Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°432 (2014-33)

mardi 26 août 2014

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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17 Hippies - Jovano Jovanke

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Attitudes de Moineaux domestiques
Haut-Doubs
avril, mai, juin, juillet et août 2014


Transport de matériaux pour la construction du nid
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 20 avril 2014

Dans l'herbe fraîchement coupée !
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 4 mai 2014

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 4 mai 2014

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 4 mai 2014

Moineau femelle
Courvières (Haut-Doubs)

  jeudi 8 mai 2014

Courvières (Haut-Doubs)
  jeudi 8 mai 2014

Premières mouches
Courvières (Haut-Doubs)

jeudi 8 mai 2014

Envol
Courvières (Haut-Doubs)

jeudi 8 mai 2014

Courvières (Haut-Doubs)
jeudi 8 mai 2014

Courvières (Haut-Doubs)
jeudi 8 mai 2014

Courvières (Haut-Doubs)
jeudi 8 mai 2014

Courvières (Haut-Doubs)
  jeudi 8 mai 2014

Courvières (Haut-Doubs)
  jeudi 8 mai 2014

Courvières (Haut-Doubs)
  jeudi 8 mai 2014

Sur le toit de mon garage
(Moineau mâle, le nid est sous le toit de ma ferme)
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 24 mai 2014

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 24 mai 2014

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 24 mai 2014

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 24 mai 2014

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 31 mai 2014

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 1er juin 2014


Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 1er juin 2014

Dans un Saule
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

dimanche 8 juin 2014

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 21 juin 2014

Dans l'herbe
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 21 juin 2014

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 21 juin 2014

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 21 juin 2014

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 21 juin 2014

<image recadrée>
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 21 juin 2014

Nourrissage
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 21 juin 2014

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 21 juin 2014

Jeune
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 21 juin 2014

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 19 juillet 2014

Moineau mâle à la recherche d'insectes
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 19 juillet 2014

Courvières (Haut-Doubs)
mercredi 23 juillet 2014

Courvières (Haut-Doubs)
mercredi 23 juillet 2014

Courvières (Haut-Doubs)
mercredi 23 juillet 2014

Moineau femelle à la recherche d'insectes
Courvières (Haut-Doubs)

vendredi 25 juillet 2014

Courvières (Haut-Doubs)
vendredi 25 juillet 2014

Courvières (Haut-Doubs)
vendredi 25 juillet 2014

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 26 juillet 2014

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 27 juillet 2014

Courvières (Haut-Doubs)
mardi 29 juillet 2014

Moineau mâle
Courvières (Haut-Doubs)

mardi 29 juillet 2014

Courvières (Haut-Doubs)
mardi 29 juillet 2014

Courvières (Haut-Doubs)
mardi 29 juillet 2014

Miam !
<image recadrée>
Courvières (Haut-Doubs)

mardi 29 juillet 2014

Courvières (Haut-Doubs)
mardi 29 juillet 2014

Face à face
Courvières (Haut-Doubs)

mardi 29 juillet 2014

Courvières (Haut-Doubs)
mardi 29 juillet 2014

Sous la pluie !
<image recadrée>
Courvières (Haut-Doubs)

mardi 29 juillet 2014

Portrait d'une femelle
Courvières (Haut-Doubs)

mardi 29 juillet 2014

Portrait d'un mâle
Courvières (Haut-Doubs)

mardi 29 juillet 2014

Femelle et jeune
Courvières (Haut-Doubs)

mardi 29 juillet 2014

Contre-jour
Courvières (Haut-Doubs)

mercredi 30 juillet 2014

Perché !
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 9 août 2014


Petit texte :

"Les chemins de Batchka appartiennent aux furets, aux meneuses d'oies, aux carrioles noyées de poussière, et sont les plus mauvais du Balkan. Tant mieux pour la Batchka qui, à l'abri de ses ornières n'a quasiment pas vu passer la guerre, et tant mieux pour nous qui n'étions pas pressés d'en finir avec ce paysage. C'est déjà la plaine à chevaux, l'horizon à pâtures vertes percé çà et là par un noyer solitaire ou l'antenne d'un puits à balancier. La province est de langue hongroise. Les femmes y sont belles et portent le dimanche un costume d'une opulence mélancolique ; les hommes, petits, bavards, obligeants, fument de minces pipes à couvercle et vont encore à la messe en souliers à boucles d'argent. L'ambiance est capricieuse et triste. En un après-midi on est ensorcelé.

Il faisait nuit quand nous avons atteint Bogoiévo. Le village, cossu et silencieux, se groupait autour d'une lourde église fraîchement blanchie à la chaux. Pas de lumière, sauf à l'auberge d'où parvenait les bruits feutrés d'une dernière partie de billard. Dans la salle, trois paysans en complet noir combinaient sans mot dire des coups rapides, astucieux et leur ombre dansait agrandie sur le mur blanc. Face à un crucifix, un ancien portrait le Lénine – Lénine en cravate lavallière – pendait accorché au-dessus du comptoir. Seul à une table, un berger en pelisse trempait du pain dans sa soupe. L'ensemble était assez singulier, mais pas trace de Tziganes. Nous nous étions trompés de Bogoiévo. Il y a deux villages voisins : Bogoviévo-des-Paysans et Bogoviévo-des-Tziganes. Un côté Ramuz et un côté Stravinski qui ne semblaient d'ailleurs pas faire trop bon ménage. Les trois joueurs interrogés sur le pas de la porte nous désignèrent d'un geste vague une boucle du Danube qui brillait à une portée de fusil. Notre méprise leur restait sur le coeur. Le temps de retenir la seule chambre de l'auberge et nous étions repartis.

Derrière la berge du fleuve, Bovoiévo-des-Tziganes dormait déjà, mais, à quelques pas du camp, à l'orée d'un pont rompu, dans une cabane couverte de liserons, nous avons surpris quelques-uns de ses hommes qui passaient la nuit à boire et à chanter. De la cuisine éclairée au pétrole montait une musique d'une gaieté canaille. On se poussa pour guigner au carreau : près de la lampe, un pêcheur vidait des anguilles tandis qu'une grosse campagnarde tournait pieds nus dans les bras d'un soldat. Assis en rang derrière une table chargée de litres à moitié vides, cinq Tziganes dans la quarantaine, cinq Tziganes pouilleux, guenilleux, finauds, distingués, grattaient leurs instruments rapiécés et chantaient. Des visages à larges pommettes. Des cheveux noirs, plats, longs sur la nuque. Des têtes d'Asiates, mais frottés à tous les petits chemins d'Europe, et cachant l'as de trèfle ou la clé des champs au fond de leurs feutres mités. Il est très rare de surprendre les Tziganes au gîte ; cette fois-ci, nous ne pouvions pas nous plaindre, c'était vraiment le terrier.

Lorsqu'on apparut sur la porte, la musique s'arrêta net. Ils avaient posé leurs instruments et nous fixaient, stupéfaits et méfiants. Nous étions nouveaux venus dans ces campagnes où rien n'arrive ; il fallait montrer patte blanche. On s'assit à leur table qu'on fit regarnir de vin, de poisson fumé, de cigarettes. Lorsque le soldat disparut avec la fille, ils reprirent leurs aises, comprenant que nous étions entre chemineaux, et se mirent à nettoyer les plats avec beaucoup de coquetterie. Entre les tournées nous parlions ; en français à Mileta qui s'adressait en serbe au patron qui traduisait en hongrois au Tziganes, et retour. L'ambiance était redevenue cordiale. Je branchai l'enregistreur et la musique recommença.

D'ordinaire, les Tziganes jouent le folklore de la province dans laquelle ils se trouvent ; czardas en Hongrie, oros en Macédoine, kolo en Serbie. Ils empruntent leur musique, comme tant d'autres choses, et la musique est sans doute la seule qu'ils restituent après l'avoir empruntée. Il va sans dire qu'il existe aussi un répertoire proprement tzigane sur lequel ils sont très discrets et qu'on n'entend que rarement. Mais ce soir-là, dans leur repaire et sur leurs intruments bricolés, c'était justement leur musique qu'ils jouaient. De vieilles complaintes que leurs cousins des villes ont oubliées depuis longtemps. Des chansons frustres, excitées, vociférantes qui racontent en langue romani les avatars de la vie quotidienne : larcins, petites aubaines, lune d'hiver et ventre creux...

Jido helku peru rosu

Fure racca siku kosu
Jido helku peru krec

Fure racca denkucec

Jano ule ! Jano ule !

Supilecu pupi sore...


Le juif à la tignasse rousse,

Vole un coq rouge et un canard

Le juif roux avec ses bouclettes

Dérobe un canard dans un coin.

Tu leur as plumé les pattes

Pour ta mère qui les mangera,

Plus tendre que le coeur des roses rouges.

Holà Janos ! Holà...

Nous écoutions. Pendant que Janos disparaissait avec ses volailles plumées et que les Tziganes scandaient sa fuite sur leurs crincrins avec une turbulence de gosses, un vieux monde sortait de l'ombre. Nocture et rustique. Rouge et bleu. Plein d'animaux succulents et sagaces. Monde de luzerne, de neige et de cabanes disjointes où le rabbin en caftan, le Tzigane en loques et le pope à barbe fourchue se soufflaient leurs histoires autour du samovar. Un monde dont ils changeaient l'éclairage avec désinvolture, passant sans crier gare d'une gaieté de truands à des coups d'archet déchirants...

Tote lume zisi mie, Simiou fate de demkonsie... - et pourtant, tout le monde m'avait dit : épouse la fille du voisin...

La nouvelle mariée a-t-elle filé avec un autre ? Etait-elle moins vierge qu'on ne l'avait promis ? Peu importait l'histoire ; il leur plaisait tout d'un coup d'être tristes et n'importe quel thème aurait fait l'affaire. Le temps de quelques cigarettes, ils allaient faire gémir leurs cordes pour le simple plaisir de se mettre l'âme à l'envers.

Langueur toute provisoire. L'instant d'après, les deux plus acharnés, que nous avions dû – pour les besoins de l'enregistrement – reléguer avec ménagement derrière leurs collègues, menaient un train d'enfer. Un retour au style gaillard était à craindre et se produisit en effet au moment de notre départ, sans égard au pêcheur et propriétaire de la cabane qui bâillait dans un coin, les poings sur les yeux.

Il était tard lorsque les cloches de la grand-messe nous réveillèrent à toute volée. Les colombes picoraient dans la cour de l'auberge, le soleil était haut. Café au lait sur la place dans de larges bols blancs à bords dorés, en regardant les femmes en route vers l'église toute tendue d'oriflammes. Elles portaient des escarpins, des bas de fil blanc, des jupes brodées, en forme de corolle, gonflées par les jupons de dentelle, des corsages lacés et, sur le sommet du chignon, un flot de rubans fixés à un petit calot. Belles, élancées, d'un seul jet.

- Elle se serrent tant la taille, nous souffla l'aubergiste, que chaque dimanche vous en avez deux ou trois qui s'évanouissent avant l'Elévation.

Il baissait la voix avec respect. Il faut vraiment qu'une civilisation campagnarde soit dans sa fleur pour qu'on vous y parle des femmes avec ce ton de mystère. Avec ses filles hâlées, son linge frais empesé, ses chevaux aux pâturage et le voisinage des Tziganes pour servir de levain à cette pâte, Bogoièvo-des-Paysans avait bien de quoi être heureux..."

Nicolas Bouvier - L'Usage du Monde



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