Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°461 (2015-12)

mardi 24 mars 2015

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Modest MUSSORGSKY - Exposition de tableaux
Baba Yaga - "la cabane sur des pattes de poules"
orchestré par Maurice RAVEL

Pour regarder et écouter,
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A l'attention d'Angèle,
ma petite nièce, qui aura 4 ans demain,
et qui connait par coeur, l'histoire de Baba Yaga...



L'hiver
à
Courvières (Haut-Doubs)
décembre 2014 - janvier et février 2015


mercredi 31 décembre 2014



Entrée du cimetière
mercredi 31 décembre 2014

Ma ferme comtoise, au soleil couchant, avec la lune...
mercredi 31 décembre 2014

Une des cheminées et la lune
mercredi 31 décembre 2014

Sous les nuages
dimanche 11 janvier 2015

Chapelle "Notre Dame des 7 douleurs"
dimanche 18 janvier 2015

Saule et Courvières
dimanche 18 janvier 2015

Chapelle dans la brume

Les chevaux
dimanche 25 janvier 2015

Aubépine
dimanche 25 janvier 2015

dimanche 25 janvier 2015

Ma tanière sous la tempête :
Surtout ne réveillez pas l'ours qui y hiberne !!
dimanche 1er février 2015

Au bord de la route
dimanche 1er février 2015

samedi 7 février 2015

Le vent a sculpté la neige...
samedi 7 février 2015

Un renard est passé...

Un blaireau est passé...

Le Hêtre
samedi 7 février 2015

L'espace
samedi 7 février 2015

L'église et la chapelle
samedi 7 février 2015

Face à face
samedi 7 février 2015

12 route de Salins
samedi 7 février 2015

Cimetière : fermé pour cause d'hiver !
samedi 7 février 2015

Le "Moulin"
dimanche 8 février 2015

A partir du pont du TGV...
dimanche 8 février 2015


Bourrelets
dimanche 8 février 2015

dimanche 8 février 2015



Petit texte :

"L'éternel mari

Dans les pages jaunes de l’annuaire téléphonique de Garp, «Mariages» figurait non loin de «Menuisiers». Avant «Menuisiers» venaient «Machines», «Maisons de vente par correspondance» et, enfin, «Mariages et conseillers matrimoniaux». Garp cherchait «Menuisiers» quand il tomba sur «Mariages» ; il avait un problème d’étagères et voulait téléphoner pour se documenter, lorsque le mot «Mariages» accrocha son regard, suscitant aussitôt d’autres questions, plus intéressantes et plus troublantes. Garp ne se serait jamais douté, par exemple, qu’il y avait davantage de conseillers matrimoniaux que de menuisiers. Mais tout dépend sans doute de l’endroit où l’on vit. À la campagne, les gens s’intéressent peut-être davantage aux planches.

Garp était marié depuis bientôt onze ans ; pendant cette période, il n’avait jamais eu besoin de planches, et encore moins de conseils. Ce n’était pas à cause de problèmes personnels que Garp s’intéressait à la longue liste de noms dans les pages jaunes de l’annuaire ; c’était parce que Garp passait un temps considérable à essayer d’imaginer ce qu’il éprouverait s’il avait un emploi.

Il y avait le Centre de conseil chrétien, et le Service-Conseil de la communauté pastorale ; Garp se représentait des pasteurs débordant de vitalité, avec des mains sèches et potelées qu'ils frottaient sans arrêt. Ils lâchaient des phrases rondes et onctueuses, pareilles à des bulles de savon, pour dire par exemple : « Nous ne nous berçons pas d'illusions et savons que l'Eglise est souvent impuissante à résoudre les problèmes individuels, comme le vôtre par exemple. Les individus doivent s'efforcer de rechercher des solutions individuelles, ils doivent préserver leur individualité ; cependant, nous savons par expériences que quantité de gens ont découvert l'identité de leur propre individualité dans l'Eglise. »

Devant eux attendait patiemment le couple déconcerté venu dans l'espoir de discuter, disons, le problème de l'orgasme simultané – mythe ou réalité ?

Garp constata que les membres du clergé semblaient très portés sur le rôle de conseiller ; il y avait un Service social luthérien, un révérend Dwayne Kuntz (qui était « homologué ») et une Louise Nagle qui était « ministre de tous les saints » et associée à un truc intitulé l'Association des conseillers familiaux et matrimoniaux des Etats-Unis (qui l'avait « homologuée »). Prenant un crayon, Garp traça des petits zéros en regard des noms des conseillers matrimoniaux dotés de référence religieuses. Tous devaient sans doute offrir des conseils optimistes, pensait Garp.

Il se sentait moins sûr de l'optique des conseillers qui se recommandaient d'une formation plus « scientifique » ; en outre, il était moins sûr de leur formation. L'un d'eux se présentait comme « psychologue clinique consultant homologué », un autre se bornait à faire suivre son nom de « M. A., spécialiste* » ; Garp le savait, ce genre de choses pouvait signifier n'importe quoi, pouvait aussi ne rien signifier du tout. Un étudiant titulaire d'une maîtrise de sociologie, en ex-étudiant en sciences économiques. L'un d'eux annonçait « licencié ès sciences » - peut-être en botanique. Une autre était docteur en philosophie – du mariage ? Un autre était simplement « docteur » - mais médecin ou docteur en philosophie ? Dans le domaine des conseils matrimoniaux, qui serait le plus efficace ? L'un se spécialisait dans la « thérapie de groupe » ; un autre, moins ambicieux peut-être, se contentait de faire miroiter un « bilan psychologique ».

Garp arrêta son choix sur deux favoris. Le premier, un certain Dr. O. Rothrock - « atelier d'auto-évaluation ; cartes de crédit acceptées ». Le second était M. Neff - « sur rendez-vous seulement ». Après le nom de M. Neff, un simple numéro de téléphone. Comment ? Ni références professionnelles ni suprême arrogance ? Les deux peut-être. Si j'avais, moi, besoin de quelqu'un, songea Garp, j'essaierais d'abord M. Neff. Le Dr. O. Rothrock, avec ses cartes de crédit et son atelier d'auto-évalution, était de toute évidence un charlatan. Mais M. Neff était sérieux ; M. Neff avait une philosophie des choses, Garp le sentait.

Garp se laissa aller à une petite incursion en deçà et au-delà de « Mariages », dans les pages jaunes de l'annuaire. Il arriva à « Maçonnerie », « Maternités » et « Matelas et tapis en tous genres - réparations » (une seule adresse, suivie d'un numéro de téléphone de l'extérieur, à Steering : le beau-père de Garp, Ernie Holm, qui, pour occuper ses loisirs et arrondir ses fins de mois, s'était lancé dans la réparation des tapis et matelas pour gymnases ; Garp était à cent lieues de penser à son vieil entraîneur ; il glissa sur « Matelas » sans accrocher sur le nom d'Ernie). Venaient ensuite « Mausolées », « Moulins », « Moulinettes à viande – voir Scies ». Cela suffisait. Le monde était trop compliqué. Garp en revint sans se presser à « Mariages ».

Puis Duncan rentra de l'école. L'aîné de Garp avait maintenant dix ans ; il était grand pour son âge et avait le visage fin et osseux d'Helen et ses yeux marron-jaune en amande. Helen avait un teint chêne clair et Duncan avait lui aussi une peau merveilleuse. De Garp, il tenait sa nervosité, son obstination, ses crises de misérabilisme noir.

- Papa ! fit-il. Est-ce que je peux aller passer la nuit chez Ralph ? C'est très important.
- Quoi ? dit Garp. Non. Quand ça ?

- Tu étais encore en train de lire l'annuaire ? fit Duncan.

Chaque fois que Garp mettait le nez dans un annuaire, Duncan le savait, l'en tirer était aussi difficile que de l'arracher à une sieste. Il lisait souvent l'annuaire, en quête de noms. Garp puisait les noms de ses personnages dans l'annuaire ; quand il était à court d'inspiration, il lisait l'annuaire pour y trouver de nouveaux noms ; puis, inlassablement, il révisait les noms de ses personnages. Lorsque Garp était en voyage, l'annuaire était la première chose qu'il cherchait dans les chambres de motel ; et, en général, il le volait..."

John IRVING - Le Monde selon Garp

*M.A. = Master of Art (titre universitaire)



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