"Radeliers
de la Loue"
 

Le flottage des bois sur la Loue

En Franche-Comté, l'activité du flottage des bois par radeaux est liée à la conquête de la province par Louis XIV en 1678. C'est pour satisfaire à l'ambitieuse politique de construction navale de Louis XIV que Colbert promulgue l'Ordonnace Royale de 1669 qui règle la gestion des forêts de France. A cette époque la Franche-Comté est la province la plus boisée (40% du territoire). Les bois destinés à la Marine Royale, issus des forêts comtoises, seront donc tout naturellement dirigés vers les arsenaux de Marseille et Toulon. La région est très grande pourvoyeuse de bois : les chênes naturellement courbés des forêts de plaine et les résineux des forêts des plateaux pour la mâture, les ponts et les bordés.
Des bûcherons spécialisés équarrissent grossièrement les bois en forêt ; des paysans des villages borduriers transportent ces troncs jusqu'aux "ports au bois" désignés : Chamblay, Ounans, Parcey sur la Loue, Crissey, Falletans sur le Doubs.
Le flottage des bois était le seul moyen de diriger ces matériaux jusqu'aux arsenaux méditerranéens en empruntant le bassin rhodanien. Les vallées du Doubs, la Saône, la Loue, l'Ain sont des voies royales pour assurer ce mode de transport.
Les radeaux - ces "planchers porteurs"- sont constitués de longs bois (jusqu'à 40 m) résineux permettant ainsi le transport des arbres fondriers non flottables (chênes courbants).
Au village de Chamblay s'active tout un petit peuple tels que les approcheurs des bois, les tordeurs qui préparent les liens (les "riottes" constituées de jeunes plants d'arbustes). Une dizaine de grumes constitue un radeau. Les mariniers-flotteurs ou radeliers dirigeront ces embarcations sur les rivières et les fleuves aux périodes des crues de printemps et d'automne.
L'équipage, constitué de cinq ou six hommes, rencontre difficultés et dangers pour conduire cette embarcation de fortune ; gouvernail-avant et arrière sont indispensables, de même que les longues perches de bois munies de "arpis" et "gaffes". Il fallait près de cinq jours pour arriver à Lyon. La conduite des radeaux (la "décize") jusqu'en Arles comportait de nombreuses étapes et transformations des radeaux. Le Doubs, puis la Saône, permettaient le flottage par trains de bois assez conséquents (extention des radeaux sur la longueur et la largeur).

Le Flottage
sur la Loue


D'Arles, les bois étaient chargés ou remorqués en mer par le delta du Rhône par des "allèges", navires de transport à voile jusqu'aux arsenaux méditerranéens. Pour la plupart des radeliers de Chamblay, la "décize" s'arrêtait à Verdun-sur-le-Doubs. Ils regagnaient à pied le village et prenaient à nouveau un radeau en conduite. Quelques-uns cependant accompagnaient les bois du Jura jusqu'en Arles, convoyaient d'autres embarcations et regagnaient Chamblay le 6 décembre, pour fêter leur patron et protecteur, Saint Nicolas.
Au 19ème siècle, l'activité et la destination des bois flottés ont pour but la construction et l'ubanisme des cités du bassin rhodanien. Désormais, la "décise" des "longs bois" s'achève à Beaucaire. Sous l'appellation de "Bois de Chamblay", ils sont entreposés et négociés à la grande foire de la Madeleine. La Loue connaîtra alors un regain d'activité considérable. Les volumes de bois transportés sont impressionnants : en 1861, 6 800 m3 de bois sont préparés en 765 radeaux à Chamblay. Vers 1840, l'activité du flottage va également s'établir à Cramans.
La mise en service de la ligne de chemin de fer Dole-Salins (1857) puis la guerre de 1870, précipiteront le déclin et la fin du flottage. C'est en 1901 que l'on relève le dernier radeau en partance de Chamblay. L'épopée des radeliers, véritable patrimoine, sombra profondément dans l'oubli quasi général des gens du Val de Loue. Mais les eaux de la Loue se souviennent...

Robert Francioli - Confrérie Saint Nicolas des Radeliers de la Loue
(texte extrait de : Un canard sur la Loue n°77 - hiver 2005)

Site internet : http://pageperso.aol.fr/radelierdelaloue/radelier.html