Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°372 (2013-23)

Mardi 18 juin 2013

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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  L'Hymne de nos campagnes
- Tryo

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Mon jardin au soleil,
sous la pluie, dans les nuages...

 
Courvières (Haut-Doubs)
  mai - juin 2013

Hermine
samedi 18 mai 2013

Pissenlit
samedi 18 mai 2013

Rougequeue noir femelle : c'est son cri d'alarme qui m'a alerté sur la présence
de l'Hermine dans mon jardin...

samedi 18 mai 2013

Rhubarbe
samedi 18 mai 2013

La même Hermine, un peu plus loin dans un murger (mur de pierres sêches)
samedi 18 mai 2013

Morille, au pied de la pile de bois
samedi 25 mai 2013

Rougequeue noir mâle, à sa toilette
dimanche 26 mai 2013

Consoude "de Russie"
dimanche 26 mai 2013

Mousses et Ortie
dimanche 26 mai 2013

Lierre terrestre, Glechoma hederacea :
cette petite fleur (comestible) était jadis associée à la fertilité et à la "Magie blanche"

dimanche 26 mai 2013

Rosier "scentimentale"
lundi 27 mai 2013

Devant la ferme (la réserve de bois)
lundi 27 mai 2013

Lierre terrestre et Salsifis sp.
lundi 27 mai 2013

Lamier blanc
lundi 27 mai 2013

La Clôture
lundi 27 mai 2013

Sur le mur
lundi 27 mai 2013

Eclaircie, au coucher du soleil
mercredi 29 mai 2013

Future Pivoine
samedi 1er juin 2013

Rougequeue noir mâle dans la brume
dimanche 2 juin 2013

dimanche 2 juin 2013

Joubarbe des toits
dimanche 2 juin 2013

Ortie
dimanche 2 juin 2013

Salsifis sp.
dimanche 2 juin 2013

Rhubarbe en fleurs
dimanche 2 juin 2013

Escargot (de Bourgogne)
dimanche 2 juin 2013



Petit texte :

"Mai 1964, dans le quartier nord-est

J'ai pu louer – un coup de chance – un bâtiment dans l'immense enceinte du temple bouddhique du Daïtoku-ji. Littéralement traduite, notre adresse donne : « Pavillon de l'Auspicieux Nuage, Temple de la Grande Vertu. Quartier de la Prairie Pourpre, Secteur du Nord, Kyoto. »

Au-dessus pas une tuile pour couvrir la tête

Au-dessous pas un pouce de terre pour le pied.

Depuis le jour où il se définissait lui-même en ces termes, le bouddhisme zen s'est bien étoffé : jamais depuis que je voyage je n'ai été logé plus grandement qu'ici. L'enceinte du temple de la Grande Vertu n'entrerait pas dans le Champ-de-Mars, et il faudrait des vies longues et nombreuses pour compter les tuiles de ses toits. Le Daïtoku-ji (le nom de ce temple) est l'une des deux sources de la secte Rinzaï du bouddhisme zen japonais et gouverne à travers le pays une centaine de temples issus de la lignée. C'est un grand complexe entouré de murs de pisé et qui comprend trois portes monumentales à la chinoise, un honbo (temple principal), un sodo (monastère), un beffroi au toit cornu qui abrite la cloche de bronze dont les vibrations règlent l'horaire de la vie monastique ; enfin une vingtaine de temples subsidiaires nichés entre leur cimetière et leur jardin, qui ont chacun conservé leur ambiance particulière, leurs traditions, leur clientèle, leurs intrigues et sont souvent à « éventail tiré ». Entre ces murs discrets, un réseau d'allées pavées à grandes dalles de pierres grises. Des bouquets de pins. De très hautes frondaisons compassées et criantes de cigales. Du silence entre les cigales. Dans un cimetière, un bonze en surplis framboise récite des sutras sur une tombe, et c'est comme une fontaine entendue de très loin. Des odeurs de résine, des enfants invisibles qui crient chi-chi (papa) quelque part dans ce labyrinthe, puis quelques vagues de ce silence hautain. La silhouette dansante du livreur d'un bistrot chinois sur un vélo qui grince. Deux abbés se croisent, se saluent bien bas et s'éloignent n'en pensant pas moins. L'un est un saint, l'autre une canaille, et ils se connaissent pour ce qu'ils sont ; voilà la vraie courtoisie. Ici, pas un geste ni un mot dont on n'ait pesé d'avance les plus minces conséquences. Derrière cette paix austère, on sent des ressorts bien tendus, et, sous cette politesse engourdie et confite, une vigilance qu'on ne doit pas souvent prendre en défaut.

Dans le hall de cérémonie qui est derrière la troisième porte, un bouddha de bois doré haut de dix mètres sourit de voir ses fidèles manoeuvrer si adroitement et marcher – avec quelle prudence – sur des oeufs qui n'existent pas.

En plein milieu de l'enceinte, le pavillon du Nuage auspicieux.

En fait de pavillon, c'est un grand temple derrière une porte massive où on logerait facilement à vingt, et qui se dressait encore il y a une génération dans les campagnes du nord du Japon. Le Daïtoku-ji, qui avait reçu le bâtiment en héritage, l'a fait démonter pièce par pièce, transporter et reconstruire dans ce jardin plein de bambous, de citronnelles et de papillons blancs. Ensuite, on n'a pas su au juste ce qu'on voulait en faire et, après beaucoup de tractations et de brigues, l'« Auspicieux Nuage » a passé dans la mouvance du temple du Ryosen-An, qui l'a loué à un sinologue occidental qui vient à son tour de me le sous-louer pour cinq mois avec domesticité, cahier des charges et une infinité de conseils de prudence qui se résumaient à ceci : faites tout ce que vous voulez... sauf « mauvaise impression ».

La charpente, nouvellement rebâtie, n'a pas encore repris le jeu qui permet d'amortir les secousses telluriques, et les plus faibles d'entre elles prennent le toit en enfilade avec un grondement sourd.

- Vous verrez, dannansan (maître), me dit le jardinier, la nuit ça vous réveille, comme un tigre au galop sur le toit.

C'est un homme d'une cinquantaine d'année, cauteleux, les yeux bilieux dans un visage lisse, et contre lequel on m'a mis en garde.

Pendant qu'il sarcle mollement ses herbettes, il nous observe, compte les bouteilles de bière vides et rapporte tout ce qu'il remarque de suspect (orgies, déprédations, négligences, etc.) à l'abbé d'un temple voisin qui a des visées sur ce pavillon. On m'a dit : « C'est un homme du Zuïo-In. » Quant à la femme de ménage qui passe chaque matin à grande eau les corridors de bois polis comme de la soie, elle est tout acquise au honbo (le temple principal) et épluche probablement les corbeilles à papier. Tout à fait comme ces romans de Walter Scott où un cavalier ne peut passer sans qu'on murmure : « Un homme du prince Jean... une créature du duc d'York. » Nous avons encore la charge d'un grand matou roux et neurasthénique qui se met à griffer et à mordre s'il ne reçois pas sa raclée hebdomadaire. Nul ne sait pour le compte de qui il espionne, mais on lui pardonne son caractère pervers à cause de la virtuosité avec laquelle il attrape et tue les grands mukade (Scolopendra japonica) venimeux qui nichent dans les poutres du toit, dégringolent parfois sur les dormeurs et dont la morsure vous fait enfler comme une citrouille et purule pendant deux bonnes semaines. Enfin, dissimulé dans une armoire, notre pire ennemi : « La Machine ». C'est un vieil automate tout cuivre, manettes et thermostats, relié par câbles souterrains aux principaux bâtiments de l'enceinte et qui, à la moindre chaleur suspecte, déclenche un timbre assourdissant dans notre temple et un signal d'alarme chez les pompiers du voisinage. Quand l'été est trop chaud, la machine se détraque, part toute seule et, par tous les côtés, cette enceinte d'ordinaire si calme est envahie de voitures rouges, d'ambulances, de flics, cloches, sirènes, et tout ça s'arrête en arrachant les pneus devant notre porte, saute à terre, mes des lances en batterie : un véritable abordage.

Lorsqu'ils sont enfin convaincus qu'on ne voit pas la moindre fumée et que rien ne brûle nulle-part, cette vague d'assaut mollit. Ils commencent à replier leur matériel, s'asseyent sur le marchepied des voitures avec des rires embarrassés, et on ne leur ôtera pas de l'idée que, d'une façon ou d'une autre, ce sont les étrangers qui ont déréglé l'automate.

A cela près, nous sommes chez nous, et c'est superbe.

Cessez de vous en faire

Et suivez le courant

Si vos pensées sont liées

Elles perdent leur fraîcheur

Seng-t'san"

Nicolas BOUVIER - Chronique japonaise




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