Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°256 - Mardi 1er mars 2011

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Concerto pour Mandoline - Vivaldi

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Canards, Sittelle et Pie
La Rivière-Drugeon et Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 6 février 2011

Matin givré.

Vol de Fuligules Milouins (?)

Groupe de Canards colverts (mâle et femelles).

Mimétisme de 3 canes.

Sittelle torchepot...

... baguée !

Après-midi à l'affût :

Une Pie est venue tout près !


Elle s'est posée en évidence avant de reprendre son vol.



Petit texte :

"En argent la fine coutellerie, les belles fourchettes ; en argent les plats où un arbre ouvré dans la concavité du métal recueillait le jus des rôtis ; en argent les compotiers à trois coupes, couronnés par une grenade en argent ; en argent les cruches à vin martelées par les orfèvres ; en argent les plats à poisson avec leur pagre en argent au ventre rebondi sur un entrelacs d'algues ; en argent les salières, en argent les casse-noisettes, en argent les gobelets, en argent les petites cuillères gravées d'initiales... Et tout cela était emporté lentement, d'un geste toujours égal, soigneusement, afin que l'argent ne heurtât pas l'argent, vers les sourdes pénombres de caisses de bois, de corbeilles en attente, de coffres aux solides ferrures, sous la surveillance du Maître qui, en robe de chambre, se contentait de faire résonner l'argent, de temps à autre, en pissant magistralement d'un jet précis, abondant et percutant, dans un pot de chambre en argent, dont le fond s'ornait d'un oeil malicieux, en argent, vite aveuglé par une écume qui à force de refléter l'argent finissait par paraître argentée... « Ici ce qui reste, disait le Maître, et là ce qui part. » Dans ce qui partait il y avait aussi un peu d'argenterie, quelques pièces de moindre importance, une paire de coupes et, naturellement, le pot de chambre avec son oeil en argent, et surtout des chemises de soie, des culottes de soie, des bas de soie, des soieries de Chine, des porcelaines du Japon, les tasses du petit déjeuner qu'il prendrait peut-être, allez donc savoir ! En galante compagnie, et des châles de Manille, qui avaient voyagé sur les vastes mers du ponant. Francisquillo, le visage entouré, comme un paquet de linge, d'un foulard bleu, qui plaquait contre sa joue gauche enflée par une rage de dents un feuille aux vertus émollientes, imitait son Maître et pissait avec lui en cadence ; non certes dans un pot de chambre en argent, mais dans un vase de grès ; il allait du patio aux arcades, du vestibule aux salons, faisant chorus comme aux offices à l'église : « Ici ce qui reste... là ce qui part. » Au coucher du soleil, vaisselle et argenterie, chinoiserie et japoneries, châles et soieries étaient si bien à l'abri des coffres où ils dormiraient dans une épaisseur de copeaux, ou entreprendraient un très long voyage, que le Maître, en robe de chambre et en bonnet alors qu'il eût dû à cette heure être vêtu avec plus d'apparat – il est vrai qu'on n'attendait plus ce jour-là de visites protocolaires d'adieu – invita le serviteur à partager avec lui un pichet de vin, voyant fermés tous les coffres, caisses, corbeilles et malles. Puis, à pas lents, il se mit à contempler (tous les objets étant sous clef et les meubles couverts de housses) les tableaux qui restaient accrochés aux murs et aux trumeaux. Ici, un portrait de la nièce professe, en habit blanc, un long rosaire aux doigts, couverte de bijoux et de fleurs, un flamme trop vive peut-être dans le regard en ce jour de ses noces avec le Seigneur. En face, dans un cadre noir, un portrait du maître de céans, dessiné à la plume dans une facture si magistrale qu'il semblait que l'artiste l'eût exécuté d'un seul trait, avec ses lignes enchevêtrées, contournées en volutes, se déroulant pour s'enrouler encore. Mais le tableau le plus prestigieux se trouvaient plus loin dans le salon destiné aux bals et aux réceptions, où l'on servait du chocolat et de la crème de maïs : un peintre européen, qui avait été de passage à Coyoacàn, y avait représenté l'événement le plus important de l'histoire du pays. On y voyait un Montezuma mi-romain, mi-aztèque, avec un certain air de César coiffé de plumes de quetzal, assis sur un trône dont l'allure tenait à la fois du style pontifical et des bariolages de Michoacàn, sous un dais soulevé par deux pertuisanes, et ayant à ses côtés, debout, un Cuauhtémoc indécis au visage de jeune Télémaque dont les yeux eussent été légèrement bridés. Devant lui, Hernàn Cortès en toque de velours et épée à la ceinture, la botte arrogante posée sur le premier degré du trône impérial, était immobilisé dans la dramatique allure d'un conquistador. Derrière, Fray Bartolomé de Olmedo, en habit de moine de la Merci, brandissait un crucifix d'un geste peu rassurant, tandis que Dona Marina, en sandales et tunique yucatèque, les bras ouverts en une mimique d'intercession, semblait traduire pour le seigneur de Tenochtitlàn ce que disait l'Espagnol. Le tout sur une peinture à l'huile fort bitumeuse, selon un goût italien bien démodé en une époque où le ciel des coupoles, avec ses chutes de Titans, s'ouvrait sur d'authentiques clartés célestes et où les artistes utilisaient des palettes aux couleurs ensoleillées – montrant en arrière-plan des portes dont les rideaux étaient soulevés par des têtes d'Indiens curieux, avides de se glisser sur le vaste théâtre des événements, et qui semblaient tirés de quelque récit de voyage aux royaumes de Tartarie..."

Alejo Carpentier – Concert baroque



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