Mardi 2 juin 2009
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Un jour à la campagne...

Astugue (Hautes-Pyrénées)
Dimanche 3, mardi 5 et samedi 9 mai 2009

Roland, le "Patou", au réveil, dans la bergerie.

Samuel (mon frère), lors de la traite du matin.

Un agneau profite d'un instant d'inattention pour téter.

Roland, au repos...

Les agneaux (et agnelles) dans leur parc.

Un des deux veaux (né il y a 15 jours).

Après la traite, le troupeau est ramené à la pâture.

Deux des vaches (il y en a 4) reviennent déjà ! :
sont-elles déçues de la qualité de l'herbe de ce matin ?

Le bouc, attaché par les cornes, dans la bergerie.

Les brebis attendent pour la traite.

Roland dort dans un ratelier.

Le soir, dans la pâture.

Roland veille sur le troupeau (c'est un chien de protection).

Retour du troupeau pour la traite du soir.



Petit texte :

"Ce soir-là, fatigué par sa course, le soleil se couchait tôt sur le tranquille alpage où les fleurs rivalisaient de formes et de couleurs.
Les chalets accrochés aux pentes du mont d'Or commençaient aussi à somnoler ; dans leur mosaïque de forêts ; la boissaude, la Grande et la Petite Echelle se maquillaient d'ombres tardives.
Au fond de la vallée, le lac de Joux lissait son miroir, avant de s'assoupir sous sa couette de nuages légers. Avant de redescendre à la ferme avec les bêtes pour la traite du soir, Ti-Jean, blotti contre le tronc de Bonhomme-Forêt, appela le génie de l'arbre. Après un long silence, une voix colère chuchota :
- Parle moins fort et regarde autour de toi avant de m'appeler, nom d'un noeud sec ! Es-tu seul ?
- Je ne vois personne dans les parages, murmura Ti-Jean.
- Si tu veux que je sorte de mon écorce quand tu m'appelles, tu dois utiliser la formule magique, répondit l'esprit de l'arbre. Je ne te l'ai pas apprise l'autre jour ?
Répète après moi : « Génie de l'arbre, sors de ton bois ! »
- Génie de l'arbre, sors de ton bois ! Articula gravement Ti-Jean.
A cette invitation, l'esprit de Bonhomme-Forêt se faufila hors de son écorce.
- Bonsoir, garçon, heureux de te retrouver !
- Bonsoir, Bonhomme-Forêt ! Cela ne vous fait pas mal, de sortir ainsi de votre bois sans ouvrir de porte ? S'inquiéta Ti-Jean.
- Non, question d'habitude ! Même si j'ai des douleurs à l'écorce du côté nord, là ou la mousse protège pourtant mon tronc, mais à force de rester debout sur le même pied, à mon âge, on fatique, répondit le vieil arbre en lissant ses lichens ébouriffés. Et souviens-t'en, désormais je n'apparaîtrai que si tu prononces la formule magique. Que veux-tu ?
- Ce soir, j'avais envie de vous confier un secret, ou plus exactement un voeu : je voudrais être un oiseau, pour survoler les monts du Jura.
- Tu as deviné que les génies des arbres ont des pouvoirs fabuleux, qu'ils peuvent donner une forme nouvelle à chaque élément naturel ? Si tu souhaites aussi être un écureuil, tu pourras grimper dans mes branches, mais si tu trahis notre secret, je te changerai en fourmi, rappela Bonhomme-Forêt.
- C'est vrai, vous pourriez me changer en oiseau ? En milan royal, cela me plairait ; à condition que je ne vole pas trop longtemps, car je dois bientôt rentrer !
- Un peu de patience, chaque chose en son temps. Je dois retrouver la formule magique ! Ah, c'est cela : « Virem voltam volute ! »
Et Ti-jean se transforma en oiseau majestueux qui prit aussitôt son envol.
Ses grandes ailes étroites et coudées le soutenaient, sa large queue échancrée le dirigeait. Après quelques maladresses et des loopings hasardeux, il maîtrisa sa nouvelle apparence.
- C'est génial ! Je vole, je plane, je virevolte !
Il jouait avec les brins de vents qui venaient le chahuter, dérivait d'un crêt à l'autre en glissant sur les rayons d'un soleil affaibli. C'était fabuleux. Du regard, il dépliait les combes et les crêts, le Jura s'aplatissait sous ses ailes. Apeurés, les campagnols fuyaient dans leur refuge. Ti-Jean n'avait pas l'intention de les tuer, mais sa silhouette de rapace les inquiétait, comme les autres habitants de l'alpage.
Alors qu'il planait au-dessus de la forêt, il vit une martegrimper sur l'épicéa où logeait, dans une hotte en branchettes, la petite famille de sciurus, l'écureuil. Ayant aperçu le prédateur, un des petits de la nichée donna l'alerte et s'enfuit par une des deux sorties de la maison. Il se réfugia sur une branche souple où la marte ne pourrait pas l'atteindre. Ses autres frères et soeurs, serrés en pelote, étaient terrorisés. La croqueuse, sa bavette jaunâtre déjà nouée sur la poitrine, flairait son souper. Choupette, la courageuse épouse de Sciurus, les griffes enfoncées dans l'écorce du tronc, soufflait en faisant grand bruit pour éloigner le prédateur, lorsque Ti-Jean plongea sur la marte et lui donna un coup de ses griffes acérées. Affolée d'être chassée à son tour, la marte sauta agilement sur les branches d'un arbre voisin et disparut.
Urogallus, le grand tétras qui promenait ses rares petits en glanant quelques myrtilles, les emmena discrètement loin du champ de bataille ; ils pouvaient, eux aussi, être un diner de choix.
Une fois dans la combe, après avoir parcouru quelques mètres en courant dans le sens de la pente, la compagnie s'envola aisément. La belle saison avait été riche en fraises des bois et en framboises, les corps grassouillets et bien emplumés avaient besoin d'élan pour décoller. Urogallus préférait parcourir son domaine en marchant, c'était moins fatigant.
Ti-Jean continuait à survoler les combes et les monts, devinait la douce gélinotte cachée dans les sorbiers, regardait les monts Tendres s'embraser dans le crépuscule. La vallée s'ourlait de chapelets de brume qui s'étiraient de sapins en murgers ; la Boissaude et la Grande Echelle s'enveloppaient de mystère. Sortant du couvert des noisetiers, les lièvres quittaient leur gîte pour souper d'un champignon ou d'une herbe drue, signe que l'année vieillissait. Un couple de grands corbeaux, installé sur une branche pour la nuit, rappelait ses petits. Le silence du soir s'imposait peu à peu. Le dernier clin d'oeil du soleil souligna le décor, précisant chaque contour.

La lumière se noyait dans le manteau de la nuit lorsque Ti-Jean aperçut son père devant l'étable de la ferme. Les poings sur les hanches, il regardait la montagne l'air furieux. D'un battement d'ailes, Ti-Jean le milan descendit l'écouter.
- Que fait ce garnement ? Il rêve encore contre son arbre ? Les vaches devraient déjà être rentrées ! Bougonnait-il.
Il était grand temps de rejoindre Bonhomme-Forêt. En quelques coups d'ailes rapides, le milan atterrit sans difficulté près de l'arbre qui prononça une autre formule magique : « Volute, voltam, virem, acaba ! »
Et Ti-Jean retrouva forme humaine.
- Alors, satisfait de ton aventure, jeune berger ?
Très ému, Ti-Jean se blottit contre le grand manteau de velours.
- Oh, oui, merci ! J'aimerais revenir demain, pour découvrir encore la vie cachée des animaux des monts et des forêts !
Entendu, répondit Bonhomme-Forêt ; dans quelques jours, c'est la Saint Jean, je te transformerai en iouton, puisque c'est le nom que vous donnez ici aux diablotins, aux elfes et aux lutins !
- Et n'oublie pas ta promesse, garde bien notre secret.
Les vaches s'étaient déjà rassemblées ; Brunette, la plus vieille laitière, vint prévenir Ti-Jean que leur lait ne pouvait plus attendre, qu'il fallait vite les traire.
Ti-Jean écoutait les arbres bâiller, le long du sentier ; Pectinata, le sapin, lui souhaita le bonsoir ; Sorbus, le sorbier ami des oiseaux, grommelait dans son coin que Fagus, le hêtre, lui cachait les derniers rayons du soleil ; puis il vit sautiller vers lui Sciurus, une noisette dans les mains :
- Choupette et moi voulons te remercier d'avoir éloigner la marte. Je ne t'avais pas reconnu, quand tu jouais au milan. Tu m'as fait très peur. Il ne faut pas voler si près de notre arbre ; j'en ai lâché toutes les provisions de noisettes que je tenais, sauf celle-ci. Apodemus, le mulot a été bien content de grignoter celles qui sont tombées au sol.
- Je suis désolé, Sciurus. Mais tes petits sont sauvés, n'est-ce-pas le plus important ?
Assurément ! Maintenant, il faut que l'on change de nid. Demain, nous allons occuper celui du bosquet de la citerne, nous y serons plus en sécurité.
Il était tard ; le garçon aperçut son père qui venait à sa rencontre :
- Faut-il que je garde les vaches à ta place ? Gronda-t-il. Ce sont des ouvrières qui n'aiment pas changer leurs habitudes, dépêche-toi, le dîner est presque prêt et il faut encore faire la traite."

Jean PARRET - Les contes de Bonhomme-Forêt

La Boissaude, la Grande et la Petite Echelle sont des chalets d'alpage qui existent vraiment (sur le Mont d'Or, dans le Haut-Doubs).

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