Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°611 (2018-11)

mardi 13 mars 2018

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Claudio Monteverdi - Vêpres de la Vierge
"Magnificat"

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Poster - Une souris dans mon garde-manger



Mon garde-manger fermé !



Mon garde-manger ouvert !
(sans la souris...)


le Poster



Mésanges :
bleues et charbonnières

Courvières (Haut-Doubs)
février et mars 2018

Mésange charbonnière
Courvières (Haut-Doubs)
jeudi 1er février 2018


Courvières (Haut-Doubs)
samedi 10 février 2018

Mésange bleue
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 24 février 2018

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 3 mars 2018

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 3 mars 2018
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Mésange charbonnière
samedi 3 mars 2018

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dimanche 4 mars 2018




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dimanche 4 mars 2018

Cachée !
dimanche 11 mars 2018

De dos !
dimanche 11 mars 2018

Noix de coco
dimanche 11 mars 2018



Suggestion de lecture :

"JE CROISE PERLA

EN RENTRANT

A LA MAISON. Elle tient un sac à provisions qui semble à peu près vide.

  • Tu as laissé la porte ouverte, dit-elle.

  • Oui, j'ai dû faire un saut dehors.

  • Je t'ai aperçue sur la grève et puis tu as disparu dans la brume et l'écume du ressac. J'ai cru que tu t'étais jetée à la mer.

Je lui réponds que je voulais prendre un bol d'air et contempler l'horizon.

  • Dans le froid glacial, bien sûr. On sait ce que c'est, le désordre des sentiments, quand on cherche sans fin où reposer son âme, quand on se sent nulle part chez soi, en proie à un spleen chronique...

Elle trouve frappant que je mentionne l'horizon alors qu'elle vient d'achever un chapitre de son manuel sur le mariage consacré à certaines questions existentielles où entre en jeu cette lisière aux confins du monde.

  • Cette ligne qui n'existe en réalité que dans notre imagination. Qui nous a donné l'éponge pour effacer l'horizon tout entier ? s'interroge le philosophe.

Perla veut m'accompagner jusqu'à la maison pour être sûre de ne pas me perdre une nouvelle fois sur la grève.

  • Je comprends bien que tu trouves inquiétant ce grand ciel qui te surplombe. Cela te paraît peut-être improbable aujourd'hui mais je peux t'assurer que tu vas te remettre. Les gens pensent que tout est fini mais le désir de vivre est plus fort que tout.

Il faut qu'elle descende en vitesse ranger le bacon et le yogourt mais elle va revenir dans la foulée ; en attendant, elle me conseille de ne pas quitter la maison. La revoilà bientôt, une tartelette aux amandes dans les mains et un livre sous le bras.

Je lui apprends la mort subite d'Albert peu après que nous avons mangé ensemble de la lotte à son hôtel.

Perla a coupé la tartelette en deux parts qu'elle dispose sur une assiette. Elle va mettre de l'eau à chauffer pour le thé et me recommande de m'installer confortablement dans mon propre salon pendant ce temps.

  • Si ta vie était un roman, dit-elle depuis la cuisine, une telle saturation d'événements dramatiques semblerait peu vraisemblable.

Le temps que l'eau bouille, elle récapitule brièvement ce qu'elle appelle l'avalanche des événements imprévisibles de ma vie.

  • ça commence avec ton mari qui fait son coming out et t'abandonne ; ensuite un père biologique qui débarque de l'étranger pour mourir aussitôt de façon inexpliquée dans sa chambre d'hôtel, à la case départ, pour ainsi dire, de votre relation, après avoir déjeuné d'une lotte à la poêle et d'un gâteau au fromage blanc fourré de myrtilles et passé une partie de la journée en ta compagnie. Et, pour couronner le tout, si j'ai bien compris, il te confie le soin de t'occuper à la fois de ses cendres et de son héritage sur une côte lointaine. Si c'était mon auteur qui avait écrit ça, j'en aurais biffé la moitié.

Perla me tend une part de tartelette et une tasse fumante.

  • Et si ce n'est pas un condensé de la théorie du chaos, j'y perds mon latin, dit-elle en sirotant son thé.

Toutefois, aussi étrange que cela puisse paraître, le déroulement des évènements lui rappelle de manière inquiétante le brouillon du roman dont elle a déjà esquissé les grandes lignes.

  • C'est à peine si l'on ose tremper sa plume dans l'encrier de crainte que ce que l'on écrit ne se concrétise à l'étage au-dessus.

Elle se souvient qu'elle a lu un jour un essai remarquable d'un spécialiste de Nietzsche – le bouquin doit traîner quelque part sur une étagère – et qui traite précisément de cette différence entre les personnages de fiction et les gens véritables.

  • Il me semble, Maria, que tu es une personne esthétique, déclare-t-elle.

Puis elle revient à son propre roman qui parle justement d'une femme qui fait la connaissance de son père d'une manière pour ainsi dire post mortem.

  • Notre vie n'est-elle pas ainsi faite qu'on connaît les gens après coup, comme dans ton cas, quand ils l'ont quittée ?

Dans le chapitre en cours, il est d'ailleurs question du dernier repas et, incroyable mais vrai, un père et sa fille y dégustent pareillement de la lotte.

  • Certes, dans mon histoire, le père ne lègue qu'une bague à sa fille.

  • J'en connais un rayon sur les autopsies et les morts suspectes. Ma mère s'est fait hospitaliser un lundi pour remplacer sa prothèse de hanche et je devais revenir la chercher le lendemain. Je n'ai jamais obtenu de réponse claire sur ce qui avait mal tourné. Le médecin a insisté pour qu'on l'incinère, ce qui lui assurait de ne pas être poursuivi pour faute professionnelle. Dans mon domaine d'activité, c'est ce qu'on appelle faire disparaître les pièces à conviction.

  • Il s'agit seulement de déterminer si Albert est mort d'une hémorragie cérébrale ou d'une crise cardiaque, dis-je.

  • L'improbable a bien plus de chances de se produire dans la vie que dans un roman. A la différence de la vie, ce qui se passe dans les livres est plutôt prévisible.

Perla envisage-t-elle un instant que je suis parfaitement incapable de penser à tout cela en ce moment ?

  • Je n'ai pas le temps de partir à l'étranger pour liquider les biens personnels d'un inconnu, dis-je.

Ma voisine de l'entresol boit une gorgée de thé.

  • Qui sait si tu ne découvriras pas, en retournant les affaires du défunt, quelque matière à roman que tu pourrais éventuellement refiler à un auteur ? Il est bien possible qu'une voie s'ouvre à toi qui te permette de te fondre dans le pouls d'une autre personne, car vous avez le même sang, lui et toi.

L'écrivaine s'est levée et a sorti le carnet de sa poche.

  • On s'inspire toujours de la vie de ses contemporains, on recherche dans la souffrance d'autrui quelque chose qui puisse servir, on s'efforce de repérer les événements et les lieux où se manifestent la peur et le désir.

  • Si bien que l'écrivain est une sorte de corbeau en quête de verroterie, dis-je en souriant à ma voisine.

  • Indéniablement, il y a un certain danger à fréquenter un auteur, dit-elle en époussetant les miettes de sa blouse. Parce qu'il est toujours au travail.

Perla s'excuse, le temps d'un saut à l'entresol. Elle remonte aussitôt, une plante dans les bras.

  • J'aurais préféré te donner des chrysanthèmes ou des oeillets en raison de ce décès fortuit dans ta famille. Mais comme tu connais bien plus de recettes que moi, j'ai pensé que ma menthe pourrait t'être utile.

Je me baisse pour serrer ma voisine sur mon coeur.

  • Tu es sûre de vouloir t'en séparer ?

  • Tout à fait, je songe à le remplacer par de la ciboulette.

Elle se souvient alors du livre qu'elle avait sous le bras et qui singulièrement traite du désir d'évasion et des agitations de l'âme.

  • Je te laisse donc le récit de voyage d'Arni Magnusson de Geistastekk qui a été le premier Islandais à se rendre en Chine en 1760.

Raccompagnée à la porte, ma voisine descend à reculons. Parvenue à la troisième, un détail important lui revient.

  • Figure-toi que le propriétaire de la jeep noire a frappé chez moi hier soir. Le même qui est passé et repassé devant la maison en roulant très lentement ces dernières semaines. Mais là, aucun rapport avec ton mari : il s'agit d'un homme d'âge mûr ni beau ni laid dont une tante a jadis occupé l'appartement de l'entresol. Il lui a fallu du temps pour trouver le courage de frapper à la porte. Il voulait savoir si l'appartement comportait toujours un certain placard à balais où on l'avait enfermé pendant plus d'une heure quand il était enfant. Par chance pour lui, il a trouvé chez l'actuelle occupante des lieux une oreille compréhensive pour ces traumatismes infantiles.

  • C'est drôlement chouette de voir le placard en couleur, a-t-il dit, dans mon souvenir tout était en noir et blanc..."


Audur Ava Olafsdottir - L'Exception



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