Mardi 18 septembre 2007
Dernières images du site "Rencontres Sauvages" : 81
Si cette page ne s'affiche pas correctement, cliquez [ici]


Nouveauté :

Je viens de publier quelques images sur le site
"Photophiles" n°60 (du 15 septembre 2007)

Pour les voir : cliquez [ici]

Pour voir les "newsletters" dans lesquelles j'ai parlé
des chalets d'alpages du Jura :

cliquez [ici] (n°36) ou [ici] (n°38) ou [ici] (n°40)



Les ailes de l'Estive


Estive du Pic du Montaigu
(Hautes-Pyrénées)

Vol d'un couple de Gypaètes barbus dans l'azur.
Mardi 28 août 2007

Vautours fauves au dessus des nuages.
Mercredi 29 août 2007

Milan royal vu de dessus.
Mercredi 29 août 2007

Vol d'Hirondelles de fenêtre au dessus du lac du Montaigu.
Elles sont en migration et survolent le lac afin de se rafraîchir et de se désaltérer.
Mercredi 29 août 2007

Vol de Cigognes blanches en migration, au loin dans les nuages (au dessus de Pau...).
Vendredi 31 août 2007

Vol d'un couple de Craves à bec rouge.
Samedi 1er septembre 2007

3 phases de l'atterrissage d'un Vautour fauve.
Dimanche 2 septembre 2007

Passage d'un autre individu.
Dimanche 2 septembre 2007



Un petit texte :

"La chambre d'Ozu

C'est là qu'il a séjourné durant les dernières années de sa vie. D'une façon générale, je ne suis pas particulièrement intéressé par les hôtels d'écrivains, ou les résidences d'artistes. Cela m'est égal de savoir où ils ont vécu, d'entrer dans leurs meubles. La maison de Bunuel à Coyoacan, le campement de jungle de Francis Ford Coppola au Belize, ou même la chambre de Mishima à l'hôtel Hilltop de Tokyo, cela me laisse indifférent. Je ferais peut-être une exception pour l'appartement d'Ingmar Bergman à Stockholm, et pour la mansarde de Rimbaud rue Serpente à Paris, simplement parce qu'ils se trouvent dans les coins les plus bruyants de ces capitales. Mais la chambre de Yasujiro Ozu, c'est autre chose. Un ami japonais m'y a convié. C'est à Chigasaki, un bord de mer de luxe sur la route de Yokohama, un endroit qui semble hors du temps, suspendu devant l'océan face au volcan le plus célèbre de la planète. Quartier de petites maisons, certaines encore en bois comme avant la guerre, des rues tortueuses, tranquilles, où circulent les chats. Le climat doit y être doux, car dans les jardins j'ai remarqué des palmiers de l'espèce Cycas. Mais quand je suis arrivé, le village était couvert de neige. L'hôtel Chigasaki Kan est un peu en retrait, sur une pente, accessible par une route si étroite qu'on a peine à imaginer une voiture s'y aventurant. C'est en réalité un ryokan, c'est-à-dire une auberge typique du Japon traditionnel, où l'on dort par terre et l'on mange dans une salle commune. Le froid avait dû faire fuir les clients. Ma chambre était assez grande, selon les critères japonais. Au bout d'un long couloir vitré qui mène de la maison principale aux quartiers des hôtes. C'est ici qu'Ozu écrivait, recevait ses amis, dormait. Le mobilier est réduit à l'essentiel : un matelas de coton sur le sol, une tablette pour poser sa tasse, un coffre pour ranger couvertures et kimonos, une cuvette pour les ablutions. A l'extérieur de la chambre, une sorte de pièce d'été donne sur le jardin, meublée d'une petite table et de deux chaises basses. Les fenêtres sont toutes à glissières, de grands rectangles divisés en carreaux de papier de riz. Au mur, j'ai vu une photo qui montre le maître dans cette pièce d'été, assis devant sa machine à écrire.
Je crois que j'ai passé dans cette maison solitaire et glacée une des plus mauvaises nuits de mon existence - mais aussi une des plus inspirées. Après le coucher du soleil, ma chambre est devenue pareille à une sorte de radeau couvert perdu dans le ciel glacé de l'hiver.
Un peu avant de dormir, j'avais marché dans les rues de Chigasaki jusqu'à la digue d'où on voit le cône du mont Fuji encore rose au-dessus de la brume de Tokyo. Puis peu à peu tout s'est figé dans le froid. Couché sur le matelas, j'écoutais la neige craquer sur les branches des cyprès du jardin. Je pensais à la chaleur très douce des demeures dans les films d'Ozu, à cette sorte d'âme féminine qui imprègne ses images. Je pensais à cet univers où tout se passe à fleur de sol, au sein d'une tribu très ancienne. Je pensais à sa vie, si brillante, pleine de chants, du tintamarre des orchestres ambulants, des rires des enfants faisant flotter leurs cerfs-volants sur la plage, cette vie qui parle du temps où le Japon avait gardé une relation avec le lieu, non pas dans l'innocence d'un âge d'or, mais au contraire dans la certitude de son savoir ancestral. J'ai dormi par intermittence. Il me semble avoir entendu, au coeur de la nuit, comme un froissement léger dans le couloir, un souffle. Je ne vais pas raconter d'histoires : le vieux gérant du ryokan, dont je crois avoir compris qu'il est le dernier témoin de l'existence de Yasujiro Ozu, vêtu de son kimono froufroutant, ses pieds légers dans ses chaussettes à orteils et galoches de bambou, circule tel un veilleur attentif et prudent, en mémoire du temps où l'auberge et les voyageurs devaient être protégés contre les voleurs. Au petit matin, après un déjeuner dans la salle commune glaciale et orgueilleuse tel un temple inutile, je suis parti dans les rues du village, m'étonnant un peu de ne pas être poursuivi par les gosses qui couraient jadis après l'acteur Kihachi, et j'ai rejoint la gare du chemin de fer."

JMG Le Clézio - Ballaciner*

*Ballaciner : tomber du ciel de nuage en nuage au milieu des éclairs...


Voir la liste des anciens numéros de "Dernières Images" (les archives) : cliquez [ici]

Site internet : Rencontres sauvages

Me contacter : pascal@pascal-marguet.com

 

Pour vous désinscrire, vous pouvez m'envoyer un e-mail (en répondant à ce message) avec pour objet "désinscription",

ou en cliquant

[ici]