Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°441 (2014-42)

mardi 4 novembre 2014

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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JS Bach - Cantate BWV 198
"Trauerode"

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Ambiance : début de l'
Automne à
Astugue (Hautes-Pyrénées)
du 4 au 11 octobre 2014


Milan royal
samedi 4 octobre 2014

Montaigu

Pic du Midi de Bigorre

Dans les prés

Toile

Montagnes, au loin...

Ida,
au pied d'un Chêne

La Grange

Fougère

Aragne

Dans la lumière

Au sommet du Châtaignier

Capucine

Forêt

Ruisseau


Le Bêlier

Roland, le "Patou"

Au repos

lundi 6 octobre 2014

Crocus à fleur nue
mardi 7 octobre 2014

Châtaigne
mercredi 8 octobre 2014

Gland

Contre-jour

Mésange nonette

Ronce

Rose trémière

Crépuscule

jeudi 9 octobre 2014

Linaire

Panorama

Sommet et Névés

Chêne et Bouleaux

Treillis de Lierre

Samuel, mon frère, conduit son troupeau à la bergerie
(ce sont des chèvres pyrénéennes et des brebis Basco-Béarnaises...)

Changement de couleur

Les granges

Mauve, sous la pluie


Ciel rouge
vendredi 10 octobre 2014

samedi 11 octobre 2014

Champs de Crocus

Lézard des murailles mâle

Opilion

samedi 11 octobre 2014



Petit texte :

"Le Festin des Morts

Je veux vous faire part, mon Révérend Père, ainsi qu'aux autres chers lecteurs français qui prendront connaissance de mon journal, de la chose la plus magnifique à laquelle il m'ait été donné d'assister en ces terres païennes. Il s'agit du Festin des Morts, qui à ce que l'on m'a dit, a lieu environ tous les douze ans quand le village doit aller s'installer ailleurs parce que les champs aux alentours sont épuisés.

Certes, déplacer ainsi une communauté de quelques deux milles âmes relève de l'exploit, mais c'est la cérémonie elle-même ainsi que le respect manifesté envers les morts qui m'ont vraiment stupéfié. Comme j'en ai été témoin, elle se déroule sur une dizaine de jours, et elle ne concerne pas uniquement le grand village des Attignawantas, le Peuple de l'Ours, qui m'ont accueilli, mais aussi les plus petits villages composant leur nation. Dans chacun d'eux, on se rend dans les cimetières pour exhumer les morts des tombes où ils ont été ensevelis. Toutes les familles traitent leurs défunts avec tant d'égards, versant des pluies de larmes, qu'on imaginerait que leur deuil remonte à quelques jours, ce qui n'est que rarement le cas. Les cadavres sont à différents stades de décomposition. Ils se réduisent parfois à de simples ossements auxquels peuvent encore demeurer attachés des lambeaux de peau parcheminée. D'autres, qui ne montrent presque aucun signe de putréfaction, donnent l'impression d'avoir été boucanés, tandis que les plus récents grouillent de vers.

Une fois les morts déterrés, on les expose pour que les membres de la famille puissent de nouveau les pleurer, et c'est ce spectacle qui m'a le plus frappé, cette propension qu'ont les Sauvages à contempler ce qu'un jour ils deviendront. Il y a dans cette étrange pratique quelque chose dont nous, les chrétiens, pourrions tirer une sage leçon, à savoir que nous prendrions davantage conscience de notre malheureux état de mortel, et nous réaliserions alors que ce n'est pas ce monde que nous devrions chérir, mais la promesse de celui à venir. Et pourtant, nous n'en sommes qu'au début de la cérémonie.

Après que les familles ont eu suffisamment de temps pour pleurer encore leurs aimés, on couvre ceux-ci de magnifiques fourrures de castor qu'on ôte un peu plus tard pour gratter la chair et la peau qui restent, veillant à brûler le tout avec les pélisses et les nattes qu'on a trouvées dans la tombe. Les cadavres qui ne sont pas encore entièrement décomposés, on les places sur une natte d'écorce avant de les couvrir à leur tour d'une fourrure.

Cette coutume consistant à traiter ainsi les dépouilles pourrait sembler barbare, mais je dois vous avouer, mon Révérend Père, que je n'ai jamais été témoin d'un amour aussi pur et absolu pour un parent défunt. Une jeune mère pleurait tellement qu'elle baignait de ses larmes les ossements de son enfant pendant qu'elle les nettoyait. Personne ne manifestait la moindre répugnance en écharnant ainsi ses chers disparus, et ce devoir qu'ils rendent à leurs morts devrait servir d'exemple à tous les chrétiens. Quel acte de charité pourrait se comparer même de loin à un tel hommage ? Soigner les patients dans un hôpital ou laver à genoux les pieds d'un malade couvert de plaies paraîtrait presque banal à côté.

Les deux ou trois jours de deuil écoulés, on range les ossements dans de splendides sacs en peau de castor décorés que l'on porte sur le dos, recouverts d'une belle fourrure, et les familles quittent leurs maisons-longues pour entamer ensemble la marche entre leur ancien village et le nouveau, rejointes en cours de route avec une concordance saisissante par les autres communautés venues de plus petits villages. Pareils à des moineaux se perchant le soir sur un grand chêne pour se reposer, des milliers de ces Sauvages se regroupent autour du nouveau village, puis habitants comme visiteurs entrent dans leurs propres maisons-longues ou bien dans celles de leurs hôtes où chacune des familles prépare un festin pour ses morts.

Un capitaine de leur confédération m'a appris que ces Hurons étaient convaincus qu'un corps possède deux âmes ou okis. L'une, plus spécialement attachée au corps, demeurera avec lui au cimetière, veillant sur lui pour l'éternité à moins que quelqu'un, un enfant, ne se l'approprie à nouveau. Quand j'ai demandé au chef en question pourquoi il croyait cela, il m'a fait remarquer, afin de me prouver l'existence de de passage de l'âme d'un corps à un autre, combien certains ressemblaient de façon étonnante à une personne décédée. Pauvre idolâtre à l'esprit simple !

Selon lui, la seconde âme abandonne le corps pour entreprendre un voyage pénible vers un « village des âmes » très comparable à celui des vivants. Longeant la rive sud de ce que les Hurons appellent la Mer d'eau douce, elle passe devant une falaise sur laquelle sont peints d'anciens animaux, d'aucuns de forme humaine, certains moitié homme, moitié bête, et autres effrayantes créatures marines.

Au-delà de cette falaise, un esprit malveillant nommé Celui-qui-Perce-les-Têtes extirpe le cerveau des défunts qui doivent alors franchir une rivière en marchant sur un tronc d'arbre instable gardé par un chien qui bondit sur eux pour leur faire peur, de sorte qu'ils sont nombreux à tomber dans le courant dangeureux. Seigneur, donnez-moi le courage et la résolution nécessaires pour éclairer ceux qui errent dans les ténèbres.

Revenons à la cérémonie que j'ai mentionnée, mon Révérend Père. Une fois que tout le monde est arrivé au nouveau village et a pleuré ses morts trois jours durant, on porte les sacs d'os, ou sacs d'esprits, dans les plus grandes habitations du clan où ils sont exposés à côté des cadeaux destinés aux défunts, colliers, marmites et fourrures. On donne un nouveau festin dans chacune de ces maisons-longues, et tous les membres de la famille chantent et pleurent leurs morts. Les invités ont le droit de manger tout ce qui leur plaît et même d'emporter un peu de nourriture, ce qui est normalement interdit. Quand ils finissent par partir, ils chantent à pleins poumons : « Haeey ! Haeey ! » pour apaiser et réconforter leurs parents décédés logés dans les sacs d'esprits. C'est quelque chose qu'il faut entendre, quelque chose d'aussi terrifiant que des loups qui hurlent au clair de lune.

Dans les jours qui suivent, l'humeur change et l'excitation gagne les gens des différentes communautés qui s'affrontent dans des jeux. J'ai vu de mes propres yeux des femmes tirer à l'arc aussi bien que les hommes pour essayer de remporter des ceintures en piquants de porc-épic, des colliers ou des perles. Les jeunes luttent férocement pour s'emparer d'un bâton, tandis que d'autres se livrent à des compétitions de jets de lances pour conquérir des haches, des couteaux ou des peaux de castor. Ces Sauvages sont physiquement doués et aussi sains et forts que toutes les races que j'ai eu l'occasion de rencontrer..."

Joseph BOYDEN - Dans le grand cercle du monde



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