Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°479 (2015-30)

mardi 4 août 2015

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
explications sur le nom de cette lettre : [ici] ou [ici]
Si cette page ne s'affiche pas correctement, cliquez [ici]

 


  Jacques Brel - Dans le port d'Amsterdam

Pour regarder et écouter,
cliquez sur la flèche au bas de l'image...



ou cliquez [ici]




Ambiances urbaines
en "portrait"

Bénélux :

Luxembourg (Luxembourg),
Amsterdam, La Haye (Pays-Bas),
Bruxelles et Bruges (Belgique)

juillet 2015


Eglise dans la vallée
Luxembourg
  jeudi 2 juillet 2015

Le Roc
Luxembourg
jeudi 2 juillet 2015

Potagers
Luxembourg

  jeudi 2 juillet 2015

Place
Luxembourg
  jeudi 2 juillet 2015

Réseau
Luxembourg

  jeudi 2 juillet 2015

Canal
Amsterdam

samedi 4 juillet 2015

Façades
Amsterdam

samedi 4 juillet 2015

Centre-ville
Amsterdam

samedi 4 juillet 2015

Marché aux fleurs
(à droite)
Amsterdam

samedi 4 juillet 2015

Roses trémières
Amsterdam

samedi 4 juillet 2015

Cygne menacé
Tableau <recadré> de Jan Asselyn (1650)
au Rijksmuseum (Musée du Roi)
Amsterdam

samedi 4 juillet 2015

La Ronde de Nuit
Tableau <recadré> de Rembrandt (1642)
au Rijksmuseum (Musée du Roi)
Amsterdam

samedi 4 juillet 2015

Rembrandt
Amsterdam

samedi 4 juillet 2015

La Laitière
Tableau <recadré> de Vermeer (1658)
au Rijksmuseum (Musée du Roi)
Amsterdam
(ce n'est pas une de mes photographies !
il y avait beaucoup trop de monde devant ce petit tableau !!
source : wikipedia)

Quartier "rouge"
Amsterdam

samedi 4 juillet 2015

Après la pluie
Amsterdam

dimanche 5 juillet 2015

Vitrine
Amsterdam

dimanche 5 juillet 2015
<image recadrée>

Hortensia bleu
Amsterdam

dimanche 5 juillet 2015

Phare
La Haye

vendredi 3 juillet 2015

La Haye
vendredi 3 juillet 2015

Port de plaisance
La Haye
dimanche 5 juillet 2015

Palais de la Paix
La Haye
lundi 6 juillet 2015
<image recadrée>

Colombe de la Paix (en ombre)
La Haye
lundi 6 juillet 2015

Sculpture sur le "front de mer"
La Haye

lundi 6 juillet 2015

Immeubles
Bruxelles

mardi 7 juillet 2015

Façade décorée en BD
Bruxelles

mercredi 8 juillet 2015

Beffroi
Bruxelles

mercredi 8 juillet 2015

Pavés
Bruxelles

mercredi 8 juillet 2015

Maison des brasseurs
Bruxelles

mercredi 8 juillet 2015

Manneken Pis
Bruxelles

mercredi 8 juillet 2015

Grand Jacques
Bruxelles

mercredi 8 juillet 2015

Buvez...
Bruxelles

mercredi 8 juillet 2015

Musée de la BD
Bruxelles

mercredi 8 juillet 2015

Bruxelles
mercredi 8 juillet 2015

Des moules...
Bruxelles

jeudi 9 juillet 2015

Foulque macroule
Musée des sciences naturelles
(dans le parc)

Bruxelles
jeudi 9 juillet 2015

Iguanodon
Musée des sciences naturelles
Bruxelles

jeudi 9 juillet 2015

Pour en savoir plus sur la découverte de ce dinosaure en Belgique :

cliquez [ici]

Galerie de l'évolution
Musée des sciences naturelles
Bruxelles

jeudi 9 juillet 2015

Bruxelles
jeudi 9 juillet 2015

... et puis des Frites (!)
de la "Maison Antoine"
Bruxelles

jeudi 9 juillet 2015

Quartier européen
Bruxelles

jeudi 9 juillet 2015

Cathédrale
Bruxelles

jeudi 9 juillet 2015

Musée des Instruments de Musique
Bruxelles

jeudi 9 juillet 2015

Bruxelles
jeudi 9 juillet 2015

Bruges
vendredi 10 juillet 2015

Beffroi
Bruges

vendredi 10 juillet 2015

Canal
Bruges

vendredi 10 juillet 2015

Vue sur Bruges
(à partir du toit de la Brasserie)
Bruges

vendredi 10 juillet 2015

Toitures
Bruges

vendredi 10 juillet 2015

Cygnes
Bruges

vendredi 10 juillet 2015

Cathédrale
Bruges

vendredi 10 juillet 2015

Bière
Bruges

vendredi 10 juillet 2015

Enclos du Beguinage
Bruges

vendredi 10 juillet 2015

Breteche
Bruges

vendredi 10 juillet 2015




Suggestion de lecture :

"

I

Je m’appelle Brodeck et je n’y suis pour rien.

Je tiens à le dire. Il faut que tout le monde le sache.

Moi je n’ai rien fait, et lorsque j’ai su ce qui venait de se passer, j’aurais aimé ne jamais en parler, ligoter ma mémoire, la tenir bien serrée dans ses liens de façon à ce qu’elle demeure tranquille comme une fouine dans une nasse de fer.

Mais les autres m’ont forcé : - Toi, tu sais écrire, m’ont-ils dit, tu as fait des études. J’ai répondu que c’étaient de toutes petites études, des études même pas terminées d’ailleurs, et qui ne m’ont pas laissé un grand souvenir. Ils n’ont rien voulu savoir : - Tu sais écrire, tu sais les mots, et comment on les utilise, et comment aussi ils peuvent dire les choses. Ça suffira. Nous on ne sait pas faire cela. On s’embrouillerait, mais toi, tu diras, et alors ils te croiront. Et en plus, tu as la machine.

La machine, elle est très vieille. Plusieurs de ses touches sont cassées. Je n’ai rien pour la réparer. Elle est capricieuse. Elle est éreintée. Il lui arrive de se bloquer sans m’avertir comme si elle se cabrait. Mais cela, je ne l’ai pas dit car je n’avais pas envie de finir comme l’Anderer.

Ne me demandez pas son nom, on ne l’a jamais su. Trés vite les gens l’ont appelé avec des expressions inventées de toutes piéces dans le dialecte et que je traduisé : Vollaug – Yeux pleins – en raison de son regard qui lui sortait un peu du visage ; De Murmelner – le Murmurant – car il parlait trés peu et toujours d’une petite voix qu’on aurait dit un souffle ; Mondlich – Lunaire – cause de son air d’être chez nous tout en n’y étant pas ; Gekamdërhin – celui qui est venu de là-bas.

Mais pour moi, il a toujours été De Anderer – l’Autre –, peut-être parce qu’en plus d’arriver de nulle part, il était différent, et cela, je connaissais bien : parfois même, je dois l’avouer, j’avais l’impression que lui, c’était un peu moi.

Son véritable nom, aucun d’entre nous ne le lui a jamais demandé, à part le Maire une fois peut-être, mais il n’a pas, je crois, obtenu de réponse. Maintenant, on ne saura plus. C’est trop tard et c’est sans doute mieux ainsi. La vérité, ça peut couper les mains et laisser des entailles, ne plus pouvoir vivre avec, et la plupart d’entre nous, ce qu’on veut, c’est vivre. Le moins douloureusement possible. C’est humain. Je suis certain que vous seriez comme nous si vous aviez connu la guerre, ce qu’elle a fait ici, et surtout ce qui a suivi la guerre, ces semaines et ces quelques mois, notamment les derniers, durant lesquels cet homme est arrivé dans notre village, et s’y est installé, comme ça, d’un coup. Pourquoi avoir choisi notre village ? Il y en a tellement des villages sur les contreforts de la montagne, posés entre les forêts comme des œufs dans des nids, et beaucoup qui ressemblent au nôtre. Pourquoi avoir choisi justement le nôtre, qui est si loin de tout, qui est perdu ?

Tout ce que je raconte, le moment où ils ont dit qu’ils voulaient que ce soit moi, ça s’est passé à l’auberge Schloss, il y a environ trois mois. Juste aprés… juste aprés le… je ne sais pas comment dire, disons l’évènement, ou le drame, ou l’incident. à moins que je dise l’Ereigniës. Ereigniës, c’est un mot curieux, plein de brumes, fantomatique, et qui signifie à peu près «la chose qui s’est passée ». C’est peut-être mieux de dire cela avec un terme pris dans le dialecte, qui est une langue sans en être une, mais qui épouse si parfaitement les peaux, les souffles et les âmes de ceux qui habitent ici. L’Ereigniës, pour qualifier l’inqualifiable. Oui, je dirai l’Ereigniës.

Cela venait donc de se produire. À l’exception de deux ou trois vieillards demeurés prés de leurs fourneaux, et sans doute du curé Peiper qui devait cuver sa prune quelque part dans sa petite église aux murs larges comme l’envergure d’un aigle, tous les hommes étaient là, dans l’auberge qui est comme une grosse caverne un peu sombre, étouffée de fumée de tabac et de fumée d’être, hébétés, assommés par ce qui venait de se passer, et dans le même temps, comment dire, soulagés, parce qu’il fallait bien que ça se termine, d’une façon ou d’une autre. On n’en pouvait plus, vous savez..."


[...]

"Les hommes sont bizarres. Ils commettent le pire sans trop se poser de questions, mais ensuite, ils ne peuvent plus vivre avec le souvenir de ce qu'ils ont fait. Il faut qu'ils s'en débarrassent. Alors ils viennent me voir car ils savent que je suis le seul à pouvoir les soulager, et ils me disent tout. Je suis l'égout, Brodeck. Je ne suis pas le prêtre, je suis l'homme-égout. Celui dans le cerveau duquel on peut déverser toutes les sanies, toutes les ordures, pour se soulager, pour s'alléger. Et ensuite, ils repartent comme si de rien n'était. Tout neufs. Bien propres. Prêts à recommencer. Sachant que l'égout s'est refermé sur ce qu'ils lui ont confié. Qu'il n'en parlera jamais, à personne. Ils peuvent dormir tranquille, et moi pendant ce temps, Brodeck, moi je déborde, je déborde sous le trop-plein, je n'en peux plus, mais je tiens, j'essaie de tenir. Je mourrai avec tous ces dépôts d'horreur en moi.

Vois-tu ce vin ? Et bien c'est mon seul ami. Il m'endort et me fait oublier, durant quelques instants, toute cette masse immonde que je transporte en moi, ce chargement putride qu'ils m'ont tous confié. Si je te dis cela, ce n'est pas pour que tu me plaignes, c'est pour que tu me comprennes...Tu te sens seul de devoir dire le pire, moi, je me sens seul de devoir l'absoudre..."


[...]

"Depuis longtemps, je fuis les foules. Je les évite. Je sais que tout ou presque est venu d'elles. Je veux dire le mauvais, la guerre et tous les Kazerskiwrs que celle-ci a ouverts dans les cerveaux de beaucoup d'hommes. Moi, je les ai vus les hommes à l’œuvre, lorsqu'ils savent qu'ils ne sont pas seuls, lorsqu'ils savent qu'ils peuvent se noyer, se dissoudre dans une masse qui les englobe et les dépasse, une masse faite de milliers de visages taillés à leur image. On peut toujours se dire que la faute incombe à celui qui les entraîne, les exhorte, les fait danser comme un orvet autour d'un bâton, et que les foules sont inconscientes de leurs gestes, de leur avenir, et de leur trajet. Cela est faux. La vérité c'est que la foule elle-même est un monstre. Elle s'enfante, corps énorme composé de milliers d'autres corps conscients. Et je sais aussi qu'il n'y a pas de foules heureuses. Il n'y a pas de foules paisibles. Et même derrière les rires, les sourires, les musiques, les refrains, il y a du sang qui s'échauffe, du sang qui s'agite, qui tourne sur lui-même et se rend fou d'être ainsi bousculé et brassé dans son propre tourbillon..."

[...]

"La vieille Fédorine ne quitte jamais la cuisine. C’est son grand royaume. Elle passe les heures de la nuit sur sa chaise. Elle ne dort pas. Elle dit qu’elle a passé l’âge. Je n’ai jamais su au juste quel est son âge. Elle dit elle-même qu’elle ne s’en souvient pas, et que cela de toute façon ne l’a pas empêchée de naître et ne l’empêchera pas de mourir. Elle dit aussi qu’elle ne dort pas parce qu’elle ne veut pas se faire surprendre par la mort mais qu’elle veut la regarder bien en face lorsqu’elle viendra. Elle chantonne les yeux clos, elle ravaude les histoires et les souvenirs, elle fait des tapisseries avec des songes très usés, ses mains posées devant elle sur ses genoux, et dans ses mains, ses main s sèches et gravées de veines tordues et de rides droites comme des lames de couteau, on peut y lire sa vie.

J’ai raconté à Fédorine mes années loin de notre monde. C’est elle qui m’a soigné quand je suis revenu, Emélia était trop fiable encore. Fédorine n’est occupé de moi comme lorsque j’étais petit. Elle a retrouvé les gestes. Elle a nourri ma bouche cassée à la cuillère, a pansé mes blessures, a remis peu à peu du gras sur mes os à vif, m’a veillé lorsque la fièvre était trop forte, que je grelottais comme si on m’avait plongé dans une auge de glace, et que je délirais. Les semaines ont passé ainsi. Elle ne m’a pas posé de questions. Elle a attendu que les mots sortent d’eux-mêmes. Et elle a écouté, longtemps..."

Philippe Claudel - Le Rapport de Brodeck

Pour feuilleter quelques pages de la BD
"le Rapport de Brodeck" (tome 1)
dessinée par Manu Larcenet :

cliquez
[ici]



Voir la liste des anciens numéros du"Trochiscanthe nodiflore" (les archives) : cliquez [ici]

Site internet : Rencontres sauvages

Me contacter : pascal@pascal-marguet.com

Calendrier 2015 : Pour le télécharger directement au format pdf (1400 ko), cliquez [ici]

 

Pour vous désinscrire, vous pouvez m'envoyer un e-mail (en répondant à ce message) avec pour objet "désinscription",

ou en cliquant

[ici]

Pour partager cette page sur "FaceBook", cliquez sur le bouton ci-dessous :



Rejoignez-moi sur "FaceBook" en cliquant sur le lien suivant :

[http://www.facebook.com/marguet.pascal]