Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°397 (2013-48)

mardi 17 décembre 2013

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Pink Floyd (David Gilmour) - High Hope

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Sur le bord de l'eau

Haut-Doubs
novembre - décembre 2013


Foulque macroule
  La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
lundi 11 novembre 2013


Couple de Canard colvert
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Dans les roseaux
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Mésange charbonnière
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Mésange bleue
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
lundi 11 novembre 2013

Pic épeiche femelle
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
lundi 11 novembre 2013

Etourneau sansonnet
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
lundi 11 novembre 2013

Envol de Fuligule milouin
 
Bouverans (Haut-Doubs)
lundi 11 novembre 2013

Bouverans (Haut-Doubs)
lundi 11 novembre 2013

Bouverans (Haut-Doubs)
lundi 11 novembre 2013

Bouverans (Haut-Doubs)
lundi 11 novembre 2013

Bouverans (Haut-Doubs)
lundi 11 novembre 2013

Rougegorge familier
Bouverans (Haut-Doubs)

  dimanche 1er décembre 2013

Bouverans (Haut-Doubs)
  dimanche 1er décembre 2013

Grande Aigrette (dans l'azur)
Bouverans (Haut-Doubs)
dimanche 1er décembre 2013

Grande Aigrette (dans la brume)
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

  dimanche 8 décembre 2013

Canard colvert mâle (et givre)
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
  dimanche 8 décembre 2013

Angélique givrée
<image recadrée>
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
  dimanche 8 décembre 2013

Surprise !
<image recadrée>
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
dimanche 8 décembre 2013


<image recadrée>
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

dimanche 8 décembre 2013


L'oiseau du givre...
<image recadrée>

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
dimanche 8 décembre 2013

Après l'envol
<image recadrée>
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
dimanche 8 décembre 2013

Butor étoilé
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
dimanche 8 décembre 2013

Butor étoilé II, hôte de la roselière
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
dimanche 8 décembre 2013

Couple de Canard colvert
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

dimanche 8 décembre 2013

Fuligule milouin
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

dimanche 8 décembre 2013

Faisan mâle courant (flou !)
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

dimanche 8 décembre 2013

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
dimanche 8 décembre 2013

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
dimanche 8 décembre 2013

Troupe de Canard colvert
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 15 décembre 2013

Foulque macroule
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 15 décembre 2013

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 15 décembre 2013

Au repos, sur la glace
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 15 décembre 2013

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 15 décembre 2013

Dans l'ombre...
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 15 décembre 2013



Petit texte :

"Le voyage fournit des occasions de s’ébrouer mais pas – comme on le croyait – la liberté. Il fait plutôt éprouver une sorte de réduction ; privé de son cadre habituel, dépouillé de ses habitudes comme d’un volumineux emballage, le voyageur se trouve ramené à de plus humbles proportions. Plus ouvert aussi à la curiosité, à l’intuition, au coup de foudre.

Ainsi, un matin, sans savoir pourquoi, nous emboîtâmes le pas à une pouliche qu’un paysan venait d’aller laver à la rivière. Une pouliche haute sur jambes, les yeux comme des marrons dans leur coque entrouverte, et une robe sans défaut sous laquelle les muscles jouaient avec une coquetterie souveraine. Ce que j’avais vu de plus femme en Yougoslavie. Dans la rue, les boutiquiers se retournaient sur elle. Les pieds au frais dans la poussière nous l’avons suivie en silence, comme deux vieux «marcheurs» éperdus, le cœur entre les dents. Nous nous étions littéralement rincé l’œil. Parce que l’œil a besoin de ces choses intactes et neuves qu’on trouve seulement dans la nature : les pousses gonflées du tabac, l’oreille soyeuse des ânes, la carapace des jeunes tortues.

Ici la nature se renouvelle avec tant de force que l’homme, à côté, paraît sans âge. Les visages durcissent et s’altèrent tout de suite, comme des coins enfoncés au cœur de la bagarre : tannés, cicatrisés, labourés par la barbe, la variole, la fatigue ou le souci. Les plus tranchants, les plus beaux, même ceux des gosses, sont comme si une armée de bottes avait passé dessus. Jamais on ne voit, comme chez nous, de ces visages lisses, ruminants, inexistants à force de santé et sur lesquels tout reste à inscrire.

Seuls les vieux ont de la fraîcheur, une fraîcheur au second degré, conquise sur la vie.

Dans les jardinets qui ceinturent la ville, on tombe ainsi au point du jour sur des musulmans aux barbes soignées, assis sur une couverture entre les haricots, qui hument en silence l’odeur de la terre et savourent la lumière naissante avec ce talent pour les moments bien clos de recueillement et de bonheur que l’Islam et la campagne développent si sûrement. Lorsqu’ils vous aperçoivent, ils vous hèlent, vous font asseoir, tirent un canif de leur culotte et vous préparent une de ces tranches de pastèque qui impriment de la bouche aux oreilles une marque rose et poisseuse.

C’est ainsi que nous avons rencontré le Mollah de la mosquée, qui sait quelques mots d’allemand. Il nous roule des cigarettes puis se présente courtoisement en désignant le minaret. Et nous ?

Peintre et journaliste…

Ganz nie Sie wollen – (tout à fait comme il vous plaira) – rétorque poliment le Mollah auquel ces deux professions ne disent pourtant rien qui vaille, puis il reprend sa méditation.

Un autre matin que j’étais accroupi dans le jardin municipal en train de photographier la mosquée, un œil fermé, l’autre sur le viseur, quelque chose de chaud, de rugueux, sentant l’étable, se pousse contre ma tête. J’ai pensé à un âne – il y en a beaucoup ici, et familiers, qui vous fourrent le museau sous l’aisselle – et j’ai tranquillement pris ma photo. Mais c’était un vieux paysan venu sur la pointe des pieds coller sa joue contre la mienne pour faire rire quelques copains de soixante-dix – quatre-vingts ans. Il est reparti, plié en deux par sa farce ; il en avait pour la journée.

Le même jour j’ai aperçu par la fenêtre du café Jadran un autre de ces ancêtres en bonnet fourré, quelques pépins de passa-tempo [grains de Tournesol grillés] dans la barbe, qui soufflait, l’air charmé, sur une petite hélice en bois. Au Ciel pour fraîcheur de cœur !

Ces vieux plaisantins sont ce qu’il y a de plus léger dans la ville. À mesure qu’ils blanchissent et se cassent, ils se chargent de pertinence, de détachement et deviennent semblables à ces bonshommes que les enfants dessinent sur les murs. Des bonshommes, ça manque dans nos climats où le mental s’est tellement développé au détriment du sensible ; mais ici, pas un jour ne passe sans qu’on rencontre un de ces êtres pleins de malice, d’inconscience et de suc, porteurs de foin ou rapetasseurs de babouches, qui me donnent toujours envie d’ouvrir les bras et d’éclater en sanglots.

L’accordéoniste qui fait danser, le samedi soir, dans le jardin du Macedonia, s’en tire assez bien, mais le soufflet crevé de son instrument lui envoie à la figure un jet d’air froid qui l’oblige pratiquement à jouer les yeux fermés. Tierry lui a prêté le sien : un «cent-vingt-basses» puissant à réveiller les morts, et l’autre a tant joué et tant bu qu’il a fallu se mettre à plusieurs, dans les rires, pour le lui retirer avant qu’il ne s’étale avec.

Ici, comme en Serbie, la musique est une passion. C’est aussi un «Sésame» pour l’étranger : s’il l’aime, il aura des amis. S’il enregistre, tout le monde, même la police, s’emploiera à lui racoler des musiciens.

Ainsi, à quelques jours du départ, le professeur de chant est venu de bon matin crier sous nos fenêtres qu’il avait pu enfermer dans sa classe le meilleur cornemusier du pays. Nous lui avons emboîté le pas, un peu gênés tout de même. Nous n’en demandions pas tant, mais la prise avait l’air de taille : c’était un vieux borgne et déplumé, l’œil mouillé de malice, qui somnolait sous le tableau noir, sa cornemuse entre les genoux.

Il s’appelait Lefteria, ce qui à une lettre près signife «liberté», et courait depuis trente ans les chemins de Macédoine pour faire les noces et les baptêmes. L’air mortifié de s’être ainsi laissé coincer par le professeur. Il fallut l’inviter au Jadran et lui offrir quatre tournées pour l’amener à composition. Entre temps une véritable cour s’était rassemblée pour l’écouter : le marchand de cercueils, le postier, le secrétaire du Parti, tous des garçons dans la trentaine qui lui témoignaient de grands égards.

Le soleil était au plus haut et la chaleur terrible. La cornemuse puant le suint et le cuir mal tanné attirait des myriades de mouches qui formaient des auréoles bourdonnantes sur les crânes perlés de sueur. C’était - cette cornemuse – la peau entière d’un mouton, terminée vers le haut par une embouchure, et dessous, par un bourdon et un pipeau à cinq trous sur lequel les doigts modelaient le jet d’air acide que la pression chassait du sac. Il jouait une chanson de noce que la mariée adresse à l’époux en franchissant le seuil de sa nouvelle demeure :

Tu m’as séparée de mon père et de mon frère

Tu m’as séparée de ma mère

Ah! pourquoi t’ai-je aimé?

D’ordinaire les mélodies macédoniennes ont quelque chose de savant et d’orné qui rappelle la musique d’église. Même dans les plus vigoureuses il flotte un peu de mélancolie chrétienne. On se dit qu’à l’époque où tout n’était que broussailles, les moines des couvents byzantins devaient chanter leurs cantiques et leurs neumes avec ces mêmes voix rêches, perçantes, bourrées de sang. Mais la cornemuse fait exception. Son emploi n’a pas dû changer beaucoup depuis les Atrides.

C’est antique, la cornemuse, et fait pour exprimer des choses immémoriales : le cri du geai, la chute d’une averse, la panique d’une fille poursuivie. Et c’est bien de Pan qu’il s’agit, parce que le cœur du souffleur, le poil et la peau du sac, son embouchure cornée appartiennent à son règne. Le vieux modulait de plus en plus vite. Nous étions transportés. Lorsqu’il attaqua la danse finale : un caquetage impérieux sorti du fond des âges, la salle était noire de monde et tous les derrières, tous les orteils du café étaient en mouvement.

Depuis ce jour, l’opérateur de Radio-Prilep qui compose les programmes à sa guise nous envoie, pour nous obliger, un peu de musique française sur les haut-parleurs de la place. À l’heure où le soleil abandonne la rue bouillante et où la ville vous regarde de ses yeux meurtris, les frémissements du quatuor de Ravel s’envolent en tremblant au-dessus des charrettes et des toits, et nous savourons ce quart d’heure d’émission «talon-rouge» aimablement offert par un marxiste bon teint..."

Nicolas Bouvier - L'Usage du Monde



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