Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°234 - Mardi 21 septembre 2010

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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JS Bach -
Adagio de l'oratorio de Pâques BWV n°249

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Aragnes
(Astugue, Hautes-Pyrénées et Lac de Saint Point, Haut-Doubs)
Lundi 23 août 2010 et Dimanche 5 septembre 2010

Dans un rayon de soleil...

Sous la pluie...

Une Argiope rayée (ou frelon !), Argiopa bruennichi.

C'est une femelle : le mâle estbeaucoup plus petit (et d'un brun uniforme),
il finira sa vie dévoré par la femelle (juste après l'accouplement).

De plus près.
<image recadrée>

Au soleil.

Dans la brume matinale, d'autres toiles...

Quelques perles.




Petit texte :

"Aragnes

Elles n'ont pas bonne cote, les araignées. Voilà ce qu'il en coûte d' « être Persan », ne pas avoir, comme tout le monde, deux jambes, deux bras, deux yeux et le reste aux emplacements ordinaires. Et, pour leur apprendre à vivre, la bourgeoise éperdue les pourfend du plumeau.
Ces massacres domestiques, et bien d'autres, sont prévus au programme des cent mille espèces probables dont mille cinq cents vivent dans nos régions. On a déjà cité pour la seule France le chiffre moyen de mille milliards d'individus, ce qui laisse rêveur quant à la population totale du globe. Elles sont partout : sous l'eau, sur l'eau, sous terre, au fond des grottes, sous les pierres, en surface, sur les herbes, buissons, rochers, à l'altitude 0 comme à 7000, et même en l'air. Car au bout des « 
fils de la vierge » il y a un minuscule aéronaute en train de visiter des empires et comparer les constitutions.
Ce sont des architectes de première force, comme chacun sait, et elles connaissent la géométrie sans jamais l'avoir apprise. Le matériaux sort aussi d'une fabrique de soie particulière d'où elles tirent indifféremment câbles de tous calibres, glu, vernis, scaphandres, machines volantes, nasses, filets de pêche, éperviers, treillis, tissus, tentes, tubes, murailles, labyrinthes, boîtes, serrures, téléphones, coffres-forts, etc., au choix et à la volonté de l'unique cliente, qui est elle-même.
L'araignée, sauf quelques espèces inconnues sous nos climats, est résolument individualiste – chacune pour soi et Dieu pour toutes – et doit faire face, pour son propre compte, aux multiples difficultés de l'existence. De telles obligations favorisent nécessairement les initiatives. D'après le « 
terrain », la disposition de la végétation, l'insolation, l'orientation, la brise locale dominante, chaque araignée va construire sa toile, et le castel de soie adjacent, à sa façon, résolvant chaque fois avec habilité un problème personnel. Après Favre, et bien d'autres, on ne peut que rester pantois devant ces merveilles de l' « instinct », tout en s'interrogeant in petto, une fois de plus, sur la nature et l'origine de cette superscience.
Outre la construction de leurs divers pièges, nurseries, cocons ou maisons de campagne, les araignées, grâce à la soie, se sont facilité l'existence à l'aide de quelques perfectionnements notoires qu'elles ont mis au point fort avant les bipèdes. C'est ennuyeux pour notre modestie bien connue, mais c'est ainsi. Voici la « 
cloche à plongeur » de l'Argyronète, précédant de quelques milliers de siècles la plongée légendaire d'Alexandre. Voici le téléphone, ou plus précisément le télévibreur, fil reliant le propriétaire à sa toile et lui transmettant ses vibrations. Voici les capots de fermeture (... automatique-Bount-s'en-chargera...) que fabriquent les mygales maçonnes à l'entrée de leurs terriers, ou même de chacune des chambres de leur appartement souterrain. Cette porte est faite de torchis, terre, menus débris, cimentés par la soie, et l'araignée peut la clore instantanément derrière elle grâce à un fil, ou bien la fermer « au verrou », toujours en soie.
La Tégénaire des murailles tisse sa toile dans les angles des vieilles murailles ou des parois rocheuses, mais la disposition des lieux peut être telle que l'architecte n'a pas la possibilité de raidir comme il faut le fond du piège à l'aide des haubans fixés directement au sol ou à la parois, soit à cause de la distance, soit parce que l'angle est défavorable. Elle use alors de l'artifice du contrepoids. C'est un menu caillou qu'elle s'en va quérir aux environs, et descend « à bout de corde » à l'endroit propice. On a contesté la réalité de cette technique, mais des observations minutieuses et répétées ont prouvé son usage, car souvent le «
 bloc » est d'une autre nature que les environs immédiats, et ne peut s'être envolé à la suite d'un décollage, comme on l'a d'abord suggéré.
Le camouflage, dont nos experts militaires n'ont découvert l'utilité tactique qu'entre 1914 et 1918..., est aussi un spécialité de certaines araignées, qui l'ont porté au plus haut point de perfection, puisqu'elles ont réussi à se dissimuler... en plein vide. La Cyclose dispose le long du diamètre vertical de sa toile une file d'objets, cailloux, menus débris, grains de terre, etc., de dimensions, formes, couleurs à peu près identiques, parmi lesquels elle se dissimule, immobile comme le Destin, et comme lui inexorable.
Faut-il ajouter que les araignées aiment la musique (plutôt la grande, celle de Beethoven) et qu'elles sont particulièrement « 
liantes », sans mauvais jeu de mots ? Plût au Ciel que tous les pauvres diables jetés par les puissants du jour dans un cul de basse-fosse, aient eu la dernière chance, comme Sylvio Pellico et Pellisson, d'oublier l'injustice des hommes en compagnie d'une humble tisseuse."

Samivel – Univers géant



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