize ans et Claude douze quand ils s’étaient connus à l’école, et à cette époque, ça faisait déjà pas mal de temps que le père de Claude s’était remarié avec Laura. Ce qui fait qu’elle devait avoir presque vingt ans de plus qu’eux. Il avait cru longtemps qu’elle était la mère de Claude.

 – Quarante-trois ans, dit-il.

 – Bon.

 Néron laissa passer un moment. Il avait trouvé une lime dans sa poche, et il s’occupait à arrondir ses ongles.

 – J’ai déjà rencontré le père de Claude, dit-il. Il n’a rien de spécial. Explique-moi pourquoi cette Laura a épousé un type qui n’a rien de spécial.

 Tibère haussa les épaules.

 – Ça ne s’explique pas. Je suppose qu’elle aime Henri tout de même et qu’on ne sait pas pourquoi.

C’est vrai que Tibère s’était souvent posé cette question. Qu’est-ce que foutait Laura, singulière et magnifique, dans les bras de ce type si sérieux et si compassé ? Ça ne s’expliquait pas. On n’avait même pas l’impression qu’Henri Valhubert se rendait compte à quel point sa femme était singulière et magnifique. Tibère serait mort d’ennui sur l’instant s’il avait dû vivre avec Henri, mais Laura n’avait pas l’air d’en mourir. Claude lui-même trouvait inouï que son père ait réussi à épouser une femme comme Laura. « C’est sûrement un miracle, profitons-en », disait-il. C’était un problème auquel Claude et lui avaient d’ailleurs cessé de penser depuis longtemps, et qu’ils résolvaient toujours en concluant : « Ça ne s’explique pas. »

 – Ça ne s’explique pas, répéta Tibère. Qu’est-ce que tu fabriques avec cette lime à ongles ?

 – Je mets à profit notre attente pour porter mon apparence à la perfection. Si tu es intéressé, ajouta-t-il après un silence, je possède une deuxième lime.

 Tibère se demanda si c’était une si bonne idée que ça de présenter Néron à Laura. Laura avait des morceaux très fragiles. On tape dessus, ça s’effondre.


 II

Henri Valhubert n’aimait pas les choses dérangeantes. Il ouvrit la main et la laissa retomber sur la table avec un soupir.

 – C’en est un, dit-il.

 – Vous en êtes sûr ? demanda son visiteur.

 Henri Valhubert leva un sourcil.

 – Pardonnez-moi, dit l’homme. Si c’est vous qui le dites.

 – C’est un griffonnage de Michel-Ange, continua Valhubert, un morceau de torse et une cuisse, qui se promènent en plein Paris.

 – Un griffonnage ?

 – Exactement. C’est un gribouillis du soir, et qui vaut des millions parce qu’il ne provient d’aucune collection privée ou publique connue. C’est un inédit, du jamais vu. Une cuisse griffonnée qui se promène en plein Paris. Achetez-la et vous ferez une affaire superbe. À moins bien sûr qu’elle n’ait été volée.

 – On ne peut pas voler un Michel-Ange aujourd’hui. Ça ne pousse pas dans les greniers.

 – Si, à la Vaticane… Les fonds d’archives immenses de la Bibliothèque vaticane… Ce papier sent la Vaticane.

 – Il sent ?

 – Il sent, oui.

 C’était idiot. Henri Valhuhert savait bien que n’importe quel vieux papier sent exactement la même chose qu’un autre vieux papier. Il le repoussa avec agacement. Alors ? Pourquoi était-il ému ? Ce n’était pas le moment de penser à Rome. Surtout pas. Il faisait tellement chaud, avant, à la Vaticane, quand il était lancé dans cette quête frénétique d’images baroques, avec les bruits du papier qu’il déplaçait dans le silence. Est-ce qu’il était encore frénétique maintenant ? Plus du tout. Il dirigeait quatre affaires d’éditions d’art, il brassait un tas de fric, on courait pour lui demander conseil, on s’excusait avant de lui parler, son fils se dérobait devant lui, et même Laura, sa femme, hésitait à l’interrompre. Alors que quand il avait connu Laura, elle se foutait bien de l’interrompre. Elle venait l’attendre le soir à Rome sous les fenêtres du palais Farnèse, avec une grande chemise blanche de son père qu’elle serrait à la ceinture. Il lui racontait ce qu’il avait sorti dans la journée de la chaleur de la vieille Vaticane, et Laura écoutait gravement, le profil busqué. Et puis tout d’un coup, elle s’en foutait et elle l’interrompait.

Et maintenant plus du tout. Maintenant ça faisait dix-huit ans et même Michel-Ange le rendait mélancolique. Henri Valhubert avait les souvenirs en horreur. Pourquoi ce type venait-il lui mettre sous le nez ce papier puant ? Et pourquoi était-il encore assez snob pour prendre du plaisir à dire « la Vaticane », comme il aurait parlé nonchalamment d’une vieille amie, au lieu de dire « la Bibliothèque vaticane », comme tout le monde, avec respect ? Et pourquoi Laura filait-elle à Rome presque tous les mois ? Est-ce que ses parents croupissant loin de la grande ville exigeaient autant de voyages ?

Il n’avait même pas envie de souffler sa découverte à ce type, alors que ça lui était si facile. Ce type pouvait bien garder sa cuisse de Michel-Ange, ça l’indifférait.

 – Après tout, reprit-il, ça peut légitimement venir d’une petite collection italienne quelconque. Les deux hommes qui sont passés vous le proposer, quel était leur genre ?

 – Ils n’avaient pas de genre. Ils m’ont dit qu’ils l’avaient acheté à un particulier à Turin.

 Valhubert ne répondit pas.

 – Alors qu’est-ce que je fais ? demanda l’homme.

 – Je vous l’ai dit, achetez-le ! C’est donné. Et soyez aimable, faites-m’en parvenir un cliché, et prévenez-moi s’il y en a d’autres. On ne sait jamais.

Sitôt seul, Henri Valhubert ouvrit grande la fenêtre de son bureau pour respirer l’air de la rue de Seine et chasser cette odeur de vieux papier et de cette Vaticane. Laura devait entrer en gare de Rome maintenant. Et ce jeune cinglé de Tibère devait sûrement l’attendre pour lui porter ses bagages. Comme d’habitude.


 III

Le Palatino était entré en gare. Ses voyageurs en descendaient mollement. Tibère montra Laura à Néron, de loin.

 

 – Tibère…, dit Laura. Tu n’es pas au travail ? Tu es là depuis longtemps ?

 – Je me dessèche ici depuis l’aube. Tu dormais encore à la frontière que j’étais déjà là. Dans le coin là-bas. Comment vas-tu ? Tu as dormi dans ta couchette ? Donne-moi ton sac.

 – Je ne suis pas fatiguée, dit Laura.

 – Mais si. Tu sais bien que le train fatigue. Tiens, Laura, je te présente notre ami Néron, la troisième pointe satanique du triangle démoniaque qui met la ville de Rome à feu et à sang… Lucius Domitius Nero Claudius, sixième César… Avance, Néron ! Fais très attention à lui, Laura… C’est un fou complet et définitif. C’est le fou le plus complet que Rome ait jamais abrité dans ses murs depuis longtemps… Mais Rome ne le sait pas encore. C’est ça, l’ennui.

 – C’est vous, Néron ? Claude me parle de vous depuis des années, dit Laura.

 – C’est une excellente chose, dit Néron. Je suis un sujet inépuisable.

 – C’est surtout un très mauvais sujet, dit Tibère. Intelligence éruptive et néfaste pour l’avenir des nations. Mais donne-moi ce sac, Laura ! Je ne veux pas que tu portes de sac. C’est lourd et puis c’est moche.

 Néron marchait à côté d’eux. Tibère avait mal décrit cette femme, avec des mots ambitieux qui veulent dire tout et rien. Néron lui jetait de rapides coups d’œil de côté, en tenant ses distances, avec une déférence respectueuse, plutôt inhabituelle chez lui. Laura était assez grande, et elle marchait dans une sorte d’imperceptible déséquilibre. Pourquoi Tibère avait-il si mal expliqué cette histoire de profil ? Il avait parlé d’un profil busqué, de lèvres un peu dédaigneuses, de cheveux noirs coupés sur les épaules.

 Mais il n’avait pas dit à quel point l’ensemble surprenait quand on la regardait. En ce moment, elle écoutait bavarder Tibère en mordant sa lèvre. Néron guettait les intonations de sa voix.

 – Mais non, je n’ai rien à manger mon grand ! disait Laura, qui marchait vite, en serrant ses bras sur son ventre.

 – Et qu’est-ce que je vais devenir ?

 – Achète-toi quelque chose en route. Il faut que tu manges tout de même. Est-ce que Claude travaille à nouveau ? Est-ce qu’il se concentre ?

 – Bien sûr, Laura. Claude travaille beaucoup.

 – Tu me mens, Tibère. Il dort le jour et il court la nuit. Mon petit Claude fait n’importe quoi. Dis-moi, Tibère, pourquoi n’est-il pas là ?

 Elle chassa ses mots d’un mouvement de main.

 – À cause de Livia, dit Tibère. N’as-tu pas entendu parler de la dernière trouvaille de ton Claude ?

 – La dernière fois, il ne m’a parlé que d’une certaine Pierra.

 – Mais non. Pierra date d’au moins vingt jours, c’est de l’histoire antique, ça tombe en poussière. Non, la ravissante Livia, ça ne te dit rien ?

 – Mais non. Enfin, je ne crois pas. J’en vois tellement, tu sais.

 – Très bien, je vais te la montrer cette semaine. Si bien entendu la constance de Claude résiste jusque-là.

 – Je ne reste pas cette fois-ci, mon grand. Je rentre à Paris demain soir.

 Tibère s’arrêta brusquement.

 – Tu repars si vite ? Tu nous laisses ?

 – Oui, dit Laura en souriant. Je reviendrai dans un mois et demi.

 – Mais est-ce que tu te rends bien compte, Laura ? Est-ce que tu sais que Claude et moi, depuis qu’on est exilés ici, à Rome, tous les jours, tous les jours tu m’entends, on chiale un petit peu à cause de toi ? Un petit peu avant le déjeuner, et puis encore un petit peu avant le dîner. Et toi, qu’est-ce que tu fais ? Tu nous laisses pendant un mois et demi ! Crois-tu que ce sont des Pierra, des Livia qui vont nous distraire ?

 – Oui, je le crois, dit Laura avec le même sourire.

 Néron apprécia ce sourire.

 – Mais moi, je suis un ange, dit Tibère.

 – Bien sûr, mon grand. Sauve-toi maintenant, je vais prendre un taxi.

 – On ne peut pas venir avec toi ? Boire un verre à l’hôtel ?

 – Je ne préfère pas. J’ai des tas de gens à voir.

 – Bon. Quand tu reverras Henri, embrasse-le pour moi et pour Claude. Dis-lui que j’ai la photo qu’il m’a demandée pour son bouquin. Alors… je te rends ton sac ? Tu arrives à peine et tu nous quittes ? Pas avant un mois et demi ?

 Laura haussa les épaules.

 – C’est bon, reprit-il. Je me perdrai dans l’étude. Et toi, Néron ?

 – Je me noierai dans le sang de la famille, dit Néron en souriant.

 – Il parle de la famille impériale, souffla Tibère. Les Julio-Claudiens. C’est une manie chez lui. Très grave. Et Néron le parricide était le pire criminel de tous. Il a foutu le feu à Rome.

 – Ce n’est pas prouvé, dit Néron.

 – Je sais, dit Laura. Et il s’est fait donner la mort en disant : « Quel artiste meurt avec moi ! » Ou quelque chose comme ça.

 Tibère tendit la joue et Laura l’embrassa. Néron lui serra la main.

 Sur le trottoir, les deux jeunes gens la regardèrent s’éloigner de dos, à longues enjambées, se serrant dans son manteau noir, les épaules un peu voûtées, comme si elle avait froid. Elle se retourna pour leur faire un signe. Néron plissa les yeux. Néron était myope : il tirait avec les doigts sur le bord de ses yeux verts pour « faire la netteté », parce qu’il se refusait absolument à porter des lunettes. Un empereur romain ne peut pas se permettre de porter des lunettes, expliquait-il. Surtout avec des yeux verts, qui sont très délicats. Ce serait indécent et grotesque. Néron s’était fait couper les cheveux à l’antique, courts, laissant sur le front quelques boucles blondes et régulières qu’il plaquait chaque matin avec de la graisse.

 Tibère le secoua doucement.

 – Tu peux arrêter de tirer sur tes yeux, dit-il. Elle a tourné au coin de la rue. On ne la voit plus.

 – Tu ne sais pas décrire les femmes, soupira Néron. Ni les hommes.

 – Ta gueule, dit Tibère. Viens, on va boire un café.

 Tibère était soulagé. Il aurait eu horreur que son cher Néron n’appréciât pas Laura. Bien sûr, il faisait confiance aux engouements excessifs de son ami, mais tout de même, il y a toujours un risque. Il aurait pu par exemple être simplement tiède. Il aurait pu ne rien comprendre et il aurait pu dire, oui, qu’elle était assez belle, mais qu’elle n’était plus jeune, et qu’il y avait bien des petits détails qu’on pouvait lui reprocher, que tout cela était loin d'être parfait, ou quelque chose de ce genre. C'est pourquoi Tibère et Claude avaient si longtemps hésité avant de lui montrer Laura. Mais Néron savait reconnaître ce qui valait le coup sur la terre.

 – Non, tu ne sais pas décrire les femmes, reprit Néron en tournant son café.

 – Bois ce café. Tu m’énerves à le tourner comme ça.

 – Bien sûr, tu es habitué. Tu la connais depuis que tu es petit.

 – Depuis que j’ai treize ans. Mais on ne s’habitue pas.

 – Comment était-elle avant ? Plus belle ?

 – À mon avis, moins. C’est le genre de visage auquel la fatigue va bien.

 – Elle est italienne alors ?

 – Pas complètement, son père est français. Elle est née en Italie et elle y a passé toute sa jeunesse, plutôt cinglée je crois. Elle n’en parle presque pas. Ses parents étaient franchement fauchés, c’était plutôt le genre de fille à courir pieds nus dans les rues de Rome.

 – J’imagine, dit Néron rêveusement.

 – Elle a rencontré Henri Valhubert à Rome quand il est venu faire l’École Française. Très riche, veuf, avec un petit garçon, mais pas beau. Non, Henri n’est pas beau. Elle l’a épousé et elle est partie vivre à Paris. Ça ne s’explique pas. Ça fait presque vingt ans maintenant. Elle vient tout le temps à Rome, voir sa famille, voir des gens. Des fois elle reste un jour, des fois un peu plus. C’est difficile de l’avoir longtemps à soi d’un seul coup.

 – Tu m’avais dit que tu aimais bien Henri Valhubert ?

 – Bien sûr. C’est parce que j’y suis habitué. Il a toujours été sans pitié avec Claude. On notait dans un cahier ses accès de tendresse, car cela lui arrivait de temps en temps, le matin. Laura nous donnait de l’argent derrière son dos et elle mentait pour nous. Parce qu’Henri Valhubert était opposé à toute espèce de folie. Labeur et souffrance. Résultat, Claude ne fait rien et ça rend son père fou de colère. Ce n’est pas un homme facile. Je crois que Laura le craint. Un soir, Claude s’était endormi sur son lit, et j’ai traversé le grand bureau pour rentrer chez moi. J’ai vu Laura qui pleurait dans un fauteuil. C’était la première fois que je la voyais pleurer et j’étais pétrifié, j’avais quinze ans, tu  comprends. En même temps, c’était exceptionnel à voir. Elle tenait ses cheveux noirs avec son poignet, et elle pleurait sans faire de bruit, l’arc du nez tendu, divin. C’est ce que j’ai vu de plus beau dans toute mon existence.

 Tibère fronça les sourcils.

 – Ce fut mon premier pas vers la connaissance, ajouta-t-il. Avant, j’étais idiot.

– Pourquoi pleurait-elle ?

– Je n’ai jamais su. Et Claude non plus..."


Fred Vargas - Ceux qui vont mourir te saluent



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