Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°394 (2013-45)

mardi 26 novembre 2013

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Marche pour la Cérémonie des Turcs
(Le Bourgeois gentilhomme)
 
Jean-Baptiste Lully

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de la fin de l'été au début de l'hiver :
nuages, rosée, brume, givre, neige et glace... 

 
Haut-Doubs
août à novembre 2013


Nuages I
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 25 août 2013


Aubépine dans la brume I
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 31 août 2013

Aubépine dans la brume II
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 31 août 2013

Aubépine dans la brume III
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 31 août 2013

Toile
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 31 août 2013

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 31 août 2013

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 31 août 2013


Crins
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 31 août 2013

Courvières (Haut-Doubs)
samedi 31 août 2013

Courvières (Haut-Doubs)
vendredi 6 septembre 2013

Courvières (Haut-Doubs)
vendredi 6 septembre 2013

Toile II
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)

samedi 21 septembre 2013

Toile III
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)

samedi 21 septembre 2013

Château de Joux et Fort Mahler
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
dimanche 22 septembre 2013

Mémorial de Toussaint Louverture
(Héros de la révolution haïtienne,
mort au Château de Joux...)

La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
dimanche 22 septembre 2013

Campanule sous la rosée du matin
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 28 septembre 2013

Toile IV
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 28 septembre 2013


Mont d'Or (Haut-Doubs)
samedi 26 octobre 2013

Lever du soleil derrière les Alpes
Mont d'Or (Haut-Doubs)
samedi 26 octobre 2013

Mer de nuage
Mont d'Or (Haut-Doubs)
samedi 26 octobre 2013

Rouge
Mont d'Or (Haut-Doubs)

samedi 26 octobre 2013

Or
Mont d'Or (Haut-Doubs)

samedi 26 octobre 2013

Mont d'Or (Haut-Doubs)
samedi 26 octobre 2013

Mont d'Or (Haut-Doubs)
samedi 26 octobre 2013

Mont d'Or (Haut-Doubs)
samedi 26 octobre 2013



Brumes dans la vallée...
Mont d'Or (Haut-Doubs)

samedi 26 octobre 2013

Mont d'Or (Haut-Doubs)
samedi 26 octobre 2013

Rosée sur une feuille
Bouverans (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Phragmites (reflet)
Bouverans (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Reflet
Bouverans (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Givre I (Noisetier)
Bouverans (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Givre II (Viorne lantane)
Bouverans (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Rosée (Erable sycomore)
Bouverans (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Vapeurs sur l'Entonnoir
Bouverans (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Grange
Frasne (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Rosée (Tremble)
Frasne (Haut-Doubs)

lundi 11 novembre 2013

Glace
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)

samedi 16 novembre 2013

Première neige
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)

samedi 16 novembre 2013

La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 16 novembre 2013

La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 16 novembre 2013



Petit texte :

"Je suis venu à Florence pour oublier un temps le Pérou et les Péruviens et voilà que ce malheureux pays m'est retombé dessus ce matin de la façon la plus inattendue. J'avais visité la maison reconstruite de Dante, la petite église de San Martino del Vescovo et la venelle où, selon la légende, il vit Béatrice pour la première fois, quand, passage Santa Margherita, une vitrine m'a arrêté net : arcs, flèches, une rame ouvragée, un cruche aux dessins géométriques et un mannequin rembourré dans une cushma de coton indien. Mais c'est surtout trois ou quatre photos qui m'ont restitué, d'un coup, la saveur de la forêt péruvienne. Vastes fleuves, arbres ventrus, canoës fragiles, cases précaires sur pilotis et ces essaims d'hommes et de femmes, à demi-nus et peinturlurés qui me regardaient fixement depuis leur brillante image.

Naturellement, je suis entré. J'étais curieusement chatouillé ; j'avais en même temps le pressentiment que je faisais une bêtise, en risquant pour une banale curiosité de compromettre mon projet si bien planifié, et jusqu'à maintenant réalisé, de lire Dante et Machiavel, dans une irréductible solitude, et de voir la peinture de la Renaissance, tout cela pendant deux mois. Je sentais que j'allais déclencher une de ces discrètes catastrophes qui, de temps à autre, mettent ma vie en jeu. Mais naturellement, je suis entré.

La galerie était minuscule. Une seule pièce au plafond bas où, pour pouvoir exposer toutes les photographies, on avait ajouté deux panneaux, bourrés aussi d'images des deux côtés. Une jeune fille maigre et binoclarde, assise derrière une petite table, m'a regardé. Pouvait-on visiter l'exposition « I nativi della foresta amazonica  » ?

- Certo, Avanti, avanti.

Il n'y avait pas d'objets à l'intérieur de la galerie, seulement des photos, au moins une cinquantaine, la plupart de grand format. Elles étaient dépourvues de légendes, mais quelqu'un, peut-être Gabriele Malfatti lui-même, avait rédigé deux feuillets indiquant que les photos avaient été prises au cours d'un voyage de deux semaines dans la région amazonienne des département du Cusco et de Madre de Dios, à l'est du Pérou. L'artiste s'était proposé de décrire, « sans démagogie ni esthétisme », l'existence quotidienne d'une tribu qui, il y a encore quelques années, vivait presque sans contact avec la civilisation, dispersée en unités d'une ou deux familles. Aujourd'hui seulement elle commençait à se regrouper dans ces lieux représentés par l'exposition, mais beaucoup restaient encore dans les bois. Le nom de la tribu était hispanisé par erreur : los Machiguengas.

Les photos illustraient assez bien le propos de Malfatti. On y voyait les Machiguengas lançant le harpon depuis la rive du fleuve, ou, à moitié cachés dans les broussailles, tendant l'arc pour chasser le ronsoco ou la huangana ; on les voyait récoltant le manioc dans les minuscules cultures éparpilléses autour de leurs villages flambant neufs – peut-être les premiers de leur longue histoire - , défrichant la forêt à coup de machette et taillant les feuilles de palmier pour couvrir leurs cases. Un cercle de femmes tissait des nattes et des paniers ; un autre préparait des couronnes, fixant de brillantes plumes de perroquets et de guacamayos sur des cerceaux de bois. On les voyait décorant minutieusement leur visage et leur corps avec de la teinture de rocou, allumant des feux, desséchant des peaux, faisant fermenter le manioc pour fabriquer le masato dans des récipients en forme de canoë. Les photos montraient avec éloquence une poignée d'hommes dans cette immensité de ciel, d'eau et de végétation qui les entourait, leur vie précaire et frugale, leur isolement, leur archaïsme, leur vulnérabilité. La vérité : sans démagogie ni esthétisme.

Ce que je vais dire n'est pas une invention a posteriori ni un faux souvenir. Je suis sûr d'être passé d'une photo à la suivante avec une émotion qui, à un moment donné, s'est transformé en angoisse. Que t'arrive-t-il ? Que pouvais-tu trouver dans ces images qui justifiât semblable anxiété ?

Dès les premières photos j'avais reconnu les clairières où se dressent Nueva Luz et Nuevo Mundo – j'y étais il y a moins de trois ans – et même, en voyant une vue panoramique de ce dernier endroit, la mémoire m'avait fait revivre l'impression de catastrophe éprouvée lors de l'atterrissage acrobatique que nous y avions effectué, ce matin-là, avec le Cessna de l'Institut linguistique, en évitant habilement des enfants machiguengas. Il m'avait semblé reconnaître aussi certains visages d'hommes et de femmes avec qui, aidé par M. Schneil, j'avais pu parler. Et ce fut une certitude quand, sur une autre photo, j'ai vu, avec le même ventre gonflé et les mêmes yeux vifs que dans mon souvenir, l'enfant à la bouche et au nez mangés par l'uta ulcéreux. Il montrait devant l'objectif, avec cette même innocence et ce naturel qu'il nous avait manifestés, ce trou à la face avec les dents, le palais et les amygdales qui lui donnait un air de bête mystérieuse.

La photographie que j'attendais depuis que j'étais entré dans la galerie est apparue parmi les dernières. Au premier coup d'oeil on voyait bien que cette communauté d'hommes et de femmes assis en rond, à la façon amazonienne – semblable à l'orientale : les jambes à plat sur le sol et repliées, les genoux écartés, le buste très droit – et baignés d'une lumière qui commençait à décliner, de crépuscule devenant nuit, était dans sa concentration comme hypnothisée. D'une immobilité absolue. Tous les visages s'orientaient, comme les rayons d'une circonférence, vers le point central, une silhouette masculine qui, debout au milieu des Machiguengas fascinés, parlait en agitant les bras. Cela m'a fait froid dans le dos. J'ai pensé : « Comment ce Malfatti avait-il obtenu la permission, comment avait-il fait pour... ? » Je me suis baissé, j'ai approché au maximum mon visage de la photo. Je l'ai regardée, flairée, trouée du regard et de l'imagination jusqu'à remarquer à la fin que la jeune fille de la galerie se levait de sa table et venait vers moi, inquiète.

En faisant un effort pour me ressaisir je lui ai demandé si les photographies étaient en vente. Non, elle croyait que non. Elles appartenaient aux éditions Rizzoli, qui allaient publier un livre avec ces mêmes illustrations, lui semblait-il. Je lui ai demandé de me mettre en contact avec le photographe. Cela n'était pas possible, malheureusement.

- Il signore Gabriele Malfatti è morto.

Mort ? Oui. De fièvres. Un virus contracté dans ces forêts, forse*. Le pauvre ! C'était un photographe de mode, il avait travaillé pour Vogue, pour Uomo, des revues de ce genre, photographié des mannequins, des meubles, des bijoux, des robes. Il avait passé sa vie à rêver de faire quelque chose de différent, de plus personnel, comme ce voyage en Amazonie. Et quand finalement il put le faire et alors qu'on allait publier son travail dans un livre, voilà qu'il mourrait ! Et maintenant, le dispiaceva**, mais c'était l'heure du pranzo*** et elle devait fermer.

Je l'ai remerciée. Avant de sortir affronter une fois de plus les merveilles florentines et aussi les hordes de touristes, j'ai encore réussi à jeter un dernier regard sur la photographie. Oui. Pas le moindre doute. Un homme qui parle..."

* = peut-être
** = chagrin, regret
*** = déjeuner

Mario Vargas Llosa - L'homme qui parle



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