Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°493 (2015-44)

mardi 10 novembre 2015

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
explications sur le nom de cette lettre : [ici] ou [ici]
Si cette page ne s'affiche pas correctement, cliquez [ici]


 
Henry Purcell - O Solitude, my sweetest choice

Pour regarder et écouter,
cliquez sur la flèche au bas de l'image...



ou cliquez [ici]



 
Canard colvert et Cygne tuberculé
Haut-Doubs
octobre 2015



Canard colvert femelle
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 4 octobre 2015


Canard colvert mâle
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 4 octobre 2015

Cygne noir
échappé de captivité !!
Bouverans (Haut-Doubs)

dimanche 4 octobre 2015

Envol
Bouverans (Haut-Doubs)

dimanche 4 octobre 2015

Jeune Canard colvert
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

dimanche 11 octobre 2015

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
dimanche 11 octobre 2015

Etirement
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

dimanche 11 octobre 2015

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
dimanche 11 octobre 2015

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
dimanche 11 octobre 2015

Toilette
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

samedi 31 octobre 2015

Couple
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

samedi 31 octobre 2015




Reflet
  La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 31 octobre 2015



Repos
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

samedi 31 octobre 2015

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 31 octobre 2015



Suggestion de lecture :

"Lure embaumait l'odeur des feux de bois et des sapins. La fumée des charbonnières se couchait sur les ponchons et déferlait le long des Baïsses. Le vent était léger. C'était un de ces jours d'après mistral où le regard distingue au loin d'incroyables détails. A mesure que Brédannes montait vers le sommet, les glaciers du Pelvoux apparaissaient par les échancrures, là-bas, à plus de deux cents kilomètres.

L'herboriste se mit à chanter tout seul, avec l'Auvergnat pour seul auditoire. A chanter à pleine gorge comme un homme sans souci. Il était fier, à soixante-quinze ans passés, de cet enthousiasme intact. Il chantait : Salut ! O mon dernier matin ! Avec la conviction profonde de n'y être pas encore. Il atteignit ainsi le Pas de Frère Jean qui est le col de Lure. Avant d'attaquer la pente, il serra la mécanique du frein. L'Auvergnat fumait des naseaux et l'attelage se traînait, roues bloquées, sur les rampes maintenant raides. Ici, l'hiver, par endroits, sévissait encore sous la forêt.

Dans un virage, Brédannes fit quitter la route à l'attelage et l'engagea sur la piste des Cavalets. Il chemina longtemps dans ces fondrières, par l'ombre et le froid. Cette face de Lure est son visage austère. De ce côté, elle menace ruine, des falaises abruptes y surplombent des forêts sombres. On ne dirait plus la même montagne.

Brédannes avait cessé de chanter.

Puis, soudain, au bout d'une longue combe, le soleil et la tiédeur de l'air se retrouvèrent. Les cimes s'abaissaient vers l'ouest.

Brédannes tira sur les rênes. L'Auvergnat s'arrêta. Brédannes épia le silence. Pas de bruit, sauf, très loin et très haut, un éboulis qui roulait sous les sabots d'un autre cheval.

Devant le corbillard, en un large éventail en faucille, moutonnait d'un ponchon à l'autre, aux pentes douces, une forêt morte. C'était, sous la Baïsse de Malcort, le dernier bois de mélèzes de Lure qui venait de mourir en trois printemps sous les attaques des chenilles et de la sécheresse.

Ces mélèzes avaient été plantés par un garde forestier nostalgique qui venait du Queyras. Il n'avait tenu compte d'aucun avis. Et, en fait, tout avait bien marché pendant cinquante ans. Ces mélèzes avaient prospéré et le forestier avait pu venir y respirer l'air du Queyras jusqu'à son dernier souffle. Mais – à croire qu'ils n'étaient tenu en vie que par sa ferveur -, sitôt qu'on l'eut couché en terre, ils dépérirent à vue d'oeil.

Ils étaient ensevelis sous une chape arachnéenne couleur de moisi qui pendait dépenaillée autour de leurs moignons. La plupart d'entre eux, décapités, portaient leurs houppiers cassés sur leurs basses branches mortes. Parfois, sur un tronc mort, dardaient d'une ramure, des aiguilles printanières d'un vert tendre. Mais c'était un dernier adieu.

Les fûts noirs tranchaient sur la lointaine lisière des hêtres clairs et des sapins sombres. Ils étaient formés en carré, arbre contre arbre, comme les morts debout d'une grande armée.

Dans ce cimetière d'arbres, toutes les plantes némorales avaient péri, sauf les myosotis. C'était, comblant tous les vides, un océan de myosotis bleus qui moutonnaient sur les ponchons et les combes jusqu'à perte de vue.Quand un mélèze trop pourri était tombé, ce manteau bleu tendre l'avait aussitôt englouti. Le chemin forestier lui-même n'était plus marqué. Les thyrses en forme de crosse d'évêque renversée, l'avaient submergé. On n'en distinguait même plus les ornières.

Brédannes émit un clappement de langue pour remettre l'Auvergnat au travail. Sous la têtière rouge cardinal, l'animal huma ces vagues bleues en allongeant la tête. Il renâcla en secouant son plumet de luxe. Il fallut se gendarmer pour le pousser dans cette prairie.

Il parut alors à Brédannes qu'il avançait sur un tapis de nuages. Le corbillard ne brimbalait plus, même le grincement de ses axes sans graisse s'atténuait.

L'herboriste arrêta l'attelage au plus profond de la forêt morte, là où les mélèzes étaient les plus serrés et les plus élevés. Il fit taire d'un mouvement de guide l'animal qui renâclait toujours. Il écouta. Quand le silence se fut établi, une sorte de rumeur lui fit suite qui provenait des troncs morts. C'était celui d'un très lointain troupeau en train de paître.

« Ça en est claffi ! » se dit Brédannes à haute voix.

Il allait sauter lestement du siège lorsqu'il aperçut que le corbillard était enlisé jusqu'aux moyeux parmi les myosotis et que, nulle part, sur des dizaines d'hectares, on n'apercevait la terre ferme. Cette vision ne lui dit rien qui vaille. Il ouvrit la branloire et en extirpa une paire de leggins qu'il laça sur ses pantalons. Il tira aussi ses deux seaux à miel et les garnit de coton imbibé d'éther. Cette odeur d'hôpital fit rire l'Auvergnat de toutes ses dents.

Brédannes mit pied à terre. Il enfonçait jusqu'aux cuisses parmi les fleurs bleues. Les touffes étaient énormes, plantureuses. Elles formaient des dômes tendres, qu'on avait envie de caresser. Celles que l'herboriste foulait au pied se couchaient sur le sol en un bruit épais de blé moissonné.

Brédannes ouvrit son Opinel et s'approcha d'un tronc mort. Il était hideusement taraudé de galeries en tous sens d'où s'écoulait une sciure rouge que le vent dispersait. Aux orifices de ces galeries, ivres de nourriture, lourds de pollen méphitique, les insectes vers émeraude étincelaient sous le soleil. Brédannes les recueillait avec la lame de son couteau et les faisait tomber sur le coton imbibé d'éther.

« Il y a de quoi faire bander un régiment de vieillards ! » jubilait-il à voix basse.

Il travailla longtemps, offusqué par l'abondance des prédateurs et avide d'en amasser le plus possible. Il agrandissait les orifices avec la pointe de l'Opinel. A l'aide d'une longue aiguille à tricoter les bas, il sondait ces tunnels. Parfois, il ramenait plusieurs téléphores embrochés sur l'aiguille et qui remuaient encore..."

Pierre Magnan - Les Charbonniers de la mort



Voir la liste des anciens numéros du"Trochiscanthe nodiflore" (les archives) : cliquez [ici]

Site internet : Rencontres sauvages

Me contacter : pascal@pascal-marguet.com

Calendrier 2015 : Pour le télécharger directement au format pdf (1400 ko), cliquez [ici]

 

Pour vous désinscrire, vous pouvez m'envoyer un e-mail (en répondant à ce message) avec pour objet "désinscription",

ou en cliquant

[ici]

Rejoignez-moi sur "FaceBook" en cliquant sur le lien suivant :

[http://www.facebook.com/marguet.pascal]