Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°446 (2014-47)

mardi 9 décembre 2014

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Dan Ar Braz - King of Laois

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Variations :
Arbres (et paysages) aux quatre saisons
Haut-Doubs


Alisier blanc (et Château de Joux)
  La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
  samedi 1er décembre 2012

samedi 29 décembre 2012

jeudi 6 février 2014

samedi 17 mai 2014

Dans l'ombre
vendredi 30 mai 2014

vendredi 30 mai 2014

dimanche 28 septembre 2014

dimanche 28 septembre 2014

Sureau noir (I)
  Bouverans (Haut-Doubs)
  samedi 25 janvier 2014

dimanche 16 mars 2014

dimanche 6 avril 2014

samedi 24 mai 2014

dimanche 17 août 2014

samedi 20 septembre 2014

samedi 19 octobre 2014

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
jeudi 24 décembre 2013

samedi 3 mars 2013

mardi 31 décembre 2013

mardi 25 février 2014

samedi 12 avril 2014


samedi 10 mai 2014

dimanche 8 juin 2014

samedi 8 novembre 2014

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 12 février 2012

dimanche 20 avril 2014

août 2010

samedi 6 septembre 2014

dimanche 28 septembre 2014

Hêtre
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 25 mai 2014

automne 2010

lundi 22 septembre 2014

Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 25 mai 2014

lundi 22 septembre 2014

samedi 29 décembre 2012

jeudi 6 février 2014


dimanche 4 mars 2013

vendredi 30 mai 2014

dimanche 28 septembre 2014

Sureau noir (II)
  Bouverans (Haut-Doubs)
  samedi 25 janvier 2014

dimanche 6 avril 2014

samedi 24 mai 2014

dimanche 17 août 2014

samedi 20 septembre 2014

samedi 19 octobre 2014



Petit texte :

"L'Erable rouge

Dès le 25 septembre, les érables rouges commencent à arriver à maturité. Les plus gros changent de façon spectaculaire depuis une semaine ; certains sont maintenant flamboyants. J'en remarque un petit, de l'autre côté de la prairie, à environ un demi-mille ; il se détache sur le fond vert du bois, d'un rouge beaucoup plus vif que les fleurs de certains arbres en été, et plus voyant. Depuis plusieurs automnes, j'observe cet arbre qui change invériablement plus tôt que ses semblables, comme un arbre dont les fruits mûrissent plus tôt qu'un autre. On pourrait le prendre comme point de repère pour la saison ; je serais désolé qu'on l'abatte. J'en connais deux ou trois du même genre dans différents coins de notre commune. On pourrait sans doute développer cette espèce sous le nom de variété à maturité précoce, ou encore arbre de septembre et, si l'on les appréciait autant, on pourrait en vendre les semences au marché comme celles des radis.

En ce moment, ces buissons ardents se dressent surtout à la lisière des prairies, ou bien je les aperçois de loin, ça et là, à flanc de côteau. Parfois, on en voit de tout petits dans un marécage : ils sont déjà cramoisis alors que le reste des arbres qui les entourent est encore tout vert, ce qui les fait paraître encore plus éclatants. Ils vous prennent par surprise, alors qu'en marchant à travers champs, on passe à côté et qu'on les découvre en pleine splendeur si tôt dans la saison, comme un joyeux campement d'hommes rouges ou d'autres forestiers auquel on ne s'attendait pas.

Quand ils se détachent parmi d'autres de leur espèce encore verts, ou au milieu de conifères, certains arbres isolés, déjà tout écarlates, sont encore plus mémorables que ne le seront bientôt des bosquets entiers. Que c'est beau de voir un arbre tout entier ressemblant à un beau fruit mûr débordant de jus savoureux, son feuillage, depuis les branches les plus basses jusqu'à la cime, en plein embrasement, surtout quand on a regardé dans la direction du soleil ! Que peut-il exister de plus remarquable dans un paysage ? On le voit des lieues à la ronde, trop beau pour être vrai. Un tel phénomène dût-il ne se produire qu'une fois, il faudrait le léguer à la postérité par tradition et finir par l'intégrer à la mythologie.

L'arbre qui mûrit ainsi plus tôt que ses semblables atteint un singulier relief qu'il conserve parfois pour une ou deux semaines. Je suis très ému par le spectacle qu'il offre, brandissant très haut son étendard écarlate, en tête d'un régiment de forestiers tout de vert habillés, et je fais un détour d'un demi-mille pour aller l'examiner. Un seul arbre devient ainsi dans sa beauté le couronnement d'un simple vallon, et l'expression de toute la forêt qui l'entoure en est soudain animée, comme par enchantement.

Un petit érable rouge a poussé par hasard, loin au fond d'une vallée isolée, à un mille de toute route, à l'insu de tous. Il y a accompli son devoir d'érable pendant tout l'hiver et tout l'été en ne négligeant aucune de ses ressources ; mais, en vertu même de sa qualité d'érable, il a accru sa stature en poussant régulièrement au cours des mois, sans jamais vagabonder à l'aventure, si bien qu'il est maintenant plus proche du ciel qu'il n'était au printemps. Il a fidèlement entretenu sa sève, fourni un abri à l'oiseau errant, laissé longuement mûrir sa semence avant de la confier aux vents, et il a la satisfaction de savoir qu'un millier de petits érables bien élevés sont peut-être déjà installés dans la vie quelque part. Il a bien mérité de la patrie érablière. Ses feuilles lui ont demandé de temps en temps dans un murmure : « Quand donc allons-nous enfin rougir ? » Et maintenant, au mois de septembre, ce mois des voyages où tout le monde se rue vers la mer, la montagne ou les lacs, cet humble petit érable, sans bouger d'un pouce, accomplit le voyage de sa renommée : il hisse son drapeau écarlate sur cette colline pour montrer qu'il a terminé son travail d'été avant tous les autres arbres et il se retire de la course. A la onzième heure de l'année, cet arbre que nul, en dépit de ses efforts, n'aurait pu détecter au temps où il était en pleine activité, par la couleur dont le nimbe la maturité, par la rougeur de son teint, cet arbre se révèle enfin au voyageur éloigné et insouciant, et détourne ses pensées de la route poussiéreuse pour les conduire vers la solitude grandiose qu'il habite. Il domine le paysage de tout l'éclat flamboyant que lui confèrent sa vertu et sa beauté d'érable, - Acer rubrum. On peut désormais lire clairement son titre, sa rubrique. Ce sont ses vertus, non ses péchés, qui sont écarlates*.

Malgré le fait que l'érable rouge soit le plus écarlate de tous nos arbres, c'est l'érable à sucre qui a été le plus célébré ; Michaux, dans son Sylva, ne parle pas de la couleur du premier à l'automne. Aux environs du deuxième jour d'octobre, ces arbres, grands ou petits, sont d'une teinte très vive, bien que certains soient encore verts. Dans les « pépinières naturelles », ils semblent rivaliser les uns avec les autres. Au milieu de la foule, il y en a toujours un, d'un écarlate particulièrement pur, qui, par sa couleur intense, attire le regard, même à distance, et remporte la palme. Là où je demeure, il y a une zone marécageuse où poussent les érables qui, lorsqu'elle est au faîte de sa gloire, est de toutes choses tangibles, la plus manifestement colorée, tant il y a abondance de tels arbres chez nous. Ils varient à la fois en forme et en couleur. Un grand nombre, sont franchement écarlates, d'autres encore d'un écarlate tirant sur le carmin, d'un rouge plus accentué que la normale. Regardez là-bas ce marécage où les érables se mêlent à quelques pins, au pied de la colline couverte de pins, à un quart de mille d'ici : vous aurez une bonne idée de ce jeu de coloris, sans détecter les imperfections des feuilles et vous verrez comment l'embrasement jaune, écarlate et cramoisi de toutes les couleurs se mêle et contraste avec le vert. Certains érables sont encore verts, seule la pointe de leurs feuilles est jaune ou cramoisie, comme les bords de l'involucre d'une noisette ; d'autres sont franchement d'un rouge éclatant qui se répartit joliment et régulièrement en rayons, bilatéralement, comme les veines d'une feuille. D'autres encore, de forme plus irrégulière, semblent, quand je penche légèrement la tête pour me détacher du sol et masquer le tronc de l'arbre, reposer lourdement sur leurs frondaisons qui font comme des nuages jaunes et écarlates, volutes après volutes, ou encore des paquets de neige qui voltigent, stratifiés par le vent. Ce qui ajoute beaucoup à la beauté de tels marécages à cette saison, c'est que, même s'il n'y a pas d'autres arbres parmi eux, on ne les perçoit pas comme une simple masse de couleurs, de différentes teintes, la ligne courbe du sommet de chacun des arbres est distincte et permet de voir la fusion de l'un dans l'autre. Un peintre, cependant, n'oserait pas se risquer à les rendre aussi distincts à un quart de mille de distance.

Par ce bel après-midi, alors que je traverse une prairie en direction d'un petit tertre, à quelque cinquante perches, en direction du soleil, je vois la cime d'un marécage à érables qui se profile juste au-dessus de la crête rousse et luisante de la colline et forme une bande d'une vingtaine de perches de long sur environ dix pieds de profondeur, où se mêlent l'écarlate, l'orange et le jaune ; ces couleurs sont d'une intensité qui n'a rien à envier aux fruits les plus mûrs, ni aux fleurs les plus épanouies, ni non plus aux coloris les plus vifs sortis de la palette d'un peintre. Au fur et à mesure que j'avance et que se rapproche la colline qui constitue le premier plan ou le cadre inférieur du tableau, la profondeur du bosquet lumineux se révèle et s'accroît, suggérant que toute la vallée est emplie de cette couleur. On se demande pourquoi les percepteurs de la dîme et les notables de la commune ne sont pas venus constater ce que valent ces arbres aux belles couleurs et à la vitalité exubérante, craignant qu'il ne se trame quelque chose de fâcheux. Je ne vois pas bien ce que les puritains pouvaient faire à cette saison, quand les érables dardent de toutes parts leurs flammes écarlates. Ils ne pouvaient certes pas adorer le seigneur au milieu des arbres. Peut-être que c'est pour cela qu'ils bâtissaient des temples et les entouraient d'abris pour les chevaux..."

*En anglais, la couleur écarlate est associée au péché.

Henry David Thoreau - Teintes d'Automne



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