Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°246 - Mardi 14 décembre 2010

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
explications sur le nom de cette lettre : [ici]
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J'installe cette exposition à

Embrun (Hautes-Alpes)

L'inauguration aura lieu :

Samedi 8 janvier 2011 à 17 h !

Venez nombreux !



Castafiore Bazooka

Pour regarder et écouter,
cliquez sur la flèche au bas de l'image...

 



ou cliquez [ici]



Ma "Ferme"
(avancement des travaux !)

Courvières (Haut-Doubs)
Samedi 13 novembre, dimanche 12 décembre 2010

Vue générale : l'extérieur n'a pas trop changé !

Pour voir la ferme : il y a deux ans,

cliquez [ici]

(arriverez-vous à vous repérer ??)

De la fenêtre du Salon : une vache m'observe de haut
(la ferme est à moitié enterrée !).

Ma chambre

Petite chambre (intermédiaire)

Mezzanine

Salon : c'est aussi l'atelier où je fabrique mes calendriers

Cuisine

Four à pain (à droite)

Toilettes à Litière Biomaîtrisée (sêches),
aux normes de l'arrêté du 7 Septembre 2009 (section 5, article 17) ?

La chambre d'amis

La chaufferie...

... et l'atelier

La deuxième écurie
(dans laquelle, je projette d'installer une salle d'exposition pour mes photographies !)

Il y a encore beaucoup à faire...



Petit texte :

"Le théatre nô, mai 1965

Ceux qui pratiquent cet art noble vivent à l'écart, obscurs et concentrés comme des carpes centenaires sous quinze brasses d'eau noire. Après m'être suffisamment exercé les poumons j'ai fini par me faire un ami dans le nô. Nous nous sommes écrit plusieurs lettres avant d'échanger un regard : à cette profondeur-là il ne faut pas brusquer les choses. Il en a profité pour m'informer de son âge et établir ainsi qu'il était mon aîné. La séniorité a ici beaucoup d'importance. Cela réglé, tout est allé très aisément. D'autant plus qu'il souhaite améliorer son français, qu'il parle avec infiniment de lenteur et de préciosité. Il est venu me recevoir en linge de corps et caleçons longs dans l'antichambre où il fait attendre ses hôtes. Un étroit visage spectral aux orbites profondes, d'interminables mains blanches qui flottent comme des algues à la hauteur de sa bouche pendant qu'il construit ses phrases soigneusement, par petits morceaux. Il est septième du nom dans une illustre dynastie d'acteurs de l'école Kanze. Il a dû reprendre le métier de son père, les costumes et les masques du patrimoine familial, et son fils en fera autant. Il m'emmène dans la coulisse pour me présenter ce successeur auquel on essaie la tenue du prochain spectacle. L'enfant a six ou sept ans, un visage lisse comme un marron, des yeux d'une gravité et d'une mélancolie déjà professionnelles. Il est agenouillé immobile et porte une magnifique crinière noire de démon.
- Ce sont les poils d'un coursier funèbre, dit le père qui ajoute : Peut-on dire ainsi ?
- On dit crins, coursier funèbre c'est très littéraire.
Dans le nô, on n'emploie que des termes nobles, et des formules de politesse qui n'existent plus nulle part au Japon.
Lorsqu'il cherche un mot, mon ami réfléchit et attend ; cela peut durer quinze ou vingt secondes. C'est bien ainsi, j'ai tout mon temps. Lorsqu'un doute l'effleure, il me demande :
- Futur simple de pouvoir ?
- Je pourrai, tu pourras, il pourra.
- Non ! Plus poli.
- On n'est pas plus poli.
Comme pour s'excuser de n'être que « 
Grand Chambellan de la Gauche » ou fantôme d'un guerrier célèbre, les personnages du nô, fléchis sous leurs merveilleux costumes, commencent par vous offrir leur généalogie et leur itinéraire : « je suis le spectre de... gendre de... du clan de... venant de... allant à en passant par... », et déplient pour vous la froide et mélancolique géographie du Japon d'autrefois : Bungo, Echizen, Matsu, Oku, les provinces qu'ils ont traversées, les abîmes, les cols, sous la bourrasque ou la neige car au rythme du nô les voyages sont si lents que toujours l'hiver vient vous surprendre en route. On progresse à petits pas dans une sorte de Tibet mental.
Thème de nô : un voyageur fatigué s'endort près d'un puits ; l'ombre d'une femme qui s'y était autrefois jetée en sort et danse l'amour malheureux qui l'a conduite à cette fin. Le voyageur se réveille, inexplicablement remué par ce rêve qui – on le sent – va le faire cheminer vers son éveil spirituel. Avec cela on vous tient facilement deux heures en haleine. J'aime beaucoup cette économie et, après tout, une vie humaine contient-elle vraiment plus que cette trajectoire-là ? Le reste n'est que péripéties, qu'on a bien raison de ne pas porter à la scène.
Pas besoin d'être grand clerc pour être ému et ravi par le nô. Deux choses cependant : savoir qu'il est plus lent que tout ce que le mot lenteur suggère à l'Occidental et se procurer une traduction du texte (il en existe pour tous les nôs majeurs) qui est souvent d'une très grande poésie. Quant au style des masques, façons de frapper le tambour, variantes d'écoles, ce sont des finesses d'érudits qui n'ajoutent pas plus au repas que le nom des plats pour qui a faim. En revanche, une connaissance empirique du bouddhisme japonais, acquise sans le vouloir en traînant dans les hôpitaux de nuit, les gares de province – le bouddhisme est aussi là -, les petits temples campagnards où le bonze somnole sur sa bouteille de bière, bref, dans tous ces lieux un peu déshérités qui rappellent ce que ce monde a de transitoire et de douloureux..., cette connaissance-là contribuera beaucoup à votre plaisir."

Nicolas BOUVIER - Chronique japonaise (la Lanterne Magique)



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