Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°473 (2015-24)

mardi 16 juin 2015

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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GB Pergolese - Les 7 dernières paroles du Christ

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Matinée de Printemps,
en "portrait" à
Champ-Pittet (Yverdon, Suisse)
dimanche 24 mai 2015


Dans les Roseaux (Phragmite)

Couple de Grèbe huppé

Colvert mâle à sa toilette

Roseau

Reflet de roseaux

Contre-jour

Cygne

De face

Tout près !

Calligraphie

Couple

En plongée

Toilette

Foulque macroule


Bain

Parade nuptiale

Corneille noire

Attitude du "chat"

Rousserole turdoïde
Cet individu est en train de chanter à la manière de la Courtilière (un gros grillon) :
c'est une trille métallique longue...

Foulque macroule nourrisant son poussin

Caliméro : "c'est trop injuste !"

Iris faux-acore

Rosa sp.

Sauge

Jeune Rougequeue noir

Toilette

Sur le chemin

Graminée sp.

J'ai faim !

Attente



Suggestion de lecture :

"V

La silhouette de Mani appartenait désormais au paysage de la cour. S'il lui arrivait de s'éclipser pour quelque réunion avec ses fidèles, Shabuhr le faisait mander, jusqu'à trois fois dans la même journée, afin de le consulter sur tout ce qui agitait son esprit d'homme et de souverain, qu'il s'agisse de sa santé, des astres, des humeurs de sa soeur-épouse Azur-Anahit, des perfidies quotidienne des Mages, ou des rapports entre l'Empire et les autres puissances, vassales ou adverses.

En tête de celles-ci venait Rome, éternelle rivale des Parthes puis des Sassanides. Son histoire n'était pas faite d'élans dynastiques, mais les plus grands parmi ses empereurs ambitionnaient, comme Shabuhr, comme avant lui son père Ardéshir, de rassembler sous leurs aigles d'airain les deux versants du monde.

Romains et Perses, deux houles ennemies qu'une obsession commune condamnait à déferler l'une vers l'autre, à se briser contre l'autre.

Les Sassanides, dont les terres s'enfonçaient loin dans les steppes d'Asie, avaient voulu que leur capitale demeurât située à l'extrême occident de leur domaine, en une contrée étrangère à leur culture comme à leurs cultes, cette Mésopotamie sémite et déjà partiellement christianisée ; leur rêve étant de déployer leurs étendards sur l'ensemble des terres qui allaient du Tigre au fleuve Strymon, près duquel naquit Alexandre. Afin qu'un jour Ctésiphon ne fût plus une marche de l'Empire mais son centre.

Rome, en ce même temps, était tout entière tournée vers l'Orient, l'Orient qu'elle idolâtrait, divinisait, dont elle attendait gloire et salut. C'est ainsi qu'elle portait au pouvoir des prétoriens venus de Syrie ou d'Arabie, que ses rares philosophes étaient formés en Egypte, que les croyances qu'elle acceptait de voir répandre étaient celles d'Adonis, d'Hermès Trismégiste, de Mithra l'Indo-Iranien, du Soleil Invincible d'Emèse et même, la plus improbable de toutes, celle d'un activiste juif naguère révolté contre Rome ! De surcroît, on y caressait déjà l'idée de bâtir, non loin du Pont-Euxin, à la jonction de l'Europe et de l'Asie, sur l'emplacement de l'antique colonie grecque de Byzantion, une seconde capitale pour l'Empire, une métropole d'avenir que certains osaient déjà appeler – ô présomption sacrilège ! - la nouvelle Rome.

Des deux puissances qui se disputaient le monde, laquelle saurait prévaloir ? La vague sassanide avait ses chances. Pendant que l'autorité de la « divine dynastie » s'affermissait sous l'égide des rois fondateurs, Rome se dissolvait dans l'anarchie. Durant les seuls règnes d'Ardéshir et de Shabuhr, vingt-quatre Césars s'étaient succédés, comme s'ils se transmettaient en guise de sceptre un manche de poignard. Les citoyens en arrivaient à ne plus connaître le nom de leur souverain du moment, les légions ne savaient à qui obéir ; dès que la Ville acclamait un nouvel empereur, un autre militaire, en Gaules, en Dacie, ou en Italie même, s'était déjà rebellé. Les eaux du Rubicon n'avaient plus mémoire de leur virginité.

Si des barbares tels que les Huns, les Sarmates ou les Alains, menaçaient quelque province sassanide, le roi des rois dépêchait contre eux un chevalier de haute lignée, un preux spahdar qui, sa mission achevée, avait hâte de venir se prosterner fièrement aux pieds de son souverain pour recevoir quelques mots d'éloge et une robe d'honneur. A l'inverse, quand le limes de l'Empire romain était assailli par les mêmes barbares, ou par les Perses, l'empereur se sentait déjà glisser de son trône. Il n'était pas difficile de prévoir que lorsque les légions auraient repoussé l'ennemi, leur commandant, auréolé de sa jeune gloire, marcherait droit sur Rome pour s'emparer du pouvoir. Et si, par extraordinaire, il n'en avait ni le goût ni l'audace, ses centurions le proclameraient imperator à son corps défendant. Seule issue pour tout successeur avisé d'Auguste : se mettre en personne à la tête de ses troupes dans l'espoir de cueillir de ses mains les lauriers du triomphe. Mais, à peine s'était-il éloigné de la Ville, des complots se tissaient.

Et au front non plus il n'était pas à l'abri. Les historiens en sont encore à se demander si l'empereur Gordien, troisième du nom, adolescent guerroyant au nord de la Mésopotamie, fut blessé à mort par quelque tireur mercenaire à la solde des Sassanides ou par la diligence de son propre préfet du prétoire, Marcus Julius Philippus. C'est en tout cas à ce dernier que la rumeur de l'Urbs imputa le crime. Ce qui faisait de lui, selon les moeurs constitutionnelles de l'époque, le plus logique héritier du défunt. Dans la liste des empereurs romains, il apparaît sous le nom de Philippus Arabs, étant né au sein d'une tribu qui nomadisait sur les rives du désert d'Arabie.

Une tribu très tôt acquise, semble-t-il, à la foi du Nazaréen. L'évêque Eusèbe de Césarée, historien de l'Eglise, affirme que Philippe fut, bien avant Constantin, le premier empereur chrétien, qu'il se rendait en secret dans les catacombes, se confessait avec le commun des pénitents ; seule la fragilité de sa position à la tête de l'Empire aurait empêché de clamer tout haut ce qui se chuchotait dans les bas-quartiers d'au-delà du Tibre, comme dans les allées du Capitole.

Il gouverna cinq ans, de 244 à 249. Dits ainsi, selon la tardive datation chrétienne, ces chiffres demeurent anonymes. Il faut les transposer au calendrier romain pour en saisir la portée. 244 correspond à l'an 996 de la fondation de Rome, 249 à l'année 1001. Sous l'auguste patronage de Philippe l'Arabe fut donc célébré, dans un faste inouï, le millénaire de la Ville. Colossales réjouissances qui s'étalèrent sur des mois, jeux du cirque, parades, triomphes, sacrifices, inlassables festivités sur les places publiques, autour d'un thème sans cesse claironné, peut-être pour conjurer l'évidence : l'immortalité de l'Empire et de sa loi.

Un bref instant de règne pour cet énigmatique guerrier bédouin. Mais quel instant !..."


Amin MAALOUF - Les Jardins de lumière



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