Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°314 - Mardi 17 avril 2012

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Johannes Brahms -
Requiem allemand
(Jessye Norman)

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Chapelle "Notre Dame des sept Douleurs" et Rochers
Courvières (Haut-Doubs)

mercredi 14 mars 2012

Cette chapelle se trouve à 2 minutes (à pied !) de chez moi...

Dans la lande...

Lande et forêt

Pas de [TN] la semaine prochaine : je pars une semaine dans les Pyrénées

A bientôt !



Petit texte :

"Quelques arbres solitaires se dressaient de loin en loin sur les étages de la montagne. Ils paraissaient au premier abord minuscules, puis on grimpait lentement jusqu'à l'un après l'autre et, à mesure qu'on avançait, ils s'élargissaient, ils s'élançaient, ils devenaient énormes. Tringlot n'avait jamais imaginé de semblables dimensions. Il n'osait pas demander leur nom ; il entendit par hasard qu'on les appelait des « fayards ». Il fallait se démancher le cou pour en voir la cime, pendant que le troupeau passait sous leur ombre grondante, plus large qu'une place de village, et, quand on en sortait, c'était pour revoir l'étendue de pierrailles et d'herbe maigre montant sans arrêt à un autre fayard, très loin, très haut. « L'endroit rêvé ! Se dit Tringlot. Qui viendrait me chercher ici ? Qui imaginerait même que je suis ici ? »
Personne ne parlait : ni Louiset, ni Alexandre, ni les moussaillons : un petit rouquin taché de son, rose comme du porc, et un pruneau sec, sans âge, comme un Chinois. Les parages étaient menaçants par leur indifférence totale. Les brebis mâchaient, la tête basse, en hâtant le pas avec une sorte d'obstination. L'arrière-garde qui avait été coupée du reste du gros du troupeau avait tendance à se regrouper. Sur ces longues pentes nues, on entrevoyait parfois le déroulement du troupeau tout entier qui serpentait sur des kilomètres, dans la hauteur, en charriant sa caravane d'ânes et de mulets, de charrette bâchées, de fourgons. L'avant-garde était encore très loin des falaises abruptes de la cime où s'ouvrait comme une sorte de brèche.
Chaque nuit, Tringlot était réveillé par le silence qu'appronfondissait encore le grondement sourd des fayards ; il ne se rendormait qu'après avoir entendu, très loin, la toux des moutons ou la cloche d'un bélier qui changeait de place. Un matin il vit que le gros du troupeau avait décampé. « 
On nous a donné des éclopés, dit Louiset. On va les laisser vingt-quatre heures, puis nous monterons à la papa. »
Ils restèrent donc sur l'emplacement du bivouac. Ces vingt-quatre heures se traînèrent interminablement dans un vide écoeurant. Un petit vent sifflait dans les rochers. Le temps se gâtait. Alexandre se mis à faire la cuisine.
- Tu crois qu'il fait la cuisine ? dit Louiset. En réalité, il ne la fait pas. Ce qu'il fait, je n'en sais rien, je me le suis demandé cent fois, et lui-même ne le sait pas non plus. Tout ce que je sais c'est que, tu verras, on aura des retours de bâtons. Il ne peut pas encaisser d'être seul.
- Il n'est pas seul, nous sommes quatre avec lui.
- Quatre ? Cent mille ce serait pareil.
- Et tu crois qu'il est plus en compagnie avec de l'oignon en train de frire ?
- Je ne crois rien. Je crois ce que je vois.
Ils décampèrent à l'aube et la montée recommença, tout doucement, pas à pas, d'un pas si prudent que la cloche des béliers ne sonnait même pas ; on n'entendait que le piétinement dans les pierrailles. Il fallut tout le jour pour atteindre le bas des falaises. Ils se pointaient en direction de la brèche qui ouvrait le passage. C'était pourtant la nuit.
- Dépêchons-nous, dit Louiset. Pousse maintenant. Il faut passer à toute force. On ne peut pas rester là. Des pierres dégringolent de là-haut à chaque instant. Je vais en tête. Tu verras mon fanal ; je te ferai signe et écoute mes coups de sifflet. Marche franc ; ne t'inquiète pas, je suis en tête.
Ils campèrent de l'autre côté, sur un replat. Ils dominaient les sapins.
- Quand tu dis tu, dit Tringlot, tu parles à qui ? A Alexandre, aux moussaillons ou à moi ?
- Quand je dis tu, je parle toujours à Alexandre, mais j'ai été content que tu sois là cette nuit. Il y a trois ans, nous avons perdu quelqu'un, pas loin d'ici.
Le troupeau descendit le long de ce versant nord, par une large piste, à travers les sapinières. Quand la forêt s'entrouvrait, la vue plongeait dans des précipices blonds au fond desquels tremblait le fil d'argent des torrents..."

Jean GIONO - L'Iris de Suse



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