Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°219 - Mardi 1er juin 2010

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Orchestre National de Barbes -
Yahli

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Harle bièvre, Merle noir ...
... et autres oiseaux
au bord du Léman
Morges (Suisse)
Lundi 26 avril 2010

Harle bièvre femelle.

Harle bièvre mâle.

Sur la plage : une Bergeronnette grise.

Au milieu des tulipes : un Canard colvert mâle.

Canard colvert femelle au repos.

Sittelle torchepot.

Merle noir mâle et sa proie.

Gloups !

Nette rousse mâle.

Toilette du mâle...

... et de la femelle.

Merle noir mâle perché...

... puis au sol.

Fauvette à tête noire mâle chantant.



Petit texte :

"Le vendeur lui indiqua une des trois tables recouvertes de toile cirée et abandonna son comptoir pour apporter une bouteille de vin et deux verres. Il les remplit, les deux hommes se regardèrent brièvement dans les yeux et y découvrirent les mêmes ombres, les mêmes cernes, le même glaucome historique qui leur permettait de voir des réalités parallèles ou de lire l’existence résumée en deux lignes narratives condamnées à ne pas coïncider : celle de la réalité et celle des désirs. Les naufragés d’un même bateau ont un sixième sens qui leur permet de se reconnaître, comme les nains.
– Excuse-moi si j’ai été un peu brusque, mais j’en ai plein les couilles de les entendre se plaindre des poulets ou de demander leur curriculum. Bavardons un peu en prenant un verre. Quand il pleut, il n’y a pas un chat dans la boutique. Santé.
– Tu as été sincère et je t’en remercie. Santé.
Tout en bavardant entre deux gorgées de vin, ils découvrirent qu’une même animosité envers les poulets et un même présent d’oiseaux déplumés les unissaient.
Le vendeur avait été et était toujours communiste – c’est comme une verrue morale, on ne s’en débarrasse jamais, précisa-t-il. Il était, lui aussi, rentré au pays après dix ans d’exil en Suède. Il soupirait en évoquant Göteborg, ses îles, la mer couleur d’acier et ces femmes qui choisissent librement et joyeusement le mâle qui jouira de leur pieu Ikea. Avec elles, il faut jouer franc jeu, précisa-t-il. Il avait deux fils, délestés du poids de la nostalgie. Ces jeunes gens s’étaient découvert des racines scandinaves certes aériennes, mais qui s’étaient pourtant peu à peu enfoncées dans le sol rocheux, ils avaient choisi les nuits de jazz au bar Néfertiti au lieu d’assister aux soirées folkloriques latino-américaines, et vibraient en écoutant la musique du groupe Psycore car les solos de guitare de Kalle Sepúlveda les secouaient davantage que les notes poignantes de Rodríguez le Gitan.
À Göteborg il avait fréquenté des émigrés espagnols venus construire le bien-être du pays dans les années soixante.
– Ces maçons andalous, ces mécaniciens asturiens, ces journaliers d’Estrémadure étaient des braves types, ils t’invitaient chez eux où il y avait toujours une omelette et un jambon digne de ce nom. Tous travaillaient et mettaient de l’argent de côté dans un seul but : retourner en Espagne et ouvrir un bar, cette idée les obsédait et, quand j’étais avec eux, j’en étais arrivé à penser que le Cid était allé à Valence dans l’intention d’ouvrir un bistrot et que si l’histoire de la société était celle de la lutte des classes dans le reste du monde, en Espagne c’était celle des patrons de bar et des clients, une chose négligée par Marx et Engels, ce qui en a fait deux philosophes suspectés d’antialcoolisme.
Ils m’ont contaminé et, à la fin de la dictature, on est rentrés, ma femme et moi, avec la même idée. On a d’abord ouvert un petit restaurant, La Maison de Scandinavie, mais ça n’a pas duré longtemps : il est impossible de convaincre les Chiliens que le hareng n’est pas un poisson pour les chats ni que la mer ne se mange pas seulement crue. J’espère que les choses ont mieux marché pour les Espagnols et qu’ils sont propriétaires de bars bourrés de clients assoiffés. On était sur le point de refaire nos valises et de retourner en Suède quand, un jour, inspirés par les pharmacies d’urgence, des types ont ouvert les premiers débits de boisson où on vend de l’alcool vingt-quatre heures sur vingt-quatre. J’ai donc décidé de faire comme eux avec Poulets non-stop et je me retrouve ici, à les regarder rôtir pendant que la Terre tourne sur son axe. Je déteste les poulets. Santé, camarade, et raconte-moi ta rogne.
– Un autre jour. Je dois mettre de l’ordre dans mon récit mais ma haine des emplumés est plus forte que la tienne, je t’assure, dit Cacho Salinas.
Chargé de ses deux sacs en plastique, il sortit dans la rue ; il pleuvait moins, il se mit en marche au milieu des gens pressés qui maudissaient le climat de ce pays modestement qualifié d’heureuse image de l’Éden dans l’hymne national.
"

LUIS SEPULVEDA - L’OMBRE DE CE QUE NOUS AVONS ETE



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