Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°396 (2013-47)

mardi 10 décembre 2013

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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JS Bach - Cantate de l'Avent : BWV 36

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Variations :
végétation en Automne
Haut-Doubs
octobre - novembre 2013


Falaise
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 26 octobre 2013


Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 26 octobre 2013

Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 26 octobre 2013

Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 26 octobre 2013

Hêtre
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 26 octobre 2013

Alisier
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 26 octobre 2013

Herbe
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 26 octobre 2013

Hêtraie-sapinière
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 26 octobre 2013

Alisier II
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 26 octobre 2013

Alisier III
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 26 octobre 2013

Noisetier
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
vendredi 1er novembre 2013

La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
vendredi 1er novembre 2013

Viorne obier
Bouverans (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Viorne obier (fruits)
Bouverans (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Eglantier
Bouverans (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Saule marsault
Bouverans (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Noisetier II
Bouverans (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Framboisier
Bouverans (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Noisetier III
Bouverans (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Tapis de feuilles tombées
Bouverans (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013


Feuilles de Tremble dans le vent
(flou-filé)
Frasne (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Bouleau
Frasne (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Fougère Aigle
Frasne (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Myrtille I
Frasne (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Frasne (Haut-Doubs)
lundi 11 novembre 2013

Frasne (Haut-Doubs)
lundi 11 novembre 2013

Frasne (Haut-Doubs)
lundi 11 novembre 2013

Frasne (Haut-Doubs)
lundi 11 novembre 2013

Myrtille II
Frasne (Haut-Doubs)
lundi 11 novembre 2013

Frasne (Haut-Doubs)
lundi 11 novembre 2013

Sous-bois
Frasne (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Sorbier des oiseaux
Frasne (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Massettes
Frasne (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013



Petit texte :

"Debout à côté d’Urdarklettur, il voyait le chasseur approcher à pas lents. Les deux hommes se saluèrent poliment sous la bruine et, comme venues d’un monde lointain, leurs paroles vinrent troubler la quiétude des lieux.

On ne voyait pas le soleil depuis des jours. Les fjords reposaient sous la brume, un temps plus froid et des chutes de neige étaient prévus au cours des prochaines journées. La nature était plongée en hibernation. Le chasseur lui demanda ce qu’il venait faire ici, plus personne ne s’y rendait, à l’exception de quelques vieux entêtés, de plus en plus rares, qui venaient chasser le renard. Il essaya de changer de conversation et répondit qu’il était de Reykjavik. L’homme lui confia qu’il avait remarqué une présence humaine dans la maison abandonnée, plus bas dans le fjord. C’est sans doute moi, dit-il. L’inconnu ne lui demanda pas de détails et lui expliqua qu’il était un paysan des environs ; il était parti chasser seul.

- Comment vous vous appelez ?

- Erlendur, répondit-il.

- Je m’appelle Boas. Les deux hommes se serrèrent la main. Un prédateur se cache dans les failles, ici, en haut de cette lande, un nuisible qui se manifeste de plus en plus souvent.

- Un renard ?

Boas se caressa le menton.

- Je l’ai vu traîner aux abords de mes bergeries l’autre jour, il m’a tué un agneau et a effrayé tout le troupeau.

- Et il se cache par ici ?

- Je l’ai aperçu qui montait vers les montagnes. Je l’ai vu deux fois et je crois savoir où se trouve sa tanière. Vous êtes aussi en route vers la lande ? Si vous voulez faire le chemin avec moi, vous êtes le bienvenu.

Il hésita, puis accepta d’un signe de tête. Le paysan semblait satisfait, sans doute était-il heureux d’avoir un peu de compagnie. Son fusil de chasse sur l’épaule droite et une vieille cartouchière en cuir sur l’autre, vêtu d’une veste élimée vert foncé et d’un pantalon imperméable assorti, l’homme était petit et alerte. Âgé d’une bonne soixantaine d’années, tête nue, son épaisse tignasse lui couvrait le front et dissimulait ses yeux vifs. Son nez était tordu et aplati, comme s’il avait été fracturé et n’avait pas ensuite été soigné correctement. Sa barbe en broussaille dissimulait sa bouche lorsqu’il parlait, ce qui était souvent le cas puisque l’homme était bavard et semblait avoir une opinion sur tout ce qui existait entre ciel et terre. Il s’abstint toutefois de trop interroger Erlendur sur les raisons de sa présence sur la lande ou sur celles qui l’avaient conduit à choisir la métairie abandonnée de Bakkasel comme lieu de séjour.

Erlendur s’était installé dans la vieille maison. Le toit était en assez bon état, même s’il fuyait çà et là et que les poutres de la charpente commençaient à pourrir. Il avait trouvé un endroit au sec dans la pièce qui avait jadis été la salle à manger. Il s’était mis à pleuvoir, le vent qui s’était levé hululait sur les murs nus qui offraient toutefois un abri suffisant contre ce frimas tout en grisaille. La petite lampe à gaz qu’il avait apportée lui procurait un peu de chaleur, il l’avait réglée au niveau le plus bas, de manière à ce qu’elle dure le plus longtemps possible. Elle projetait sur lui une clarté blafarde, crépusculaire, et tout autour il faisait aussi noir que dans un cercueil.

Au fil du temps, une banque avait acquis à la fois les bâtiments et les terres de la ferme, Erlendur n’avait aucune idée de l’identité du propriétaire actuel des lieux. Personne n’avait jamais rien trouvé à redire au fait qu’il occupe cette maison abandonnée lorsqu’il venait séjourner dans les fjords de l’est. Il avait emporté très peu de bagages. La voiture qu’il avait louée était garée devant la maison, c’était une jeep bleue de taille modeste qui avait un peu de mal à gravir le chemin permettant d’y accéder. Ce dernier avait d’ailleurs pour ainsi dire disparu, envahi par la végétation qui estompait peu à peu les traces d’une ancienne occupation humaine. Il s’était fait la réflexion que la nature accomplirait lentement le même travail sur le reste des lieux.

Ils montèrent un peu plus en altitude. La visibilité était de plus en plus mauvaise et, pour finir, un brouillard d’une blancheur laiteuse les enveloppa entièrement. La bruine se déposait sur les landes, la végétation humide de pluie gardait les traces de leur passage. Prêtant l’oreille aux chants des oiseaux, le chasseur s’efforçait de déceler la piste de son ennemi sur le sol mouillé. Erlendur le suivait sans un mot. Il n’avait jamais chassé à l’affût, il n’avait jamais tué le moindre animal, pas plus qu’il n’avait pêché dans les lacs et rivières, et encore moins abattu du gros gibier comme les rennes. On aurait dit que Boas lisait dans ses pensées.

- Vous n’êtes peut-être pas chasseur ? lui demanda-t-il à la faveur d’une brève halte.

- En effet.

- C’est normal que je le sois, j’ai grandi avec ça, déclara Boas en ouvrant son havresac en cuir pour en sortir une tranche de pain de seigle qu’il tendit à Erlendur, accompagnée d’un morceau de pâté de foie de mouton dur et sec qu’il venait de couper. Cela dit, aujourd’hui, on chasse surtout le renard, déclara-t-il. Il faut bien le réguler un peu. Cette brave bête vient de plus en plus souvent importuner l’homme. Si on peut dire. Je n’ai rien contre elle. Elle a autant le droit de vivre que n’importe quel autre animal. Mais il faut quand même bien l’empêcher de s’attaquer aux troupeaux. Il faut qu’une certaine harmonie règne.

Ils mangèrent le pain de seigle et le pâté qu’Erlendur s’imagina fait maison. C’était un véritable délice qui s’accordait parfaitement à ce pain. Lui-même n’avait emporté aucun casse-croûte. Il ignorait pour quelle raison il avait accepté l’invitation polie et inattendue que lui avait adressée cet homme. Peut-être avait-il besoin d’un peu de compagnie. Il n’avait pas eu le moindre contact humain depuis des jours et se disait que c’était sans doute aussi le cas de ce Boas.

- Que faites-vous à Reykjavik ? lui demanda le paysan.

Il ne lui répondit pas immédiatement.

- Ah, excusez-moi, c’est toujours ma satanée curiosité, s’excusa Boas.

- Je vous en prie, ça ne me gêne pas, répondit-il. Je travaille dans la police.

- Vous ne devez pas beaucoup vous amuser.

- Non. Souvent, ce n’est pas drôle.

Ils continuèrent de gravir le flanc de la montagne, Erlendur prenait garde à ne pas abîmer les bruyères par des foulées trop brusques. Par moments, il se baissait, passait sa main sur la végétation tandis qu’il sondait sa mémoire afin de savoir si, au cours de son enfance, il avait entendu le nom de Boas. Mais rien ne lui revenait à l’esprit. Cela dit, il n’était pas très étonnant qu’il ne se souvienne pas des noms de tous ces gens, puisqu’il avait vécu brièvement dans la région. De plus, il était rare qu’on voie des armes à feu à la maison. Il se souvenait vaguement d’un homme qui avait un jour rendu visite à ses parents, son fusil pointé en direction de la rivière, et qui avait discuté avec son père. Et il se rappelait son oncle maternel qui possédait une jeep et chassait le renne. Ce dernier conduisait des chasseurs venus de la capitale jusqu’aux terres où vivaient les rennes et fournissait la famille d’Erlendur en viande délicieuse qu’on cuisait à la poêle. Il n’avait pas souvenir de battues au renard et ne se rappelait aucun paysan du nom de Boas, mais bon, il avait déménagé très jeune à la capitale et perdu tout contact avec cet endroit.

- On trouve des choses incroyables dans la tanière d’un renard, observa Boas sans ralentir le pas. En général, le garde-manger est bien garni. Ils descendent jusqu’à la mer et ramassent des cadavres de macareux rapportés par la marée, des mollusques, des crabes ; quant aux renardeaux, ils se nourrissent de baies de camarines et de quelques mulots pendant leur croissance. Si la chance est avec le renard, il tombe sur le cadavre d’un mouton ou d’un agneau. Parmi eux, il y a des prédateurs qui prennent goût à cette chair et s’attaquent au troupeau, et là, on peut dire adieu à la tranquillité. Boas doit alors aller trouver cette petite saleté pour la tuer, même si ça ne l’amuse pas.

Il eut l’impression que le paysan pensait simplement tout haut et préféra garder le silence. Ils traversèrent des landes couvertes de bruyères et ponctuées d’ornières, il suivait le chasseur, heureux de sentir cette bruine fraîche sur son visage. Il connaissait plutôt bien les lieux mais, s’étant entièrement fié à son guide, n’était plus certain de savoiravec précision où ils se trouvaient. Son compagnon continuait d’avancer d’un pas résolu, sûr de lui, l’air serein, et parlait constamment sans vraiment se soucier de savoir s’il suivait le fil de son monologue.

- Et pas mal de choses ont changé depuis le début de ces grands travaux. Boas s’immobilisa et sortit une paire de jumelles de son sac en cuir. La nature est transformée. Le goupil l’a sans doute remarqué. Peut-être n’ose-t-il plus descendre jusqu’à la côte à cause de ces usines et de ces navires qui vont et viennent sans cesse. Enfin, comment savoir ? Voilà, on ne devrait plus être très loin, ajouta-t-il en rangeant ses jumelles dans son sac.

- En arrivant de Reykjavik, j’ai aperçu l’usine d’aluminium qu’ils construisent, nota Erlendur.

- Ce monstre infame ?! maugréa Boas.

- Je suis aussi allé au barrage. Je n’ai jamais rien vu d’aussi gigantesque.

Il entendit Boas marmonner comme en lui-même tandis qu’il continuait de monter vers le sommet de la lande. Et dire qu’ils permettent une telle ignominie, semblait-il s’agacer, mais Erlendur n’était pas sûr de bien entendre. Il le suivait en méditant sur les raisons qui avaient conduit à l’installation de ce gigantesque complexe d’aluminium et sur les navires titanesques qui accostaient à la jetée, chargés de matériaux pour la construction de l’usine et du barrage. Il ne comprenait absolument pas comment diable il était possible de laisser une compagnie américaine dénuée de scrupules et implantée à mille lieues d’ici avoir la main mise sur un paisible fjord et sur un morceau vierge du désert d’Islande..."

Arnaldur Indridason - Etranges rivages



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