Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°514 (2016-14)

mardi 5 avril 2016

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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G Verdi - La Forza del Destino

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Portraits I :
Moineaux, Pinsons et Mésanges
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 19 mars 2016



Moineau domestique femelle

Pinson des arbres mâle


Couple de Moineau domestique

Moineau domestique mâle

Mésange bleue



Mésange charbonnière à sa toilette
<image recadrée>



Accrobaties

Pinson des arbres mâle



Suggestion de lecture :

"1863-1864.

Et le vin ?

Pasteur ne connaît que lui : c'est le personnage principal en Arbois. Une vedette au caractère imprévisible. Le plus souvent séducteur et bon enfant, il enrichit ceux qui le produisent, car il émerveille ceux qui le goûtent. Mais, soudain, on ne sait quelle mouche le pique, il s'énerve, se brouille, vire à l'acide et ruine sans prévenir les vignerons qu'il a pris en grippe.

L'empereur ne supporte plus ces fantaisies. Une nouvelle mission est confiée au savant : réguler l'humeur de cet agité. Ce genre de caprices coûte trop à la nation.

Sans tarder, Pasteur débarque avec trois collaborateurs. Faute de laboratoire, ils installent leurs tubes à essai et leurs cornues sur le zinc d'un café. Les habitués s'étonnent, mais comprennent : si c'est pour la santé du vin... Sans trop grommeler, ils vont ailleurs lever le coude.

L'enquête commence. L'un après l'autre, les vignerons racontent. A partir de ces récits la conviction de l'équipe se confirme : le vin, lui aussi, est vivant. Et c'est justement parce qu'il est vivant que des maladies le frappent.

Pouvez-vous, demande Pasteur, m'en dire les jolis noms et m'en expliquer les symptômes ?

La fleur : de petites particules blanches forment un voile sur la surface.

La piqûre : le vin prend le goût et l'odeur du vinaigre (les pédants préfèrent dire acescence).

La tourne : du CO2 se dégage des cuves.

La graisse : le vin s'écoule comme de l'huile.

Près d'Arbois, Pasteur s'achète une vigne pour y mener plus tranquillement ses expériences. Et, comme à son habitude, il passe ses jours derrière son microscope.

Pauvre vin, en l'accusant trop vite on a failli commettre une grave erreur judiciaire ! Les coupables de tous ces dérèglements ne tardent pas à être démasqués : des filaments, autrement dit des champignons minuscules. Toujours les mêmes représentants de ce peuple de tout-petits dont la nuisance se révèle décidément sans limites. Ces parasites viennent sans doute de grains de raisin atteints de pourriture, ou de l'air ambiant.

Comment s'en débarrasser ?

A travers les vitres de l'ex-café, la petite ville regarde discuter les savants. Quand leur ardeur semble sur le point de décliner, une bonne bouteille, offerte par l'un ou l'autre des viticulteurs, surgit pour la ranimer.

Lui doit-on l'idée lumineuse qui va alors germer dans le cerveau de Pasteur ?

« Et si nous faisions subir à ces maudits animalcules un bon coup de chaleur ? »

L'un des collaborateurs remarque qu'un certain Alfred de Vergnette de Lamotte, polytechnicien et propriétaire sur la côte de Beaune, a déjà défendu cette méthode mais sans en donner d'explication scientifique. Par chance, il se retient juste avant que ce très long patronyme ne franchisse le barrage de ses dents. Pasteur déteste être devancé. Pourquoi gâcher l'ambiance de cette journée qui s'annonce historique ?

On s'active pour tenter l'expérience.

Déjà une autre idée vient compléter la première : et si, pour empêcher une bonne fois ces bestioles de revenir, on les privait d'oxygène ?

Aussitôt dit, aussitôt fait.

Succès total. Applaudissements de la population, soulagement des vigerons, satisfaction de l'empereur. Peut-être même invitera-t-il le maître – en guise de récompense – à passer une semaine entière à la cour de Compiègne ?

Un brevet sera déposé.

A bientôt, Arbois ! Rendez-vous l'été prochain !

Sous les vivats, Pasteur et sa troupe reprennent la calèche, puis le train pour Paris.

Décidément, le domaine de la vie est bien plus large qu'on ne croyait.

Plus tard, des Hongrois (ou des Allemands) baptiseront « pasteurisation » la méthode. Bel et légitime hommage !

[...]

Ils se seront détestés

Victor Hugo et Louis Pasteur.

Le grand écrivain et le grand savant.

Les deux phares qui, au-delà de la France, éclairent encore le monde.

Deux bienfaiteurs de l'humanité.

L'un, explorateur des vertiges de l'âme, a rendu leur dignité aux misérables et, pour cela, demeure célébré de l'Amérique latine à la Chine.

L'autre, découvreur des sources de la vie, a triomphé de la rage.

Tous les deux nés dans cette province appelée Franche-Comté pour les libertés qu'elle savait défendre. Hugo à Besançon (1802), Pasteur à Dole (1822). Deux villes séparées par moins de soixante kilomètres.

Tous les deux élevés dans la légende de Napoléon Ier. Le père de Hugo fut l'un de ses généraux. Le père de Pasteur, l'un de ses soldats.

Ils se séparent à jamais quand un autre empereur, neveu du précédent, se saisit du pouvoir.

Hugo, qui ne supporte pas Napoléon le Petit, prend le chemin de l'exil, à Guernesey.

Pasteur, qui aime l'ordre, savoure d'être invité à Compiègne, haut lieu des festivités de la cour impériale.

Pour être franc, ils auraient pu s'y croiser. Hugo rêvait d'un maroquain. Il se voyait fort bien ministre de l'Instruction publique. Napoléon III eût-il accédé à sa requête, Victor aurait lui aussi sans doute fréquenté Compiègne... et n'aurait jamais écrit Les Misérables. Politique ou amoureux, le dépit des écrivains sert toujours leur oeuvre.

En Hugo Pasteur haïssait la grande gueule et la belle âme, le défenseur du plus faible, par principe et sans examen, au risque de malmener la société.

En Pasteur Hugo ne supportait pas le conservateur, le défenseur du pouvoir, quel qu’il fût, le bourgeois de province ébloui d’avoir si bien réussi.

Il y a de l’irréconciliable dans ces détestations mutuelles. Et pourtant, ces deux-là partageaient ce qui peut-être est l’essentiel. L’âge venu, la même joie d’être grand-père. Et la même croyance en un Dieu à jamais mystérieux : un Etre supérieur existe, sans doute, mais qui sommes-nous pour un jour en savoir plus ?

Au fond, leur passion était de même nature : violente. Mais elle n’avait pas le même objet. L’un chérissait la liberté, l’autre la science. Quand, l’un après l’autre, la mort finit par les rattraper, le même hommage leur fut rendu par des obsèques mêmement nationales.

La foule, aussi grande et recueillie pour l’un que pour l’autre, leur témoigna le même respect, la même gratitude.

Ensemble , ils résument leur siècle.

[...]

Remerciements

Treize années durant, chaque jeudi après-midi, la chance m'a été donnée d'avoir pour voisin de droite François Jacob. Notre salle de travail, à l'Académie française, a tout d'une classe. On s'y retrouve entre vieux potaches pour fabriquer le dictionnaire. Chemin faisant, entre les mots, on bavarde.

Hélène Carrère d'Encausse, notre mère supérieure, nous fait les gros yeux. Mais François Jacob jouissait d'une sorte d'immunité. On ne réprimande pas un Prix Nobel.

Nous aurons donc beaucoup parlé.

Plutôt, je l'ai écouté, passionnément.

Par bribes, et chuchotements, il m'a raconté 1940, le Tchad, Leclerc, la campagne de libération...

Mon abyssale ignorance en biologie le fascinait.

« Toi qui te dis volontiers curieux professionnel ! »

C'est lui qui m'a donné l'idée de ce livre.

« Puisque, par on ne sait quel désolant hasard, tu occupes le fauteuil de Pasteur, plonge-toi dans son existence, tu seras bien obligé d'apprendre un peu ! »

Il avait raison. Je commence à savoir quelques petites choses sur ce qui nous fait. Et nous défait.

Merci à François Jacob.

Vous pouvez imaginer comme cet immense voisin me manque..."

Erik Orsenna - La vie, la mort, la vie
Louis Pasteur, 1822 - 1895



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